L’actuel coach des Bucks fut, en son temps, un meneur teigneux. Le recordman de passes sur une rencontre NBA (30 en 1990), c’est lui, et personne d’autre !
Trop petit (1.88 m pour 86 kg), trop lent, trop juste en défense… Trop blanc, quoi ! Donc, pas d’avenir. La situation était claire. Scott Allen Skiles (48 ans ce 5 mars) n’avait plus qu’à ranger ses baskets au sortir de l’université. Ses performances au lycée et à la fac n’avaient fait que retarder une échéance inéluctable. Il faudrait bien passer à autre chose et délaisser la passion de toute une vie.
« Je pouvais mettre 30 points ou réaliser un triple-double, les gens étaient persuadés que je n’avais rien à faire en NBA. »
Scott laisse une impression de déjà-vu. Normal, surtout dans son Etat d’origine, l’Indiana, où son histoire est d’un classicisme navrant. Le basket est, là-bas, une religion. Comme dans chaque jardin et chaque cour de la région, Rick Skiles, le papa, a installé un panier de basket au-dessus du garage. Scott n’avait que 5 ans lorsqu’il s’amouracha de la grosse balle orange. A partir de là, plus rien d’autre n’allait avoir d’importance. Chaque moment libre était synonyme de practice. Même l’hiver n’y faisait rien.
« Scott balayait la neige pour pouvoir jouer », se souvient Marilyn, la maman.
Malgré cela, pour sa première année de compétition au lycée, Skiles n’a guère d’avance sur les autres. On vous le disait : dans l’Indiana, la maladie a contaminé tout le monde. Seule petite particularité : la hargne hors du commun dont Scott fait preuve dès que le match commence.
« J’étais un enfant tout à fait normal mais sur un terrain, je devenais un sale gosse. »
Un enfant de l’Indiana
Noyé dans la masse, Scott ne fit parler de lui que dans sa dernière année scolaire. Dans l’Indiana, les lycées, petits ou grands, participent à la même compétition pour désigner le champion de l’Etat. En 1982, la Plymouth High School, un petit lycée de 900 élèves, remporte 26 matches sur 27 en saison régulière et se retrouve en finale face aux Panthers de la Gary Roosevelt High School, habitués de l’événement. Emmené par un Skiles divin, le challenger l’emporte 75-74 après deux prolongations. L’exploit est d’autant plus remarquable que Plymouth n’aligne aucun starter plus grand que 1,88 m et aucun remplaçant plus grand que 1,98 m. Scott a épaté tout le monde avec 39 points, 10 passes décisives et surtout 20 des 29 points inscrits par les Pilgrims en prolongation. L’histoire retiendra que son shoot de l’égalisation dans le temps réglementaire à 6,70 m, bien au-delà de la ligne à 3 points (qui n’existait pas à l’époque à ce niveau), fut pris alors que le chrono avait expiré. Le matin, il avait déjà planté 30 points contre Indianapolis Cathedral. La gloire ? Pas tout à fait. Scott ne sera pas élu meilleur lycéen de l’Etat. Le titre va à un dénommé Roger Harden, tombé aux oubliettes. Son numéro 22 sera quand même retiré par Plymouth en 1992. La récompense de notre lascar, c’est une bourse à Michigan State University. Pas mal. L’ombre de Magic Johnson plane encore sur MSU et mener le jeu des Spartans trois ans après Earvin représente un honneur.
« C’était bien sûr un de mes modèles », confirme Scott.
Après avoir été sous-estimé au lycée, Skiles devient le vilain petit canard à l’université. Explications : son allure de petit blanc-bec associée à un tempérament de sergent en rogne agace les fans adverses. Scott collectionne les surnoms dans toutes les salles de la Big Ten. Cela va de « Little Baby » à « Asshole » (on s’abstiendra de traduire) en passant par d’autres noms d’oiseaux. Dans le meilleur des cas, ce sont des « Boooh » incessants auxquels il répond le plus souvent par un panier à 3 points, une passe dans le dos ou une interception.
« Je donnais l’impression d’être arrogant, d’avoir une grande gueule, mais ce n’était pas voulu. Je ne rentrais pas sur le terrain en me disant que j’étais une star. J’étais simplement transcendé. Je quittais cet état dès la fin du match. »
C’est vrai si l’on oublie quelques soirées un peu trop arrosées – son péché mignon de l’époque – où il mit à mal quelques mâchoires. Ce qui, évidemment, n’arrangea pas son image.
« Il faut bien que jeunesse se passe », dit-on de ses quelques excès.
Mais à Michigan State, tout le monde est satisfait de ce « cas ». Et pour cause : il s’affiche à plus de 12 points et 5 passes par match dans son année freshman pour finir à 27.4 points, 4.4 rebonds et 6.5 passes en senior (First Team All-America, MVP de la Conférence Big Ten). C’est du tout bon ! Seulement, sur le campus non plus, on ne croit pas à un avenir en NBA. Pas même avec le record de points de la fac (2 145) ni celui du plus grand nombre de points sur une saison (850). On lui voit un futur intéressant dans la communication, diplôme en poche. A condition de s’acheter une conduite. A East Lansing, il est arrêté en possession de cocaïne et de marijuana. Les charges pour possession de coke sont abandonnées… parce qu’il plaide coupable de possession de chanvre. Il passera aussi 15 jours derrière les barreaux pour conduite en état d’ivresse. Compte tenu des prédictions, la surprise est générale lorsque les Bucks (tiens, tiens) le sélectionnent en 22e position de la draft 1986.
le Shaq : « avec Scott, la balle arrive toujours là où je la veux »
La première saison se passe comme les mauvaises langues l’avaient prédit : mal (13 rencontres, 3.8 pts). Bye-bye le Wisconsin. Les Pacers font confiance à l’enfant du pays. Deux années de contrat très moyennes. Le bougre s’accroche et se retrouve à Orlando, franchise nouvellement créée, via l’expansion draft. Vingt minutes par match dans une équipe qui prend des raclées à tour de bras, ce n’est pas le paradis mais bon, Scott est toujours là, dans l’ombre de Reggie Theus et Sam Vincent. Et comme il est plutôt du genre à bosser, ça va payer. La saison 1990-91 mettra tout le monde d’accord. Skiles hérite d’un temps de jeu conséquent (34.4 mn) et prouve qu’il a sa place dans l’élite NBA. 17.2 points, 3.4 rebonds et 8.4 passes en moyenne, couronnés du titre de Most Improved Player. Le gâteau est orné d’une énorme cerise. Pendant la saison, le meneur du Magic bat le record de passes sur un match. Il en réussit 30 contre Denver dans un duel de cancres gagné 155-116 le 30 décembre 1990. Le précédent record de Kevin Porter (29) tombe… à moins de 20 secondes de la fin. A titre de comparaison, le record en carrière de Chris Paul et de Deron Williams est de 21. Celui de Steve Nash : 22 « seulement ». Celui de Jason Kidd : 25. Titulaire, Scott ne lâche pas le morceau et devient une figure emblématique d’Orlando. Avec l’arrivée de Shaquille O’Neal en 1992, l’avenir s’annonce ensoleillé. Du moins le croit-on. Les deux compères s’entendent parfaitement.
« Avec Scott, j’ai l’impression d’être un ventriloque, raconte le Shaq. Je ne bouge pas les lèvres mais il comprend ce que je veux dire. Le ballon arrive toujours là où je veux le recevoir. »
Tout va pour le mieux quand les vieux démons ressurgissent à l’intersaison 1993. Orlando vient d’accueillir Anfernee Hardaway, « le nouveau Magic Johnson ». Certains ressortent les éléments à charge contre Skiles. D’autres lui rendent hommage pour les services rendus mais mettent en avant ses limites. Bref, ça sent la sortie (normal pour un joueur né à LaPorte…). Lui ne s’inquiète pas et note les avantages d’une association avec Penny. Les premiers matches lui donnent raison et le rookie appuie la démonstration.
« Scott m’apprend beaucoup de choses et me permet de mieux exprimer mes qualités en position de deuxième arrière. »
Il débute comme coach au PAOK à la place de … Michel Gomez !
Pour enfoncer le clou dans les fesses de ses détracteurs, Scott Skiles établit la meilleure perf de l’année en matière de passes : 20 caviars, délivrés contre Portland le 2 décembre. Il a encore surmonté la vague, se dit-on. Mais une autre arrive, encore plus vicieuse. Sa femme le quitte avec ses deux enfants pour rejoindre l’Indiana où elle demande le divorce. C’en est trop pour Skiles. Lui aussi quitte Orlando mais c’est à Washington qu’il pose ses valises. Les Bullets espèrent le voir redonner vie à une équipe qui galère dans les tréfonds du classement. Il n’en sera rien. Scott met les voiles après une saison (13 pts de moyenne), direction Philadelphie. Sérieusement blessé à l’épaule, il jouera seulement 10 matches pour les Sixers. Après une traversée de l’Atlantique, on retrouve sa trace à Salonique. Comme bien des clubs hellènes plus tard, le PAOK verse dans la tragédie grecque avec une cascade de blessures et des problèmes de contrat en pagaille. La salade est indigeste pour Scott qui doit composer avec les pépins physiques et une relation de plus en plus conflictuelle avec le coach, le Français Michel Gomez. Pour ne rien arranger, il est engagé au même moment dans une bataille juridique afin d’obtenir la garde de ses deux enfants. Le meneur américain demande à être libéré de ses obligations… et se voit offrir le poste de Gomez une fois celui-ci limogé ! Skiles dit « Oui » au président Alexopoulos. Sous ses ordres, le PAOK se classera 3e du championnat.
La suite est un peu plus fraîche dans la mémoire des lecteurs de Basket USA. Scott retourne aux Etats-Unis pour devenir assistant coach chez les Suns. En 1999, il prend le relais de Danny Ainge qui lâche l’équipe pour passer plus de temps auprès des siens. Jason Kidd, Penny Hardaway (comme on se retrouve), Clifford Robinson, Rodney Rogers, Tom Gugliotta et Shawn Marion sont passés à la moulinette par les Lakers en demi-finales de Conférence (4-1) après avoir sorti le champion sortant, San Antonio. Skiles ramène Phoenix en playoffs (élimination 3-1 contre les Kings au 1er tour en 2001) avant de démissionner au cœur d’un exercice pénible (25 victoires-26 défaites en 2001-02). Pendant cinq ans, entre 2003 et 2008, il tentera de faire des « Baby Bulls » une équipe présentable. Ses rapports avec le groupe resteront tendus. Joueur, Skiles ne rigolait pas sur le parquet. Sur le banc, c’est un coach intransigeant, pas spécialement diplomate ni conciliant. Le tact, connais pas.
A la question : « Que peut faire Eddy Curry pour prendre plus de rebonds ? », il répondit : « Sauter ». Quand Latrell Sprewell réclame un big deal à Minnesota pour nourrir sa famille, Skiles demande qu’on vire sur le champ tous les fumistes de la Ligue. Quand Joakim Noah a le malheur de commenter son premier match chez les Bulls, il explique qu’un rookie qui vient à peine de fouler un parquet NBA a le droit de garder le silence. Skiles est un entraîneur mal-aimé, clairement. Lorsque Chicago le vire le jour de Noël, le 24 décembre 2007, après 25 rencontres, on ne trouve personne au locker room pour verser une larme. Son bilan est maigrichon (deux premiers tours de playoffs, une demi-finale de Conférence). Ses débuts à Milwaukee n’ont guère été plus brillants (34-48 en 2008).
Au moins peut-il couver aujourd’hui l’un des meneurs les plus excitants de la nouvelle génération, Brandon Jennings.
Stats
10 ans
600 matches (371 fois starter)
11.1 points, 2.5 rebonds, 6.5 passes, 0.8 interception
43.5% aux tirs, 37.9% à 3 points, 88.9% aux lancers francs
Son record
[videopub https://youtu.be/uB_vcYPsXbY]