Chaque jeudi, Basket USA vous propose son « Throwback Thursday », votre moment détente et nostalgie de la semaine. Après Metta World Peace, Tim Hardaway, ou encore Vitaly Potapenko, on poursuit aujourd’hui avec Hersey Hawkins. Et pour notre dixième interview rétro, on a mis le paquet. Plus d’une demi-heure d’entretien avec l’ancien All Star des Sixers !
Discret, voire timide, Hersey Hawkins n’en reste pas moins un des meilleurs arrières de sa génération… malheureusement marquée par l’empreinte d’un géant, un certain Michael Jordan. De ses années à Philadelphie, où il avait été recruté pour soulager la charge de travail d’un jeune Charles Barkley, Hawkins a ensuite connu les Hornets en pleine expansion avec Alonzo Mourning et Larry Johnson avant de tutoyer les sommets au sein des Sonics de Gary Payton et Shawn Kemp et cette fameuse finale 1996 perdue face aux « Invinci-Bulls » de Jordan.
Enorme scoreur en NCAA, à 36 points par match en senior, Hersey Hawkins a également été international lors des Jeux Olympiques de Séoul en 1988, durant lesquels sa blessure a lourdement handicapé l’équipe américaine (alors composée de joueurs universitaires) défaite en demi-finale par l’URSS. De 1988 à 2001, la carrière de Hersey Hawkins couvre l’intégralité des glorieuses « nineties », le candidat idéal pour notre séquence TBT !
« J’étais Jordan dans les systèmes offensifs à Bradley »
Hersey, vous avez grandi à Chicago, qui était votre modèle quand vous avez commencé à jouer au basket ?
« Je dirais Dr. J, Julius Erving. Je savais que je ne pourrais jamais jouer comme lui mais j’ai toujours admiré comment il se comportait hors des terrains et avec les gens. J’ai toujours été admiratif de ça. Quand j’étais gamin, j’étais plus dans le baseball à vrai dire. Mais quand on parlait basket, Dr J était mon gars. »
J’ai effectivement lu que vous jouiez au baseball et au football américain en grandissant, qu’est-ce qui vous a fait choisir le basket en fin de compte ?
« J’étais fainéant [rires] ! Il fallait que je choisisse un sport [rires]. »
Donc vous avez choisi celui qui se joue en salle, c’est ça ?
« Exactement. Quand je suis arrivé au lycée, il fallait que je me concentre sur un sport car je ne pouvais plus faire les trois. J’ai choisi le sport qui me plaisait le plus. Et comme vous le dites, c’était à l’intérieur. A ce moment-là, mon coeur avait choisi le basket. »
J’ai aussi appris que vous jouiez pivot au lycée, comment ça se fait ? Vous étiez plus costaud que les autres ?
« Non, en fait, on avait des gars qui étaient plus grands que moi. Mais je pouvais sauter haut et je savais scorer à l’intérieur. Donc le coach m’a mis à l’intérieur et m’a dit de jouer pivot. C’était vraiment la seule raison : parce que je savais bien scorer dans la peinture. »
Pensez-vous que ça vous a aidé plus tard dans votre carrière ?
« Oui, je pense. Quand on est dans la ligue, et qu’on veut partir en pénétration, il faut aller se frotter à des gars plus grands et plus costauds. Et moi, du coup, j’avais déjà appris à m’appuyer sur leur corps pour être capable de déclencher mon shoot. Ça m’a beaucoup aidé car je me sentais toujours capable d’aller chercher mes points à l’intérieur. »
Vous avez ensuite été à la fac de Bradley, pourquoi ce choix ?
« J’étais un fils à maman ! Je ne voulais pas trop m’éloigner de chez moi. Je voulais vraiment aller quelque part où ma famille et ma mère pourraient venir me voir jouer. Bradley m’a semblé être le bon choix pour ça car ce n’était pas trop loin de Chicago, seulement à 2h30 – 3h de route, donc ils pouvaient conduire et venir me voir… Et au final, ma mère est venu me voir qu’une seule fois [en quatre ans, ndlr] [rires] ! »
Vous avez connu une superbe carrière à la fac, avec une dernière année à 36 points de moyenne ! Vous étiez un énorme scoreur en NCAA, expliquez-nous ça ! Vous étiez un peu le Kobe de votre ère ?
« [rires] C’était bien, c’est clair ! En fait, on avait des systèmes d’attaque inspirés des pros. Mon coach était Stan Albeck, il venait tout juste de se faire renvoyer des Bulls. Il a coaché les Bulls [pendant la saison 1985-86, ndlr] et Michael Jordan. Et donc, il a ramené l’attaque qu’il avait mise en place pour les Bulls avec lui à Bradley. En gros, je prenais la place de Jordan dans les systèmes. Il est arrivé et m’a dit de bien me préparer physiquement car il voulait que je prenne beaucoup de shoots, que je sois l’option n°1 dans l’attaque. Je lui ai dit : OK, je peux m’en accommoder [rires] ! »
« Charles Barkley a joué un grand rôle dans mon succès en NBA »
Avant d’arriver en NBA, vous avez été sélectionné pour participer aux Jeux Olympiques de Séoul en 1988. Racontez-nous cette expérience.
« Le simple fait de porter le maillot de la sélection nationale, c’est vraiment le sentiment ultime. Dans tous les sports, je pense. D’enfiler ce maillot rouge, blanc et bleu et de représenter tout le pays et les valeurs qui vont avec, c’est le but ultime. Et puis, toute l’expérience olympique était énorme car on a pu discuter avec d’autres athlètes, découvrir d’autres cultures. C’est un de ces moments qu’on n’oublie pas, une de ces expériences uniques dans la vie qu’il faut chérir. »
Malheureusement, vous vous êtes blessé avant la demi-finale et vous n’avez pas pu jouer ces deux derniers matchs… Pensez-vous que vous auriez pu empêcher la défaite des USA face à l’URSS à l’époque ?
« Je ne l’espère pas [rires] ! En fait, beaucoup de gens m’ont souvent dit ça, comme vous, que si j’avais pu jouer, on n’aurait probablement pas perdu. Avec mon shoot extérieur, on aurait été plus équilibré. Je ne sais pas. C’est toujours difficile à entendre car, en tant que compétiteur, on veut jouer chaque match et être là pour les coéquipiers. Mais je savais que je ne pouvais pas jouer. Et je pensais vraiment qu’on avait suffisamment d’armes pour gagner. Mais de manière évidente, ce n’était pas le cas. Donc on est entré dans l’histoire comme la dernière équipe américaine composée de joueurs universitaires qui ont perdu aux JO. »
Vous avez été drafté par les Clippers en 6e choix de la draft 1988, mais ensuite envoyé à Philadelphie, comment s’est passée la draft pour vous ?
« Ça s’est bien passé. Je pensais que j’allais être drafté par Philly. Au final, ils ont réussi à faire un échange le jour de la draft mais je n’en avais pas connaissance à ce moment-là. J’ai fini par arriver dans une équipe où je voulais être. Car je savais qu’ils avaient besoin d’un arrière shooteur, d’un scoreur extérieur pour enlever de la pression sur Charles Barkley. J’étais vraiment content d’atterrir à Philly. »
Qui a été votre mentor à votre arrivée ?
« Charles Barkley ! Il m’a aidé de nombreuses manières, et plus qu’on ne peut l’imaginer [rires] ! Sorti d’une petite fac, j’ai connu quelques moments de doute par rapport à ma confiance : est-ce que j’ai vraiment le talent pour percer dans cette ligue ? Mais lui ne m’a jamais laissé douter de moi-même. Il a toujours cru en moi. Quand je jouais mal, il était toujours là pour m’encourager. Il nous a aidé ma femme et moi à nous acclimater à la ville de Philly. Il a joué un grand rôle dans mon succès en NBA. »
Vous avez été élu dans le premier cinq des rookies en 1989, on peut en conclure que la transition a été plutôt heureuse ?
« Oui, ça s’est bien passé ! Il faut dire que c’est plus facile quand on joue avec un gars comme Charles, qui demande beaucoup de prises à deux et crée beaucoup de tirs ouverts. Tout ce que j’avais à faire en attaque, bien souvent, c’était lui filer la gonfle et je me plaçais dans les espaces libres. Après, il me trouvait pour le tir ouvert et je n’avais plus qu’à shooter. Ma première année s’est bien passée et faire partie du meilleur cinq rookie était pour moi une belle récompense déjà. »
Vous avez participé aux playoffs lors de vos trois premières saisons avec les Sixers, vous aviez une bonne équipe mais trop limitée pour jouer le titre, non ?
« On a connu quelques bons succès. La première année, je pense que j’ai appris combien les playoffs peuvent être cruels et brutaux. Mes premiers playoffs ont été horribles ! J’ai appris à la dure comment il faut élever son niveau de jeu quand on arrive en playoffs. L’intensité, la concentration, tout doit augmenter en playoffs car chaque action est amplifiée. Il faut vraiment être plus concentré et ce, sur chaque possession. »
Dans la conférence Est et dans les années 90, ça devait être quelque chose les playoffs…
« Oh yeah ! Avec les Bad Boys [des Pistons], les Knicks qui étaient très physiques avec [Charles] Oakley, Patrick Ewing. Il y avait Chicago aussi. C’était vraiment très physique. Mais c’était un paramètre du jeu auquel il fallait s’habituer. Qu’on le veuille ou non ! »
Le All Star Game 1991 ? « Un véritable honneur »
Vous avez été élu All Star en 1991. Quelle a été votre réaction ? Avez-vous été supris ? Intimidé ?
« Je n’ai pas vraiment été surpris. Je pensais avoir réalisé une saison suffisamment solide pour être appelé. Après, on sait comment ça se passe. Parfois, vous êtes sélectionné et puis d’autres fois non. Selon qui joue sur votre poste… »
Et surtout sur votre poste d’arrière, il y avait du monde…
« Oui, c’est sûr. Mais je n’étais pas intimidé non plus. J’étais plus honoré de faire partie de ce vestiaire avec Bird, tous ces grands joueurs. C’est un de ce moments dont on se souvient, surtout maintenant que je suis retraité des parquets depuis un certain temps. On se dit « wow », j’ai eu la chance de partager ce genre de moments avec eux. C’était vraiment un honneur pour moi. »
Devenir All Star, était-ce quelque chose dont vous rêviez étant gamin ou est-ce simplement arrivé, et bon bah, on l’accepte assez volontiers ?
« Honnêtement, c’est quelque chose qui est arrivé comme ça. Etant jeune, j’étais plus dans le baseball et je voulais devenir pro au baseball. Mais naturellement, je me suis mis à pencher vers le basket. Mais la perspective de devenir pro au basket est venue assez tard, je dirais, durant mon année sophomore à l’université. Dick Versace, mon coach à l’époque, pensait que j’avais le talent pour y arriver. Mais avant ça, mon objectif était simplement d’obtenir mon diplôme universitaire, avoir une bonne éducation et trouver un bon boulot. Il m’a mis ça en tête et à partir de ce moment-là, le déclic s’est fait pour moi. »
J’ai remarqué que vous avez joué avec Mitchell Wiggins à Philadelphie, le père d’Andrew. Quel type de joueur était-il ?
« C’était un bon joueur. Il était plus âgé que moi et il était plutôt sur la fin de sa carrière quand je l’ai connu. Il était vraiment talentueux, c’était un bon scoreur. C’était un bon coéquipier. Mais je dois le dire, son fils est meilleur [rires] ! »
Dans la même veine, vous avez connu Scott Brooks lors de son année rookie, l’actuel coach des Wizards. Est-ce quelque chose que vous auriez pu prévoir, qu’il allait devenir coach ?
« Oui. Il y a eu peut-être cinq ou six gars comme ça. Même quand je jouais avec eux, je me disais qu’ils pourraient devenir des bons coachs. Simplement en voyant leur manière de se comporter, leur connaissance du jeu, leur façon de communiquer avec les gars. Et ce type de gars est plutôt rare en fait, quand on se dit qu’il a toutes les qualités pour devenir coach. Scott Brooks, on pouvait le voir d’emblée. »
Vous avez aussi joué avec Manute Bol, le gentil géant du Soudan. Aviez-vous déjà croisé un gars aussi grand ?
« Ah, Manute Bol [rires] ! C’est l’un des gars les plus marrants que j’ai connu. On avait Rick Mahorn dans l’équipe aussi. L’autre soir, quand on a joué contre Detroit, je lui en parlais. On s’est souvenu du bon vieux temps avec Manute et Charles, plus lui et moi, comment on s’amusait avec cette équipe. On s’entendait tous très bien et on s’est beaucoup amusé ensemble. Et Manute était clairement un des plus marrants ! »
Vous avez également côtoyé Ron Anderson à Philly. Peut-être le savez-vous mais Anderson est venu jouer en France et il a joué jusqu’à 53 ans !
« Wow ! 53 ans ! C’est dingue [rires] ! »
Oui, à 51 ans, il a même passé 23 points en Pro B, la deuxième division française.
« Wow ! C’est fou. Mais il était toujours en grande forme physique, ça on peut lui reconnaître. Il a toujours été aux petits soins pour son corps. C’était un scoreur. Il a toujours su trouver un moyen de tirer. Ça ne me surprend pas qu’il ait joué pendant longtemps mais je n’avais aucune idée qu’il avait joué jusqu’à 53 ans. C’est carrément dingue [rires] ! Il mérite vraiment d’être félicité pour ça car ça n’arrive pas souvent du tout ! »
« Je repense encore à mes tirs ratés en finale, 20 ans après ! »
Vous avez ensuite été envoyé à Charlotte en 1993, était-ce triste pour vous de quitter Philly ?
« Oui, ça été difficile. Quand on quitte sa première équipe, c’est toujours un peu triste. Il y a aussi l’idée qu’il faut affronter que l’équipe ne veut plus de vous [rires]. On traverse pas mal d’émotions différentes quand ça arrive. Et puis, il y a le contrepoids aussi de voir qu’une autre équipe vous veut quand même. C’est à Philly que j’ai entamé ma carrière et que je me suis établi dans la ligue, donc c’était forcément triste de partir. »
Vous êtes arrivé dans une équipe jeune à Charlotte, avec Larry Johnson, Alonzo Mourning et Mugsy Bogues. Comment s’est passé votre transition dans ce rôle de joueur vétéran au sein des Hornets ?
« C’était bien. J’ai obtenu pas mal de responsabilités dès mon arrivée parce que j’étais un peu plus expérimenté. Mais quand on joue avec des gars comme Alonzo et Larry qui faisaient partie des joueurs les plus talentueux à l’époque, on vient et on s’adapte. Je les laissais faire leur truc et je faisais de mon mieux pour essayer d’être le plus complémentaire possible. On avait aussi un bon groupe, une équipe qui vivait bien ensemble. On savait quelles étaient les responsabilités de chacun. On savait qui étaient les plus talentueux et ensuite, tout le monde trouvait sa place derrière eux. »
C’est un schéma récurrent dans votre carrière. Dans chaque équipe semble-t-il, vous prenez votre place discrètement, presque à l’arrière plan, derrière les stars…
« Je pense que quand on n’est pas le meilleur joueur de l’équipe, mais qu’on a tout de même du talent, il faut simplement trouver sa niche, trouver la meilleure manière de s’intégrer au groupe. Il faut à la fois réussir à faire briller son jeu tout en complémentant ses coéquipiers. »
Vous avez connu les playoffs en 1995 avec les Hornets. Mais vous avez perdu contre Michael Jordan et les Bulls, quels sont vos souvenirs de cette bataille ?
« C’était dur parce que j’avais déjà perdu contre Michael quand j’étais à Philly déjà. Dire qu’il était une épine dans le pied pour moi, c’est un doux euphémisme. Chicago avait de grandes équipes. Dès que vous avez [Michael Jordan] plus Scottie Pippen, ça annonce des batailles très compliquées. On était une équipe jeune et on pensait pouvoir les bousculer. Mais ça n’a pas vraiment fonctionné. »
L’année suivante, en 1996, vous êtes à nouveau face à Michael Jordan, mais cette fois-ci, en finale NBA et vous jouez avec les Sonics. Comment s’est passée votre adaptation à Seattle ?
« Très bien [rires] ! Quand on arrive dans une équipe et qu’on va jusqu’en finale NBA, je pense qu’on peut dire que c’est un succès ! On était vraiment très talentueux, avec Gary [Payton] et Shawn [Kemp]. Et Detlef [Schrempf] et Sam Perkins. On avait un groupe de vétérans. C’était une équipe dans laquelle les gars savaient ce qu’il fallait pour gagner, qui savaient comment jouer ensemble. Et puis, on est tombé face à la plus grande équipe de l’histoire… à l’époque, puisque Golden State les a battus depuis. Ils avaient gagné 72 matchs cette saison-là. On savait qu’on n’était pas favori mais on savait aussi qu’on avait le talent nécessaire pour battre cette équipe. Mais la simple scène des finales, tout le battage médiatique autour et tout ce qui l’accompagne, [les Bulls] l’ont mieux maîtrisé que nous. Quand on s’y est enfin habitué, qu’on savait comment gérer tout ça et bloquer les bruits extérieurs, on était déjà dans un trou, à 0-3 et on n’a pas pu s’en sortir. »
Mais vous avez tout de même enchaîné ces deux victoires d’affilée et il y avait match. Vous étiez proche de renverser complètement la vapeur…
« Oui, c’est vrai. C’est le genre de souvenirs auxquels on ne peut s’empêcher de penser. Je sais que je me pose encore des questions sur certains tirs que j’ai raté, vingt ans après. Si j’avais réussi ce tir, le match aurait été différent. On fait tous la même chose à se demander ce qui aurait pu se passer différemment… Mais c’est comme ça. C’est pour ça que c’était les Bulls ! »
Nate McMillan, qui était un élément essentiel, défensivement surtout, était blessé également. Son absence a également joué un grand rôle, non ?
« Oui, c’est vrai. Mais même sans lui, on pensait pouvoir y arriver. Bien sûr, Nate était un joueur majeur pour notre équipe. Quand il n’était pas là, on manquait de pas mal de choses, c’est sûr. »
« Shawn Kemp laissait son jeu parler pour lui »
Peut-on dire que cette finale NBA est votre plus grand souvenir et, en même temps, votre plus grand regret en carrière ?
« Oui, on peut le dire. Jouer pour le titre en finale, c’est le but ultime. C’est ce pourquoi on joue chaque saison. Perdre en finale et ne pas avoir l’opportunité d’y retourner, c’est une pilule amère à avaler. Mais il faut avancer. »
Comment c’était de jouer à côté de Shawn Kemp, notamment durant cette saison 1995-96 et ces playoffs où il était monumental ?
« Il était phénoménal. Sur cette saison-là, il était le deuxième meilleur joueur de la ligue derrière Michael Jordan. Il était vraiment énorme. Dominateur ! Et il pouvait le faire des deux côtés du terrain, offensivement et défensivement. Shawn Kemp n’a jamais été vraiment reconnu pour ses capacités défensives mais c’était quelque chose dont il était fier. Et de toutes façons, quand on joue pour George Karl, tout le monde doit se donner en défense. Shawn, il était bon en défense. Mais en attaque alors, c’était le meilleur ! »
Y a-t-il eu un moment particulier où il vous a choqué par une action spectaculaire, un dunk ?
« On a tous vu le type de dunks qu’il pouvait réaliser. Ce qui était incroyable, c’était sa technique balle en main, sa vision du jeu pour les passes, tout un tas de qualités basket dont on ne parlait pas vraiment à son sujet. Tout le monde voyait ses dunks et ses qualités athlétiques, mais c’était un joueur intelligent. Il savait comment jouer. Il était passionné aussi. Il ne parlait pas beaucoup, il était taiseux. Il laissait son jeu parler pour lui. »
Justement, Shawn Kemp a ensuite été échangé à Cleveland et vous avez récupéré Vin Baker. Mais les Sonics n’ont jamais retrouvé les sommets. Quels souvenirs gardez-vous de vos deux saisons à Seattle après les finales ?
« C’était encore très bien parce qu’on gagnait des matchs. Je crois que pendant mes quatre saisons à Seattle, on a tourné aux environs des 60 victoires par saison, donc on était bien. Simplement, on n’a pas réussi à retourner en finale. Vin Baker est arrivé, c’était un super joueur aussi. Mais il a aussi eu quelques problèmes à gérer. Et puis, comme on avait une équipe de vétérans, à un moment donné comme on ne gagnait pas, il fallait faire un choix. Ils ont cassé l’équipe pour partir dans une autre direction. Je n’ai aucun regret à ce niveau-là. Je chéris cette époque à Seattle car on gagnait des matchs, j’avais de bons coéquipiers, c’est une superbe ville. Ça m’a tout de même offert la chance de disputer une finale NBA. »
Vous étiez un duo majeur des années 90 avec Gary Payton également. Lui était la grande gueule et vous le discret, presque timide. Vous aviez une belle synergie avec lui…
« On était vraiment très complémentaire l’un de l’autre. J’étais un joueur extérieur et lui pouvait jouer au poste bas. Défensivement, comme on faisait à peu près la même taille, on était un tandem plutôt intéressant. On a bien bossé ensemble et je me suis beaucoup amusé avec lui. Il fait clairement partie des cinq gars les plus compétitifs avec lesquels j’ai joués. Chaque soir, il était prêt à jouer et il donnait tout. »
A ce propos, qui a la plus grande gueule : Barkley ou Payton ?
« Barkley [rires]. C’est une décision difficile à prendre. »
Qui était le coéquipier le plus proche de vous à Seattle ?
« Je ne sais pas trop à vrai dire. On faisait beaucoup de choses tous ensemble. J’étais proche d’Eric Snow quand il est arrivé à Seattle. J’ai beaucoup apprécié mon amitié avec Detlef aussi, et Sam Perkins. Et puis, il y avait aussi Earvin Johnson, notre pivot. Je mettrai ces trois derniers gars. »
« On a toujours eu une petite rivalité avec Mitch Richmond et Rex Chapman »
Vous avez ensuite été échangé à Chicago, votre ville d’origine. C’était sur votre fin de carrière mais quels souvenirs gardez-vous de ce retour à la maison, à jouer pour votre équipe favorite des Bulls ?
« C’est toujours sympa de revenir chez soi. Après, il y a toujours quelques distractions quand on revient à la maison… Je recevais beaucoup de coups de téléphone, parfois de gens à qui je n’avais plus parlés depuis plusieurs années. Pour avoir des tickets, pour organiser ceci ou cela. Il faut faire attention à ce type de distractions. Jouer pour mon équipe, c’était super. J’ai beaucoup apprécié. C’est juste dommage que notre équipe n’était pas du tout bonne [rires]… »
Oui, c’était une équipe un peu de bric et de broc. Elton Band était dans l’équipe, Ron Artest, mais aussi Toni Kukoc, vous… Une équipe bizarrement construite !
« C’était une transition compliquée pour les Bulls. Il y avait beaucoup de rookies dans cette équipe. Et ils jouaient beaucoup de minutes en plus ! C’était une saison de reconstruction pour les Bulls. »
Mais vous réalisiez un rêve d’enfiler ce jersey des Bulls, non ?
« Oui, bien sûr. C’était l’équipe que je suivais quand j’étais gosse. Je regardais Artis Gilmore, Ricky Sobers, Reggie Theus… C’était clairement un moment particulier quand j’ai enfilé ce maillot. »
Vous avez ensuite été échangé à Charlotte, pour votre dernière saison. Est-ce une décision qui a été facile à prendre ?
« J’ai commencé à y penser pendant la saison [à Charlotte]. J’ai eu le sentiment que ça pouvait bien être mon dernier tour de piste. Parce que je commençais à remettre en question mon engagement. Je ne voulais plus tellement passer autant de temps à me préparer physiquement chaque été, à bosser dur. Je voulais faire d’autres choses. Je voulais passer plus de temps avec ma famille. Quand j’ai commencé à réfléchir de la sorte, j’ai compris qu’il était temps que je me retire du jeu. »
Vous en étiez à votre 13e saison, avec 82 matchs chaque année, ça use…
« Oui, et quand on n’a plus la motivation d’être prêt chaque soir, à chaque match, qu’on n’a plus tellement la passion, ça veut dire qu’il est temps de partir. »
Quel est le meilleur shooteur que vous avez côtoyé ?
« Dell Curry ! De loin, le meilleur shooteur avec qui j’ai joué. Lui et Eddie Johnson. J’ai joué avec lui à Charlotte aussi. Et puis, j’ajouterai même Dale Ellis. C’était aussi un sacré shooteur ! »
Qui était votre ennemi juré ?
« Mon ennemi juré [rires]… Je ne sais pas si j’en avais un [rires] ! Michael bien sûr. Car il n’a jamais arrêté de me sortir des playoffs ! Plusieurs fois ! J’ai aussi joué beaucoup d’années face à Reggie Miller, Joe Dumars. Je considère aussi ces gars-là comme des rivaux. Mitch Richmond aussi, qui est arrivé dans la ligue en même temps que moi. C’était un immense joueur aussi. Rex Chapman. En fait, Rex, Mitch et moi, on a été drafté en 5e, 6e et 7e [8e en fait pour Chapman, ndlr] dans la draft 1988, donc il y a toujours eu cette petite rivalité entre nous trois. On a toujours eu cette petite bataille entre nous. »
Propos recueillis à Portland
Illustration : Harrison Freeman
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