Mike Krzyzewski, Tom Izzo, John Calipari, Roy Williams, Billy Donovan, Bill Self… Année après année, les grands noms du coaching universitaires font l’objet des rumeurs les plus folles dès qu’un poste se libère en NBA. Cette saison n’échappe pas à la règle et plusieurs légendes de la NCAA comme Ton Izzo, le coach de Michigan State (qui s’est vu offrir un contrat de 35 millions à Detroit) ou John Calipari (approché par les Lakers) ont une nouvelle fois poliment décliné l’invitation.
Outre ces coachs déjà membres du Hall of Fame (ou qui le seront un jour), la NBA s’attaque aussi aux jeunes entraîneurs qui sont encore dans leur trentaine : Fred Hoiberg, Kevin Ollie ou encore Shaka Smart. Là aussi, la ligue professionnelle fait le plus souvent chou blanc, su l’on excepte le cas de Brad Stevens, débauché par les Boston Celtics alors qu’il dirigeait l’université de Butler.
Mais pourquoi est-il si difficile pour les franchises NBA de convaincre un coach universitaire de franchir le pas et de venir prendre en main une équipe professionnelle ?
1. Une équipe compétitive chaque année
Même si les meilleurs joueurs de North Carolina ou Kentucky décident de quitter l’université avant la fin de leur cursus pour se présenter à la Draft, les coaches de ces programmes savent qu’ils seront capables d’avoir un effectif de premier plan tous les ans. L’immense majorité des meilleurs prospects de high School font le choix de rejoindre les universités les plus prestigieuses. Malgré la perte d’Andrew Wiggins et Joel Embiid, Kansas sera attendu dans le Top 5. Même son de cloche à Kentucky, qui a perdu Julius Randle et James Young, ou à Arizona, amputé d’Aaron Gordon et Nick Johnson. L’arrivée des futurs stars du championnat leur permettra se se maintenir bien au-dessus de la meute des 351 universités qui composent la NCAA.
En NBA, il est difficile de faire passer une équipe du ventre-mou au haut de tableau si l’on ne dispose pas des meilleurs joueurs dans son effectif. La différence de niveau entre les équipes est bien moindre qu’en NCAA. Tom Izzo, malgré ses énormes qualités, aurait eu du mal à transformer les Detroit Pistons, non qualifiés en playoffs cette année, en machine de guerre la saison prochaine.
2. La sécurité de l’emploi
Jim Boeheim : 38 ans à Syracuse. « Coach K » : 34 ans à Duke. Tom Izzo : 19 ans à Michigan State… En NCAA, les meilleurs coaches, ceux à la tête des programmes les plus prestigieux, ne risquent pratiquement jamais de perdre leur emploi. Ces universités de pointe comme Duke, North Carolina ou Kansas, sont garanties d’être dans les hautes sphères du championnat saison après saison car elles attirent les meilleurs lycéens des Etats-Unis. Et même si la règle du « one and done » complique la vie de ces équipes, qui ont parfois un trou noir d’un an ou deux, elle n’empêche pas les coachs d’avoir pour ambition une place au Final Four au début de chaque saison.
En NBA, seuls quatre coaches sont en poste depuis plus de cinq ans et le turnover est bien plus important. Une seule mauvaise saison peut suffire à justifier un licenciement. Rares sont les coaches à qui on laisse le temps de bâtir son équipe sur plusieurs saisons. Lors de leur passage en NBA, Rick Pitino et John Calipari en ont fait les frais dans les années 1990. Dès lors, pourquoi prendre le risque de quitter un poste où l’on peut rester à vie pour hériter d’une situation instable et où l’on ne sait pas de quoi demain sera fait ?
3. Des salaires compétitifs
Dans l’immense majorité des états américains, le fonctionnaire le mieux payé n’est ni le gouverneur, ni le directeur d’un hôpital public. Il s’agit du coach de l’équipe de basket ou de football de l’université de l’état. Mike Krzyzewski est le coach de basket le mieux payé du monde, loin devant ses collègues de la NBA, et les plus grands coaches universitaires gagnent tous au moins trois millions de dollars par an, sans compter les nombreux bonus auxquels ils ont droit. Ce n’est donc pas pour l’argent que les coaches universitaires iraient en NBA. Le salaire moyen est légèrement supérieur dans la ligue professionnelle, mais ce chiffre doit être relativisé car les chances d’être mis à la porte sont infiniment plus élevées.
4. Un pouvoir absolu
En NCAA, le coach est le seul maître à bord. Il a pour responsabilité de recruter les meilleurs lycéens, d’entrainer ses joueurs et est la vitrine de l’université. En effet, si les joueurs partent au bout de quatre ans (souvent moins dans les programmes de pointe), le coach reste. Il exerce ainsi les rôles de General Manager, Head Coach et Ambassadeur à lui tout seul et possède les pleins pouvoir pour marquer son programme de son empreinte. Les coaches sont souvent adulés par les étudiants. Rares sont les coaches NBA à recevoir une telle considération.
Autre point important, en NBA les conflits entre un coach et sa direction sont monnaies courantes. Les exemples de Mark Jackson ou David Joerger cette saison, ou de George Karl l’an passé ne sont que les exemples les plus récents.
5. Un jeu très différent
Qu’on le veuille ou non, le basket NBA et le basket NCAA sont très différents. Outre les règles (40 minutes, temps de possession, ligne à 3-points…), le style de jeu est forcément à des années-lumières de la NBA. Les joueurs ne sont âgés que de 18 à 22 ans et seuls les meilleurs iront en NBA ou seront professionnels. De plus, les joueurs doivent jongler entre leurs études et la durée de leur entrainement est limitée par la ligue universitaire. Le quotidien d’un étudiant-athlète et d’un joueur de basket professionnel n’est pas vraiment le même.
Du coup, la transition entre les deux mondes n’est pas toujours facile à gérer et rares sont les coaches universitaires à avoir eu du succès en NBA (et vice-versa). Le seul à avoir remporté le titre dans les deux niveaux est Larry Brown, qui prouve encore une fois à Southern Methodist qu’il est l’un des plus grands de l’histoire.
Conclusion
Pourquoi diable un coach établi dans un programme majeur en NCAA choisirait-il de délaisser son cocon pour une situation instable en NBA ? La seule raison valable est celle du goût du risque. Un coach ayant tout prouvé au sein du championnat universitaire pourrait se laisser tenter par un challenge relevé en NBA. Le risque est évidemment d’écorner son statut et de perdre sa place. A ce jour, aucun des coachs majeurs en NCAA ne devrait quitter son université dans les prochains temps, à moins d’un départ à la retraite. Quant aux jeunes loups, Fred Hoiberg, Shaka Smart et Kevin Ollie ne semblent pas pressés de franchir le pas…
(Mike Krzyzewski, Jim Boeheim, Rick Pitino et Roy Williams à « La Table des Rois »)