En juin prochain, on fêtera les 20 ans du premier titre de Sa Majesté, obtenu aux dépens des Lakers de Magic Johnson (4-1). Pour atteindre cet anniversaire symbolique, Basket USA vous propose un voyage exceptionnel dans la galaxie MJ.
L’homme, le joueur, le businessman… Vous saurez tout du plus grand basketteur de tous les temps en revivant, en textes et en images, l’enfance, l’adolescence, l’ascension et le couronnement de celui que l’on surnommait « Air Jordan ».
Cinquième partie de l’incroyable saga « M.J. ».
« Le jour où Chicago m’a drafté (ndlr : en 3e position de la draft 1984), je ne connaissais rien de la ville », raconte Michael. « Je n’avais même pas eu le temps de me renseigner. Je ne savais rien de l’équipe, je ne connaissais pas le nom de la moitié des joueurs et je connaissais encore moins les anciennes stars. C’était le vide total ! Tout ce que je savais, c’est que les Bulls formaient une très mauvaise équipe (ndlr : 27-55 en 1983-84). Pour couronner le tout, je ne savais pas grand-chose de la NBA… »
Sur le « Media guide » des Bulls, Jordan pose en compagnie d’Orlando Woolridge. Il a encore quelques cheveux. Quand il pénètre sur le parquet le 26 octobre 1984 pour son premier match NBA, son crâne est luisant. Un coup de tondeuse et un peu d’huile ont accentué le look aérodynamique du champion universitaire à la carcasse de grand échalas.
Le public du Stadium, qui s’ennuyait ferme, est venu voir la bête par curiosité. Les 13 913 personnes tassées dans les tribunes se frottent les yeux quand les Bulls lâchent les Bullets, futurs Wizards, à la fin du premier quart-temps (34-19). Elles ont le sourire en voyant leurs protégés plonger dans le tunnel du vieux Stadium avec un avantage de 57-45. L’effet Mike.
« Il focalise l’attention des défenseurs et rend les choses faciles pour les autres », explique Orlando Woolridge. « Il va nous enlever une certaine pression à Quintin (Dailey) et à moi. »
Les deux finiront meilleurs marqueurs de la partie. 28 points pour Woolridge, 25 pour Dailey. Qui reconnaîtra :
« Mike m’a filé beaucoup de ballons ».
Sept passes décisives, 16 points et une obsession à faire le spectacle marqueront la première sortie de Michael. Seul bémol : il rentre 5 tirs sur 16 après avoir oublié son jump shot et son adresse à North Carolina.
Belle brochette de losers avant son arrivée, les Bulls gravissent les échelons à une vitesse ahurissante. Le Chicago Stadium, qui n’accueillait que 6 365 spectateurs lors de la draft du prodige, frissonne de plaisir. Ils sont désormais 18 861 enragés à s’enflammer pour le phénomène formé chez les Tar Heels, futur Rookie de l’année 1985 (28.2 pts, 6.5 rbds, 5.9 pds, 2.4 ints). Soit trois fois plus.
Chicago n’a plus goûté aux playoffs depuis 1981. La franchise de l’Illinois s’y invite dès la première saison de Mike chez les pros. Milwaukee s’impose en quatre manches au premier tour. « M.J. » a multiplié les perfs : il a raflé le titre de « Rookie of the year », a participé à son premier All-Star Game (7 pts à Indianapolis, où Isiah Thomas aurait mené une cabale pour empêcher l’étoile montante de voir le ballon), a battu le record de points marqués dans un match par un rookie des Bulls (49 le 12 février 1985 contre Detroit), a dévalisé tous les records du club pour un débutant… 2 313 points, 837 tirs, 746 lancers tentés, 196 interceptions. Chacun comprend qu’il est plus simple de lui filer les clés de la maison.
« Mon titre de Rookie of the year m’a rendu heureux », expliquait-il. « C’était comme le clap de fin d’un super film, au terme d’une première saison de rêve. Au début, je ne pensais vraiment pas gagner ce trophée. Je l’avais juste à l’esprit. Ce qui m’a vraiment rendu heureux, c’est de débarquer, de donner le meilleur de moi et d’avoir l’impression de faire mieux encore que ce que les gens espéraient. »
Jerry Reinsdorf, le proprio de l’équipe de baseball de la ville, les White Sox, a flairé la bonne affaire. En 1985, il prend le contrôle des Bulls. Emportant dans ses bagages un general manager rondouillard du nom de Jerry Krause. Au locker room, Michael voit défiler les nouvelles têtes. Ses coéquipiers valsent les uns après les autres. Durant ses deux premières saisons dans la Ligue, une plaisanterie court : on raconte que Chicago joue avec le n°3 de la draft 1984 et onze pivots… On se souvient que lors de sa première conférence de presse, après avoir jeté un regard furtif sur la composition du roster, Mike avait balancé :
« Je ne pense pas que nous allons rester invaincus cette saison et les suivantes »…
Derrière cette pointe d’humour se cachait une réelle inquiétude. Jordan ne voulait pas être la risée de tous. Il ne manque pas de le faire savoir. Cette quête de la perfection rejaillit dans ses relations avec ses coéquipiers, ses échanges avec les coaches, ses duels avec ses adversaires les plus coriaces. Elle expliquera en partie la razzia de 1988 : Mike deviendra le premier joueur de l’histoire à la fois meilleur scoreur de la Ligue (35 pts de moyenne plus 5.5 rbds, 5.9 pds et 3.2 ints), Défenseur de l’année et MVP de la saison régulière. La razzia de 1988 et celles qui suivront… Compétiteur-né, Michael est un cannibale des parquets qui a faim de titres, de gloire et de reconnaissance. Son état d’esprit est parfaitement résumé par une formule d’Orlando Woolridge :
« Sur le terrain, Mike est capable de t’arracher le cœur et de le manger devant toi ».
Au sujet de ses coéquipiers, le n°23 des Bulls portait ce jugement définitif :
« Je dois leur montrer à chaque fois que si j’ai été 3e choix de draft et si je suis le joueur le mieux payé du club, il y a une raison… »
Chaque jour, à l’entraînement, il lui faut prouver qu’il est le meilleur. Kevin Loughery, son premier coach, s’en amuse. Aux entraînements, des petites oppositions mettent face à face les membres du starting five, en blanc, et le reste de l’effectif, en rouge. Dès le début, Jordan évolua parmi les Blancs. On lui demandait parfois de changer d’équipe.
« Le coach voulait me tester et il m’a vraiment rendu service car ces moments-là m’ont appris à juger de mon potentiel. »
Les réservistes n’avaient jamais autant gagné… Jordan alla encore plus loin dans sa quête de la perfection. Avant les entraînements, il lui arrivait de rentrer dans le vestiaire et de désigner le coéquipier qui serait sa victime expiatoire du jour, celui sur lequel il allait déverser des torrents de dunks… Humiliés, terrorisés parfois, certains de ses coéquipiers n’osèrent plus s’attarder au vestiaire ou évitèrent soigneusement de l’y croiser. Domptés, ils sont aussi subjugués. Tous savent que c’est le prix à payer pour exister dans la Ligue. Ils s’en rendront compte plus particulièrement lors de la seconde saison de Mike. Quand ce dernier se blesse au pied contre les Warriors, lors du troisième match. Jordan loupe un total de 64 rencontres, ce qui se traduit par une perte sèche de 1,5 million de dollars en billets non vendus. A laquelle s’ajoute, pour la plus grande joie des adversaires des Bulls, un paquet de défaites (52). Jordan déprime en voyant son équipe sombrer :
« Je me souviens de certaines rencontres où nous étions menés de 10 points à la pause et où la majorité des ballons étaient balancés dans les tribunes. Plusieurs fois, j’ai quitté le Stadium avant la fin du match tellement ce spectacle me rendait malade… »
Son pied est enfin rétabli. C’est contre l’avis de Jerry Reinsdorf que Michael livre les 15 derniers matches de saison régulière. Avant de s’offrir un véritable show contre les Celtics au premier tour des playoffs. Outre une moyenne de 43.7 points sur la série (sweep pour Boston), on retiendra une mémorable démonstration lors du Game 2 dans le Massachusetts, le 20 avril 1986 : 63 points. La rencontre est remportée 135-131 par les Celtics après deux prolongations. On se souviendra longtemps de l’action où en une seule extension, Michael passe en revue Larry Bird, Dennis Johnson, Kevin McHale et Robert Parish pour aller déposer un lay-up. Le message est clair : plus personne ne peut rivaliser avec cette machine à enquiller les points. Commentaire de Larry Bird :
« Je pense que c’était Dieu déguisé en Michael Jordan ».
A suivre…
Ses 63 points contre les Celtics