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John Amaechi se confie : « Je suis meilleur psy que basketteur »

L'ancien pivot du Magic et du Jazz sort son troisième bouquin, « It's not Magic », sur le leadership. Il en a profité pour discuter de sa carrière avec BasketUSA, d'Antoine Rigaudeau à Victor Wembanyama.

Le basket et la NBA n'ont été pour lui qu'une étape. C'était surtout une promesse qu'il avait faite à sa mère et qu'il a remplie en un temps record. En six ans seulement.

Docteur en psychologie et conseiller pour de nombreuses grandes entreprises internationales, John Amaechi vient de sortir son troisième livre sur le leadership, intitulé « It's not Magic ». Qui n'est pas un clin d'œil à sa carrière NBA, nous a-t-il confié dans une interview fleuve.

Dans un « Throwback Thursday » improvisé, on a passé en revue sa carrière bigarrée, qui s'étend de 1987 à 2003. Dans un premier temps, de Manchester à Cleveland en passant par Vanderbilt et Penn State. Puis dans un second temps, de Cholet à Utah, en passant par le Panathinaikos, la Virtus Bologne, le CSP Limoges et Orlando !

Antoine Rigaudeau, Tariq Abdul-Wahad, Shaquille O'Neal, Tim Duncan, Matt Maloney… Autant de noms d'anciens coéquipiers et adversaires du pivot pionnier du basket britannique qui pose un regard rafraichissant sur la Ligue et ses coulisses.

“Je savais dès l'âge de 7 ans que j'allais devenir psychologue, bien avant le basket”

Tout d'abord, parlez-nous de ce nouveau livre qui est sorti cette semaine, qui s'intitule “It's not Magic”. Est-ce un clin d'œil à votre carrière NBA, et votre meilleur passage avec Orlando ?

Ce n'est pas vraiment une référence au Magic d'Orlando, non. J'y ai pensé, a posteriori, que certaines personnes pourraient effectivement croire que c'est une référence à ma carrière, mais non. Après, j'ai eu un commentaire très sympa de la part de Doc Rivers qui a lu le livre, qui figurera probablement en quatrième de couverture. Non, ce livre parle de leadership, une qualité qui est finalement assez rare dans le monde. L'univers du basket est un exemple intéressant à ce propos. On y trouve très peu de leaders capables à la fois de réunir et faire cohabiter des talents sur la durée, mais aussi d'avoir une conscience et une perspective hors terrain. Dans ce bouquin, je reviens sur les nombreuses collaborations que j'ai pu avoir dans le monde de l'entreprenariat. Le leadership n'est pas inné. Comme au basket, c'est la combinaison de capacités simples qui permet de réaliser de grandes choses. Voilà les qualités ordinaires dont vous allez avoir besoin pour faire des choses extraordinaires.

Il est rare que les anciens joueurs NBA parviennent à trouver leur voie (professionnelle) de manière aussi évidente que vous avez pu le faire. Etiez-vous déjà persuadé que le basket n'était qu'une étape pour vous ?

Absolument. Dans toutes les interviews que j'ai pu faire, surtout à la télé, j'ai toujours dit que je voulais devenir psychologue. […] Je savais dès l'âge de 7 ans que j'allais devenir psychologue, donc bien avant le basket […]. Ce que j'ai appris en chemin, c'est toute la diversité de la profession. Au début, je pensais simplement être psy et recevoir mes clients. Mais j'ai appris qu'il y avait beaucoup d'entreprises dans le secteur de la santé, dans lesquelles je pouvais intervenir, ce qui flatte aussi mon égo, je dois bien l'avouer. De cette manière, je peux travailler avec des milliers de personnes au lieu d'une dizaine ou d'une trentaine.

Est-ce que vous vous considériez comme un leader quand vous étiez joueur ?

Oui, j'ai dû le devenir, car mes capacités étaient très limitées. Là où j'ai le plus contribué en tant qu'athlète, c'est à Orlando. Mais, même là-bas, et ça a été évoqué par Doc Rivers lors d'une interview télé, il disait, et je m'en souviens très distinctement, que j'avais une présence incroyable et apaisante dans le vestiaire. Ça m'avait marqué. Même quand je ne score pas 10 ou 12 points, même si les fans ne le voient pas forcément, je peux toujours apporter quelque chose à l'équipe.

Dans votre livre “Man in the Middle”, vous exposiez votre situation à Utah, où il était difficile pour vous d'être le leader que vous étiez à Orlando, du simple fait que vous étiez en bas dans la hiérarchie, et au bout du banc du Jazz ?

Deux choses là-dessus : la première chose, c'est qu'il y avait déjà des leaders en place dans l'équipe, et on n'est pas obligé d'être un leader partout où on passe. Karl Malone en particulier était le leader de cette équipe, il m'a bien traité à l'époque et il continue de le faire encore maintenant. Je ne pense pas que c'était mon rôle d'être un leader dans cette équipe. Et puis, la seconde chose, c'est que ce n'était pas prudent pour moi de parler et de lever la voix. Il y aurait eu des conséquences si j'avais ouvert ma bouche. À Utah, leur problème avec moi, c'est qu'ils pensaient que le fait que je fasse des études en même temps était inacceptable. Ils pensaient que c'était une distraction par rapport à mon job de joueur. Alors que moi, je pensais que c'était mon temps libre et je pouvais en faire ce que je voulais. Ils ne se plaignaient pas que des joueurs qui passaient leur temps sur leur console de jeu, ou sur les joueurs qui trompaient leur femme sur leur temps libre. Ils se plaignaient seulement de moi quand j'étudiais pour mon doctorat.

Est-ce que vous pensez que vous auriez pu jouer plus longtemps en NBA, ou est-ce que cette expérience désagréable à Utah vous a vacciné et vous a convaincu de passer à autre chose, et en l'occurrence pour vous, la pratique de la psychologie ?

On rencontre tous, à différents degrés, des situations où on se demande si ça vaut le coup de continuer, au risque de sa santé mentale. Je ne savais pas si mon prochain coach allait être comme Jerry Sloan, ou comme Doc Rivers. C'était un trop grand risque. Mais aussi, j'avais envie et besoin même de faire d'autres choses. J'avais une idée bien précise de ce que je pouvais faire en dehors du sport. J'ai pris ma retraite à 35 ans, je n'étais plus tout jeune. Je le sentais pleinement dans mon corps. Est-ce que j'ai vraiment envie d'aller me battre pour un spot dans un effectif NBA ? Ou alors, est-ce que je n'ai pas envie de faire autre chose, où je suis meilleur ? Je suis meilleur psy que basketteur, ce qui est une affirmation plutôt cool.

“J'ai commencé le basket à 17 ans, et que j'ai débuté en NBA six ans plus tard”

Qu'est-ce que vous voulez dire précisément quand vous parlez de votre santé mentale, qui était à risque à Utah ? 

Ça n'a rien à voir avec les mormons ou Salt Lake City, qui est une ville universitaire au final. Car au final, ce n'est pas si différent que de jouer à Houston, dans le Texas. Ce n'est pas tant l'aspect religieux, car je suis athée. Non, c'était la manière dont j'étais traité. Quand vous allez au travail tous les jours et qu'on vous traite constamment de ‘cunt' (connard), comment vous sentiriez-vous ? Voilà, c'était ça ! Je ne voulais pas qu'on me traite de ces noms. Ou qu'un assistant coach vienne me dire que je suis ‘uppity' (prétentieux). Je ne pense pas que l'on puisse remettre en question mon application, quand j'ai commencé le basket à 17 ans, et que j'ai débuté en NBA six ans plus tard, ce qu'aucun autre joueur dans l'histoire n'a réussi à faire. Dans ces environnements, on fait des choix alternatifs. Ce que j'ai fait.

Vous auriez probablement pu jouer plus longtemps avec un coach comme Doc Rivers alors…

Je n'y ai jamais pensé mais je suis très heureux des choix que j'ai faits. J'ai une belle vie.

Quel est votre premier souvenir de basket ? 

C'est de jouer dans un petit gymnase de Chorlton, en banlieue de Manchester [où on l'avait rencontré en 2012, avant les JO de Londres], et arriver dans ce gymnase avec un groupe de gens qui accourt vers moi, en me demandant de jouer dans leur équipe. C'était un énorme sentiment d'appartenance, que je n'avais jamais ressenti auparavant. En général, quand les gens me croisaient, ils étaient plutôt apeurés de ce grand gamin noir massif. Ils m'ont accueilli à bras ouverts et c'est ça qui m'a convaincu de me mettre au basket pour de bon.

Quel était votre modèle à vos débuts ? Comment était le basket en Angleterre à cette époque-là ?

À peu près là où il en est encore maintenant… C'est vrai qu'on a des matchs NBA qui viennent en Angleterre, à Londres et à Manchester, et j'en fais partie en tant qu'ambassadeur de la NBA. Mais la vérité, c'est que si vous avez des joueurs français qui finissent en NBA, c'est que quelque part, dans un petit village, il y a un accès facile et abordable (financièrement) pour pratiquer ce sport. Et pas seulement quand le soleil brille et qu'on peut jouer sur les playgrounds. Il y a des dizaines de milliers de joueurs qui ont plus de talents et plus de qualités physiques que moi. La raison pour laquelle ces joueurs-là n'arrivent pas à percer au plus haut niveau, c'est que notre championnat national ne vaut pas grand-chose et c'est très cher. C'est un sport de classe moyenne chez nous. La dernière fois que j'ai joué, c'était 38 pounds (44 euros) pour un demi-terrain, pour une heure. À mon époque, c'était pareil, il n'y avait pas d'accès, c'était cher. On cherchait toujours des terrains pour jouer et on se faisait dégager par les gardiens. Et il manque des bons entraîneurs. On avait un match NBA par semaine, ou toutes les deux semaines sur la 4e chaîne, et c'était à 2h du matin. C'était l'ère des Celtics contre les Lakers, Bird contre Magic, c'était ma jeunesse. J'aimais Larry Bird parce que, comme moi, il n'était pas très athlétique mais il était quand même très bon. Mais j'aimais aussi Magic pour ses passes, même si je n'ai jamais été un passeur très généreux dans ma carrière [rires]. C'étaient les deux joueurs qui me faisaient rêver.

Vous ne vous identifiiez pas à des joueurs intérieurs plutôt ? 

Pas vraiment. Les joueurs qui étaient remarquables, les stars, n'étaient pas des intérieurs. Il y avait bien Kareem [Abdul-Jabbar] évidemment, qui avait son sky hook inarrêtable, mais à l'époque, je n'appréciais pas son jeu comme je peux le faire maintenant.

Comment avez-vous réussi à passer si rapidement de ces petits gymnases miteux d'Angleterre aux grandes universités américaines : Vanderbilt, puis Penn State ? 

Je suis allé dans un lycée américain d'abord, dans la ville de Toledo, en Ohio, parce que j'étais trop nul ! Il fallait impérativement que je progresse pour obtenir une bourse de scolarité à la fac. Mon coach de l'époque vient tout juste de prendre sa retraite d'ailleurs, il entraînait encore il y a deux ans, toujours la même tête. C'est lui qui m'a aidé à trouver une bourse, dans une fac qui allait être bonne, mais pas trop forte non plus, pour que j'ai une chance de pouvoir jouer. Il fallait que ce soit une équipe moyenne d'une conférence qui soit forte. Et de mon côté, j'avais regardé quelles étaient les meilleures écoles pour la psychologie. Je voulais vraiment aller à Northwestern car ils étaient dans la conférence Big Ten et avait le meilleur département de psychologie du pays. J'avais Northwestern, Wake Forest et Vanderbilt et une autre que j'ai oubliée [sur ma liste]. Vanderbilt a été la seule à m'offrir une bourse donc j'y suis allé. Je ne connaissais rien du Tennessee ou du Sud [des Etats-Unis].

“C'est la première fois que je me suis dit : ah, c'est ça de jouer en NBA !”

Comment s'est passé ce transfert ? 

J'ai fait ce transfert à Penn State car mon coach de l'époque m'a convoqué avec mon compagnon de chambrée, et il nous a dit qu'on ne jouerait jamais en première division universitaire et qu'il vaudrait mieux qu'on aille trouver une autre fac en deuxième ou troisième division. Mon camarade était un certain Matt Maloney, qui a joué en NBA et a même gagné un titre avec les Rockets. Comme quoi, ce coach n'était vraiment pas le meilleur juge de talent. On est parti ensemble, il a atterri à Penn et moi à Penn State.

Est-ce que ça faisait partie de votre plan pour arriver jusqu'en NBA, ou ça s'est fait comme ça, sur le moment ?

Penn State faisait partie de mes calculs. J'avais pas mal d'options mais premièrement, ils avaient un bon département de psychologie, avec qui j'ai encore beaucoup de contact. Et puis, deuxièmement, Bruce Parkhill était mon coach et il était très pragmatique. Tout le monde m'a menti pendant mon année de transfert. Je suis allé dans une université, que je ne nommerai pas, et ils m'ont dit d'aller au centre du terrain, dans leur salle qui était vraiment une belle salle, et ils avaient mis la bande son d'un match, le bruit du public et le commentaire télé, comme si je jouais en direct. C'était incroyable ! Et puis, je suis arrivé à Penn State, je me suis baladé sur le campus et j'ai rencontré Coach Parkhill. Il s'est assis à côté de moi et il m'a dit : si tu viens chez nous et que tu travailles très très dur, tu pourras devenir un bon joueur. Mais si tu ne viens pas, alors tu n'y arriveras pas. C'était si simple et si franc. J'ai signé à Penn State.

Peut-on dire que c'est alors que vous passez un cap, en termes de technique et de physique ?

Penn State est effectivement là où j'ai vraiment senti que j'ai développé mes qualités. Mais mon année blanche [obligatoire à l'époque pour changer de fac, ndlr] m'a aussi permis de progresser énormément, dans un contexte où il n'y avait pas de conséquences directes. C'était très important. En vérité, à l'époque, je ne voyais pas les Etats-Unis comme un pays étranger. Ils parlent anglais comme nous, la transition s'est faite naturellement. Mais, quand je suis arrivé à Toledo, j'ai mis une semaine à comprendre mon coach qui avait un fort accent du Midwest. De même, à Vanderbilt, dans le Tennessee, je comprenais bien leur accent mais eux n'arrivaient pas à comprendre le mien. Je me suis rendu compte au fur et à mesure que c'était un pays complètement différent du mien.

Est-ce que c'est à Penn State que vous avez pris conscience que vous pouviez faire carrière en NBA ?

Je ne serais jamais venu en Amérique s'il n'y avait pas la NBA derrière. Je ne venais clairement pas en Amérique pour jouer en université. Je voulais jouer en NBA. A Toledo, à Nashville, à University Park, le but était de jouer en NBA. Autrement, je ne faisais que perdre mon temps. Car, dans le même temps, j'avais ma mère qui se battait contre un cancer en Angleterre. Je ne voulais pas manquer les derniers jours de sa vie juste pour jouer au basket en université. J'étais venu pour remplir ma promesse de jouer en NBA. C'était aussi important que ça pour moi. C'est pour ça que, quand on a remis en question mon investissement [à Utah en fin de carrière], c'était très insultant ! J'ai sacrifié les dernières années de la vie de ma mère [pour y arriver]. Je suis rentré à la maison, trois jours avant son décès. C'était une insulte insensée pour moi qu'on remette en question mon ambition.

Quel était votre sentiment quand vous avez enfin réussi à jouer en NBA, c'était à Cleveland en 1995 ?

D'une part, c'était fantastique parce que j'avais effectivement accompli mon rêve. Mais d'autre part, j'étais encore profondément fragile car j'étais un rookie non-drafté qui essayait de gratter une place dans l'effectif des Cavs. Chaque jour, je me demandais si j'allais rester ou on allait me couper. C'est seulement à Orlando que j'ai ressenti ce sentiment d'accomplissement, en me disant que c'était comme ça que je pouvais contribuer en NBA. J'étais soit dans le cinq majeur, soit j'entrais en jeu assez tôt dans le match et j'apportais ma contribution. Lors de ma première saison à Orlando, c'est la première fois que je me suis dit : ‘Ah, c'est ça de jouer en NBA !' Avant ça, j'avais ressenti beaucoup d'anxiété et même parfois, ça ressemblait à de la punition.

“Quand un joueur recevait le ballon dans les parties intimes, il les allongeait par terre et il leur tapait sur les pieds”

Est-ce que vous aviez des ‘corvées de rookie' à votre arrivée chez les Cavs ? 

Oui, je portais des sacs, j'allais chercher des commandes de bouffe. J'ai dû chanter une fois. C'était tout. Je sais que certains joueurs disent que c'était difficile, surtout dans les années 90. Mais à Cleveland, je n'ai pas eu à me plaindre. Ce n'était pas un truc dingue.

Vous aviez pourtant des vétérans intéressants dans cette équipe, tels que Dan Majerle, Michael Cage, Tyrone Hill…

Il n'y a pas un seul de ces gars-là qui ne m'ait pas traité de manière incroyable. Michael Cage est un gars remarquable. Dan Majerle était comme une pompom girl, à m'encourager. Il m'a fait boire un soir après un match, ce qui m'avait marqué parce que je me sentais vraiment mal le lendemain. Tyrone Hill a aussi été un coéquipier très sympa et qui m'a bien encouragé. C'étaient des vétérans, mais si tu étais ouvert à apprendre, à les écouter, ils étaient là pour toi.

Est-ce que l'un d'entre eux, ou un autre joueur, vous a servi de mentor en NBA ?

Pas véritablement mais je dirais que Michael Cage est quelqu'un que je cite souvent comme un très bon exemple de leader. Il ne parlait pas beaucoup mais il démontrait son leadership au quotidien. J'allais souvent lui parler.

Vous obtenez un contrat avec les Cavs mais vous rentrez rapidement en Europe, quel était votre état d'esprit à ce stade ?

Si je voulais avoir un impact en NBA, il fallait que j'acquière plus d'expérience et jouer plus de minutes. L'Europe était l'endroit où je pouvais faire ça. De plus, je pense que c'est une insulte assez incroyable envers les joueurs européens de penser que c'est un niveau inférieur. Prenez l'exemple de Sabonis, vous pensez qu'il a eu ses meilleures années en Europe ou en NBA ? Je ne voulais pas être de ceux qui reviennent et disent : ‘J'ai joué en NBA'. J'avais plutôt l'attitude inverse : ‘Je n'y connais rien, j'ai besoin de jouer, j'ai besoin de bons joueurs pour progresser'. Jouer en Europe a été excellent pour moi. J'étais entouré de gens incroyables, et des entraîneurs parfois atypiques. Au Panathinaikos, le coach était particulier, à l'ancienne, il venait d'Europe de l'Est [Bozidar Maljkovic, ndlr].

Vous avez joué à Cholet, pour deux matchs seulement, comment s'est passé ce transfert ? 

C'était une mission d’intérim. Mon agent m'a dit d'aller là-bas et de jouer. Je ne me souviens pas des matchs, si on avait gagné ou perdu. Mais je me souviens de l'hôtel où j'étais logé. Et le personnel était super gentil avec moi, alors même qu'ils ne parlaient que très peu d'anglais. Je ne parlais pas de français. Ils étaient aux petits soins pour moi.

“Antoine Rigaudeau était systématiquement brillant sur un terrain”

Comment avez-vous atterri à Limoges ? C'était aussi dans votre plan pour retourner en NBA ?

J'avais besoin de jouer, et j'avais besoin de jouer pour des équipes de haut niveau dans des compétitions majeures. Mais ce serait une erreur de croire que j'avais beaucoup de contrôle sur mes transferts à l'époque. J'avais donné mes conditions à mon agent, il y avait une certaine somme d'argent que je pensais mériter, il y avait un niveau de jeu auquel je devais jouer. Et c'était tout. Mon agent gérait tout le reste en coulisses. J'ai eu quelques choix à faire car j'avais fait une belle saison au Pana. Mais je n'étais pas à analyser au microscope chaque situation. L'idée, c'était de tracer le meilleur chemin pour retourner en NBA.

Mais est-ce que vous avez apprécié les chaudes ambiances en Grèce, en Italie, dans ces grands championnats européens ? 

Dites-moi, si vous écriviez un article et que la moitié des gens autour de vous vous crient dessus, vous jettent des pièces aiguisées ou des fumigènes dessus, est-ce que ce serait un bon moment ? Non, c'est plutôt perturbant, et pas vraiment plaisant. Je suis un gars tenace et robuste mais je n'ai jamais compris ces fans, qui sont aussi investis dans le sport et qui sont prêts à envoyer des fumis, à se battre et être tabassé par la police… Pour soutenir des gars qui mettent un ballon dans un panier ! Pour moi, c'est de la pure folie.

Est-ce que vous saviez que c'était ce genre de folie qui vous attendait quand vous avez signé au Panathinaikos ?

Oui, je le savais. Et je savais aussi que je n'allais pas du tout apprécier cette part de l'expérience.

À Bologne, vous avez joué avec Antoine Rigaudeau, quelle était votre relation avec lui ?

Je n'arrivais pas à comprendre comment il a réussi à devenir aussi brillant, en automatique, sur un terrain. Il n'avait pas besoin de réfléchir et il prenait toujours les décisions les plus intelligentes. Je n'ai jamais compris comment il faisait ça, parce que je n'étais pas aussi bon que ça. Quand je le regardais jouer, je me demandais tout le temps comment il arrivait à faire le meilleur choix quasiment à chaque action. Il avait ce côté clinique mais aussi un côté artiste. Quand il jouait, on se disait : mais c'est bien sûr, c'est comme ça qu'on doit faire ! Jouer au basket comme Rigaudeau, comme Kobe Bryant, comme Steph Curry, c'est un niveau au-dessus, qui relève un peu de l'art.

De toutes ces années en Europe, avez-vous un souvenir qui ressort ? 

Oui, j'adore la Grèce. J'y retourne très souvent en vacances, à Athènes. J'adore leur nourriture, j'ai de bonnes relations avec les gens là-bas. Et ce qui est fou, c'est que je n'y ai joué qu'une saison, mais il n'est pas rare qu'on me dise “Allez Pana” quand ils me croisent dans la rue. J'habitais à Kifissia, là où beaucoup d'expatriés habitent. J'ai beaucoup apprécié ma saison en Grèce.

“Je rentrais à Phoenix pour arriver en condition physique optimale, pas pour la saison, mais pour l'été”

Vous avez joué à Sheffield et vous me disiez que c'était pour votre santé mentale, pouvez-vous nous en dire plus ?

J'allais prendre ma retraite. Parce qu'à chaque fois que je pensais pouvoir revenir en NBA, j'essuyais un nouveau refus. En 1998 ou 1999, j'avais fait un camp à Toronto et je pensais vraiment que j'allais être signé en tant que free agent. Et puis, la NBA a été en lockout. Je me suis dit que c'était un signe. J'allais rentrer jouer à Manchester et prendre ma retraite. La ligue n'a pas accepté et j'ai dû jouer à Sheffield. Je voulais pouvoir prendre ma voiture et rentrer chez moi à Manchester, et puis voir mes proches et mes amis. A la fin de la saison, j'étais prêt à raccrocher et mon agent m'a dit que j'étais invité à des camps de présaison, à Phoenix (où j'avais une maison) et à Orlando. Je suis allé à Orlando et j'ai joué la ligue d'été, à l'époque, à Long Beach. J'avais tout déchiré, j'avais fait des stats. Je suis retourné à Orlando, ils ont coupé quelques vétérans dont Artis Gilmore. C'est pour ça que j'ai eu du temps de jeu et j'ai fini par jouer beaucoup et même par être titulaire. J'habitais à Altamonte Springs, une ville en banlieue, et j'avais une location. Les gens du club m'ont demandé pourquoi j'habitais aussi loin mais c'est parque j'avais encore cette mentalité de survivant, qui pensait se faire couper tous les jours.

Donc, quand vous jouiez au Pana ou à Bologne, vous rentriez chaque été pour faire des workouts ou des camps d'été ? 

Oui, chaque été. Je rentrais à Phoenix pour m'entraîner et arriver en condition physique optimale, pas pour la saison, mais pour l'été. C'était incroyablement éprouvant de faire ça, car l'été est censé être le moment de se reposer. Et puis, on se sent constamment observé. On est placé sous le microscope. On n'est jamais détendu. Tu joues toujours sous la pression de gagner ta vie et décrocher un contrat.

Quel a été votre sentiment à ce moment-là ? Enfin, vous êtes en NBA, vous jouez, vous avez un rôle important…

C'était un accomplissement. J'ai ressenti ça comme la validation de tout le travail abattu. Et c'était comme je me l'imaginais. J'étais un leader sur le terrain mais aussi en dehors. Ce qui était très gratifiant.

De qui étiez-vous le plus proche dans cette équipe du Magic ?

Je n'ai pas particulièrement de contact avec les joueurs de cette équipe. Je parle de temps en temps avec Karl [Malone] et puis je rencontre parfois d'autres joueurs NBA à travers le programme d'ambassadeurs de la NBA. Mais de cette équipe, j'ai pu discuter avec Darrell Armstrong, et Bo Outlaw.

Dans cette équipe, il y avait Ben Wallace, avant qu'il devienne la star qu'on connaît avec les Pistons ?

Il faisait encore sa place en NBA. C'était un bosseur, croyez-moi ! Et un bon coéquipier.

“Tariq Abdul-Wahad était un sacré joueur, super impliqué”

Et puis, il y avait aussi Tariq Abdul-Wahad, le premier Français (à jouer) en NBA..

Oui, bien sûr, je l'ai rencontré avant. On avait partagé un taxi. Quand on allait au Portsmouth Invitational. Où j'avais été absolument merdique [rires]. Mais on avait partagé un trajet en taxi, sans vraiment échanger de discussions en route vers l'aéroport. Et puis, quelques années plus tard, on se retrouve au Magic et on était souvent ensemble pendant les road trip. On sortait souvent manger ensemble. C'était un bon gars. J'ai rencontré sa femme aussi. La première fois que je l'ai rencontré, il était encore Olivier Saint-Jean. Mais c'était un sacré joueur, super impliqué. `A l'entraînement, il était ce gars qui se jetait par terre pour récupérer un ballon. Je me souviens aussi de son jump. J'étais toujours jaloux des gars qui avaient autant de qualités athlétiques, parce que je n'en avais pas [rires] !

Ce qui ressort de cette équipe du Magic, version Doc Rivers, c'est qu'il n'y avait aucune star mais un groupe cohérent et uni.

On travaillait les uns pour les autres. On se fichait de savoir qui était la star tel ou tel match, tant qu'on gagnait. C'était une qualité rare dans une ligue où tes performances sont directement liées à ta paye future. Mais on voulait gagner avant tout. On se foutait de qui marquait 12 ou 15 points. Doc Rivers avait été très direct à cet égard. Il voulait construire une culture de la gagne et il prêtait une grande attention au leadership.

À ce moment où vous jouez beaucoup, quel était le joueur le plus difficile à affronter ?

Tim Duncan, il était impossible à défendre. Et puis, avec lui, il y avait David Robinson. Il était aussi impossible à défendre, tellement costaud. Karl était aussi impossible à défendre.

Que pensez-vous de Victor Wembanyama et la nouvelle génération de pivots comme Nikola Jokic, ou Alperen Sengun, qui jouent de plus en plus loin du cercle et créent du jeu ?

Wembanyama est terrifiant, terrifiant ! Si je jouais contre lui, je resterai le plus loin possible de lui. C'est comme quand je jouais contre Shaq, Robinson ou Duncan à l'époque. Je restais loin d'eux ! Certains joueurs voulaient défier Shaq au poste bas, mais j'avais une approche différente. Je ne prenais pas les choses personnellement. Tu veux scorer pour ton équipe, je veux scorer pour mon équipe. Face à Shaq, je jouais au large. De la même manière, je n'irai pas défier Victor en verticalité, ce serait ridicule. Je perdrais à tous les coups.

Après Orlando, vous atterrissez à Utah, auriez-vous préféré une autre destination, sachant que Jerry Sloan va vous prendre un peu en grippe et ça va sonner votre fin de carrière NBA ? Et puis, il y a cette fameuse histoire avec les Lakers, quand vous avez refusé un gros contrat après votre belle saison au Magic ?

Je n'avais pas vraiment le choix en fait. Mais oui, j'aurais probablement joué plus longtemps si j'avais signé à Los Angeles. Et j'aurais gagné des titres en plus ! Mais j'ai aussi de bons souvenirs à Utah aussi. J'y ai connu des amis très proches, que je vois encore aujourd'hui, et que je n'aurais jamais rencontré si je n'avais pas joué au Jazz, ce qui aurait été inacceptable.

Propos recueillis par visioconférence

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