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Les blogs de la rédaction

Pour Chris

Par  — 

Chris Elise s’est éteint samedi à l’âge de 51 ans. Devenu photographe professionnel après des débuts dans la presse écrite, il avait couvert 16 saisons NBA et il était l’incarnation du rêve américain.

chris elise

Chris Elise en rêvait tellement de ce ranch. Il ne parlait que de grands espaces, de routes interminables et de soirées à refaire le monde dans un bon rocking chair. Avec bien sûr, un verre de whisky à la main ! Il y a trois ans, lui et son épouse l’avaient enfin trouvé ce nid. Le Covid lui avait plombé ses revenus. Il ne savait pas s’il pourrait travailler à nouveau en bord de terrain, au Staples Center. Une fois de plus, dans sa vie, il avait choisi une autre voie ! « On a bien fini 2020: on est allé dans le Tennessee entre Noel et le Nouvel An, et on a trouvé notre Ranch, à 35 minutes de Nashville. 40 acres, une main house, une guest house, deux étangs. Il y a une distillerie à 5 km. Officiellement proprios au 1er Février, déménagement en Juin 2022 ». Il y a des messages anodins qu’on n’efface pas. Ce mercredi, on le relit, encore et encore, et on se dit que la vie peut être franchement injuste.

Injuste car Chris s’en est allé, fauché pendant son sommeil. Il allait avoir 52 ans, et il avait accompagné Basket USA depuis toujours, ou presque, après avoir fait ses premiers clichés pour le Paris Basket Racing, puis Reverse/BasketSession pour qui il collaborait depuis 16 ans.

Injuste car Chris avait mis 20 ans à construire sa vie rêvée. Au départ, comme moi, il avait débuté dans la presse informatique, et dans la même société, le Groupe Tests. Il était au 6e étage, j’étais au 3e. On se croisait. On discutait de temps en temps. Sans savoir qu’on allait dix ans plus tard associer nos destins grâce à la NBA. Et surtout devenir amis.

chris elise

A 34 ans, il lâche le stylo pour l’appareil photo

Le virage a lieu très exactement en 2005. A 34 ans, Christophe pose son stylo et lâche son clavier. Il se décide à « shooter ». C’est d’abord de façon amateur mais le virus le prend. Et si ce passionné de sport US en faisait son métier ? Janvier 2006, ce fan de Scottie Pippen devient photographe sportif free lance, sans pour autant délaisser son métier de journaliste. A ce moment-là, il n’a pas forcément un sport de prédilection et on le retrouve ainsi sur le Marathon des Sables au Maroc. Ce n’est que deux mois plus tard qu’on l’aperçoit pour la première fois au bord d’un parquet. C’est pour photographier Boris Diaw, alors aux Suns.

Puis, en 2007, ses photos commencent à apparaître de façon régulière dans les magazines comme Reverse bien sûr, mais aussi ESPN Mag, L’Equipe, L’Equipe Mag et même la bible : Sports Illustrated. C’est décidé, il en fera son nouveau métier. Comme Walter Iooss Jr, son idole. 2008, c’est l’année du décollage. Accrédité pour les plus grands événements sportifs (tennis, basket-ball, Ligue 1 de football, foot us…), ses clichés sont visibles dans la plupart des magazines spécialisés, ou en couverture d’ouvrages.

Un an plus tard, Basket USA décolle aussi, et on veut faire comme les grands : avoir des correspondants sur place (Arnaud, Benjamin, Emmanuel, Melvin…) mais aussi des photos de matches et de joueurs pour les articles. Pas question de prendre des photos sur Internet. C’est du vol, et on veut montrer l’exemple. Alors on se creuse la tête, on rassemble des économies, et on se tourne forcément vers Chris. Il vit encore en France, mais son rêve est déjà de s’installer de l’autre côté de l’Atlantique.

Un dunk de LeBron James change sa vie

Il part d’abord à Boston, chez un ami, où il dort sur un canapé. Maintes fois, à chaque retour en France pour voir sa maman et lors du traditionnel repas chez notre ami Jérôme, il assure que c’est fini. Qu’il n’y arrive pas. C’est trop compliqué de vivre de ses photos quand on est un Français qui couvre la NBA aux Etats-Unis. La concurrence est rude, la presse écrite disparaît, les médias français ne font pas appel à lui. Pendant cinq mois, la NBA fait relâche. Comment survivre ? Comment ne pas baisser les bras, lorsqu’on lui vole tout son matériel dans sa voiture ! Alors on l’aide comme on peut. On vide nos poches, et on organise une exposition de ses plus beaux clichés sur les Champs Elysées. Il rachète des appareils. Il emprunte. Mais dès qu’il rentre aux Etats-Unis, c’est la même galère. Il vivote. Et puis, il y a cette photo d’un dunk de LeBron James sur Jason Terry en 2013. La suite, c’est Chris qui la raconte.

« J’ai envoyé des messages à des agences pour dire que j’étais libre et j’ai pigé pour elles. Et puis, la NBA m’avait contacté lorsque j’étais à Boston pour ma photo de ce fameux dunk de LeBron James sur Jason Terry » racontait-il dans une interview à La Nouvelle République. « J’avais la meilleure séquence et j’ai été contacté par le vice-président photo. Nous avons trouvé un accord et j’ai licencié les droits de ce dunk à la NBA, c’est à dire qu’elle vend cette image et je touche ensuite des droits d’auteur. Upper Deck a fait un poster limité et dédicacé par LeBron James de cinq photos de ce dunk. Il était vendu 899$ à l’époque et vaut aujourd’hui 2.000$. Un jour, j’ai reçu un état de mes droits d’auteurs qui était très faible. J’ai simplement dit au comptable de la NBA que cela ne me rapportait plus tellement et que je n’étais pas sûr de renouveler les droits sur ce dunk. Le lendemain, Joe Amati, le vice-président photo, m’a rappelé car visiblement il souhaitait conserver ces droits. Je lui ai expliqué ma situation de freelance. Joe m’a alors proposé que la NBA me représente pour toutes mes photos. Je lui ai précisé que j’avais aussi tout mon stock réalisé depuis dix saisons. Il m’a répondu : “Chris, envoie”. Cela a été un grand changement. La NBA a repris mon stock et depuis vend l’ensemble de mes photos et me représente. Soudainement, mes images sont devenues disponibles à tous les médias via l’agence partenaire de la NBA (Getty Images). »

Soudainement, grâce aux droits d’auteur, Chris a pu vivre de ses photos, et il part à Los Angeles où il rejoint notre journaliste Benjamin Adler. Pourquoi ? Parce qu’il y a deux franchises, les Lakers et les Clippers, et que c’est la possibilité de faire un maximum de photos. C’est aussi la possibilité de « shooter » d’autres sports, mais aussi dans d’autres domaines. Pour nous, il va aussi à Denver ou Utah car « c’est tellement facile de travailler dans les petits marchés », et surtout parce que c’est l’Amérique qu’il aime : le Midwest, les grands espaces, les chevaux, sa Chevelle (dont il parlait si bien), les cow-boys et… les ranchs. Pourtant, c’est bel et bien dans la fourmilière de Los Angeles, lors d’un match des Clippers, qu’il rencontre Gigi, qui deviendra son épouse. C’est une histoire comme on en voit uniquement à… Hollywood. Et c’est encore Chris qui en parle le mieux.

Jordan - Batum

Une rencontre hollywoodienne

« Dans son travail, ma femme a beaucoup de succès » expliquait-il, toujours à La Nouvelle République. « Elle a écrit plusieurs best sellers, des scripts… Et lorsque l’on s’est connus, on a vite voulu que ce soit sérieux et donc être très honnêtes l’un envers l’autre. Je voulais lui offrir beaucoup et j’étais gêné par le fait qu’elle soit riche et que ce ne soit pas mon cas. Je lui ai dit “tu sais, je ne suis que photographe NBA.” Et elle m’a regardé en souriant et m’a répondu “déjà je n’ai pas besoin de ton argent. Et surtout je t’ai vu travailler pendant des mois, j’ai vu ta passion puis je t’ai connu et j’ai vu tout ce que tu as sacrifié pour être juste là, faire ce travail. Si tu n’avais pas cette passion, cet idéal et ces valeurs, ça ne m’aurait pas intéressé.” Elle ne voulait pas être avec quelqu’un pour être quelqu’un et ses enfants étaient sa priorité. Elle a été mariée à Brian Grazer qui est un gros producteur d’Hollywood avec lequel elle a eu deux fils, Thomas et Patrick, que j’appelle “mes fils d’un autre père”. Je m’entends également très bien avec leur père. Au final, mon rêve américain m’a tout apporté, même ma femme et Thomas et Patrick sont comme mon sang. C’est une satisfaction incroyable d’être parent. Et c’est tellement important. Il n’y a pas plus beau bonheur. »

Un bonheur qui a pris fin samedi dans son sommeil. Soudainement. Comme son papa, parti aussi trop tôt, à 47 ans. Comme notre journaliste Arnaud Gelb en 2016, parti aussi beaucoup trop tôt, et à qui on a forcément pensé mardi en apprenant le décès de Chris. Les deux ont vécu à fond leur rêve américain. Ils sont devenus des modèles pour quelques Français, fans de NBA, qui rêvent de s’installer aux Etats-Unis. Les deux n’avaient qu’une ambition : faire partager leur passion pour la NBA au plus grand nombre.

Nous ne les oublierons jamais.

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