Finalement, l’Américain moyen a raison de ne pas s’intéresser à la Coupe du Monde de basket. Team USA a largement dominé ses adversaires, balayant les Serbes en finale de 37 points. Sur l’ensemble du tournoi, les coéquipiers de Kyrie Irving ont gagné avec un écart moyen de 33 points. C’est un poil plus que les équipes américaines des Jeux de 1996, 2008 et 2012, qui pourtant, sur le papier, étaient beaucoup plus talentueuses, expérimentées et puissantes.
Faut-il en déduire que les Etats-Unis sont à nouveau sans rivaux sur le plan mondial ? La réponse est « oui », et c’est l’enseignement majeur de cette Coupe du monde. On ne passe pas plus de 30 points à ses adversaires sans être un, voire deux crans au-dessus. Surtout avec son équipe B ou C.
Bien sûr, on me répondra que les Américains n’ont pas joué l’Espagne ou la France, les deux meilleures équipes d’Europe depuis trois ans. Deux équipes qui possèdent plusieurs joueurs NBA, susceptibles de gêner Team USA. Sauf que la France a éliminé l’Espagne, et qu’elle s’est ensuite inclinée (certes de peu) face à la Serbie. On ne saura malheureusement jamais ce que valaient les Français ou les Espagnols face à cette équipe de Team USA. Mais lorsqu’on voit comment la Lituanie et la Slovénie, et enfin la Serbie, ont explosé, on se dit qu’il n’y avait pas photo entre cette équipe américaine B, voire C, et les autres.
Pourquoi un tel écart alors que les Américains n’avaient pas la meilleure équipe possible ?
Plus vite, plus haut, plus fort…
D’abord, il y a la technique individuelle. Je préfère évidemment le collectif des Bleus ou de la Serbie, mais j’oublie parfois que le basket permet à l’individu de dominer le collectif. Michael Jordan, le meilleur joueur de tous les temps, en était l’incarnation. Individuellement, par leur technique, leur vitesse, leur puissance, et même leur adresse en finale, les Américains étaient les plus forts. Ils avaient même gardé le meilleur pour la fin avec un show de Kyrie Irving et James Harden en finale. Les nations étrangères progressent, fortes de l’exil de leurs meilleurs joueurs en NBA, mais les joueurs des Etats-Unis, individuellement, restent les meilleurs du monde. Et tant pis si en finale, ils font moins de passes décisives que les Serbes (16 contre 20), en inscrivant pourtant 37 points de plus. Pourquoi se faire des passes quand on peut faire la différence seul ?
A cela, il faut ajouter les qualités athlétiques et physiques de chacun des 12 joueurs. Aucun meneur n’allait aussi vite que Rose et Irving. Aucun intérieur n’était aussi dynamique que Faried. Aucun intérieur ne court aussi vite que Davis. Même amputée de plusieurs stars, Team USA demeure l’équipe la plus costaude et athlétique au monde. Même dans un système FIBA où le joueur NBA est moins à l’aise, il domine. Il y a eu des marchers en début de compétition, mais ils ont rapidement disparu. Ils ont aussi profité de cette règle qui permet de nettoyer le cercle. L’Américain s’adapte pour mieux dominer. La finale face à la Serbie est un modèle du genre avec un DeMarcus Cousins monstrueux sous les deux panneaux. Et pourtant, il y avait du client en face.
Ensuite, il y a la richesse de l’effectif. Cette richesse a permis à Coach K. de donner entre 15 et 25 minutes de temps de jeu à une dizaine de joueurs. Technique individuelle supérieure + richesse de l’effectif = domination sur la longueur dans un match, mais aussi plus grande fraîcheur sur l’ensemble de la compétition.
Plus jeune, plus frais, plus actif…
Car les Etats-Unis sont arrivés frais en finale puisque leur effectif leur a permis de faire tourner au maximum. Ils sont aussi arrivés frais en finale car ils avaient auparavant giflé le Mexique, la Slovénie et la Lituanie, profitant des fins de match pour travailler ou faire souffler les cadres. Team USA est montée en puissance au fil de la compétition. Comme la Serbie d’ailleurs. Sauf que les Américains étaient programmés pour donner le meilleur en finale, a priori face à l’Espagne. Pas la Serbie déjà satisfaite d’en être arrivée là.
Enfin, et je trouve qu’on ne l’a pas assez souligné, Team USA défend bien, ou tout du moins sa défense épuise. A force de se focaliser sur les trous d’air de James Harden, ou les errances du duo Faried-Davis ligne de fond, on a oublié que la défense américaine était fatigante pour l’adversaire. Kyrie Irving, Derrick Rose ou encore Klay Thompson ont fait du bon boulot dans l’agressivité sur le porteur de balle. Le plus souvent tout terrain. Sous les panneaux, la verticalité de Davis ou Faried intimide. Enfin, la plupart étaient mobiles avec les mains actives, et solides sur leurs appuis. Marquer contre les Américains devenait au fil des minutes de plus en plus compliqué…
Le problème (pour le basket mondial), c’est que je pense que ça ne va pas s’arranger dans les années à venir. L’équipe d’Espagne est sur le déclin (bronze l’an passé, zéro médaille cette année), et Pau Gasol hésite à continuer. Idem pour l’Argentine qui va gérer l’après-Ginobili. Quant à la Grèce, la Lituanie et la Serbie, qui possèdent de très bons jeunes, ils n’ont pas encore dix joueurs interchangeables pour lutter sur la longueur d’un match.
Il y a bien la France et son fort contingent de bons joueurs NBA (Parker, Batum, Diaw, voire Noah…). Si les Bleus, meilleure équipe d’Europe depuis 2011, peuvent conserver un effectif de cette trempe jusqu’à Rio, leurs cadres auront alors 34 ans et plus. Ce sera donc un aboutissement, et la fin de la génération Parker. Pendant ce temps-là, à Rio, Team USA arrivera avec les « vieux » Kevin Durant et Russell Westbrook (28 ans en 2016), entouré de Harden (27 ans), Faried et George (26 ans), Irving (24 ans) et Davis (23 ans). Sans doute que Jabari Parker (21 ans), ex-joueur de Coach K., sera là. Je vous laisse trouver les quatre autres, en sachant que LeBron James, Carmelo Anthony, Chris Paul, voire Kobe Bryant, voudront peut-être s’offrir un ultime jubilé international au Brésil. C’est effrayant, et pas sûr que ce soit une bonne nouvelle pour le basket FIBA qui n’imaginait pas revenir 20 ans en arrière cet été.