Trois légendes de la NBA qui ont marqué ces deux dernières décennies ont tiré leur révérence à l’issue de la saison : Dwyane Wade, Tony Parker et Dirk Nowitzki. Dwyane Wade s’est offert une dernière danse aux airs de jubilé tout de long de l’exercice, tandis que TP et Dirk Nowitzki, parmi les meilleurs joueurs de l’histoire du basket européen, ont été plus sobres. L’ailier fort de Dallas a tout de même eu droit à un bel hommage le soir de sa dernière et se prépare à voir sortir de terre une statue à son effigie aux abords de l’American Airlines Center. TP a quant à lui pris sa décision en juin après avoir mûrement réfléchi face à la tentation de pousser une année supplémentaire.
Ces trois champions à la carrière immense ont été liés toutes ces années durant leurs parcours respectifs. Par leur arrivée « discrète » en NBA, leurs affrontements (en saison régulière, en playoffs mais aussi plusieurs fois en finale NBA), leurs titres, leur fidélité (quasi) infaillible, leurs relations uniques avec leurs coachs…
Autant de belles histoires dans lesquelles Basket USA a pris le temps de se replonger pour vous proposer une mini-série en cinq épisodes qui met en lumière ces trois destins extraordinaires. Mais la légende de ces trois joueurs d’exception comporte aussi son lot de moments difficiles. Ceux-ci permettent de mettre en perspective tous les accomplissements réalisés au cours de leurs carrières.
Des défaites frustrantes, des blessures, mais aussi des coups de sang qui leur ont permis de mieux rebondir. Ce troisième épisode est consacré à ces tournants qui ont contribué à façonner leur parcours respectifs.
2013 | LE CRI DU COEUR DE TONY PARKER
C’est sans doute le moment le plus marquant en bleu pour ce que Tony Parker avait qualifié comme « peut-être la plus grosse victoire de l’histoire » de l’Equipe de France. Il faut dire que l’histoire est magnifique. Elle n’aurait sans doute pas eu cette même saveur sans ces moments difficiles vécus au préalable.
Pour se remettre dans le contexte, l’EuroBasket 2013 slovène est une bouffée d’air frais pour Tony Parker, un moyen d’oublier le revers incroyablement frustrant des Spurs en finale NBA face à Miami, deux mois plus tôt, une défaite en sept manches alors que les Texans menaient 3-2 dans la série et croyaient tenir le Game 6. Malgré un premier match perdu face à l’Allemagne pour débuter la compétition (une tradition), la France déroule.
En quarts de finale, face à toute la nation slovène à fond derrière Goran Dragic, Tony Parker livre un récital avec 27 points ponctuées d’exploits individuels déroutants.
Une fois de plus, les Bleus retrouvent donc l’Espagne en demi-finale d’une compétition internationale. Et la première mi-temps est un cauchemar, sans doute la pire de la longue histoire des confrontations entre les deux nations. Les hommes de Vincent Collet se font marcher dessus et rentrent à -14 à la pause (20-34). Hors de lui, Tony Parker prend la parole pour ce qui restera comme un discours d’anthologie qui a le mérite, avec la grosse faute de Boris Diaw sur Sergio Llull, de réveiller ses troupes.
Tony Parker qualifie même son discours comme « le plus grand moment » de son histoire en équipe de France. « Il fallait trouver les mots justes pour piquer mes coéquipiers dans leur fierté pour qu’en deuxième mi-temps, on fasse la meilleure deuxième mi-temps de l’histoire du basket français ».
Après ce coup de gueule capturé par les caméras de Canal+, la magie opère. La France joue physique et va chercher son succès en prolongation grâce à sa défense, aux efforts de toute une équipe et au 32 points du capitaine français.
Lorsque la dernière tentative de Marc Gasol rebondit sur le cercle, c’est tout un groupe, frustré par tant d’années d’échec face à la Roja, qui laisse exploser sa joie. Et Tony Parker, comme bon nombre de ses coéquipiers, n’est pas loin de laisser échapper quelques larmes.
« Une grosse victoire pour le basket français, peut-être la plus grosse victoire de l’histoire », avait-il ainsi lâché après la rencontre. « On peut être fier. Mais en même temps, ce n’est pas la médaille d’or. Il y a deux ans, on était tellement content d’être en finale et aux Jeux olympiques qu’on a mal abordé cette finale (…). À la mi-temps, il ne faudra pas revoir les vidéos », prévient-il. « J’étais très, très énervé dans le vestiaire. J’avais l’impression qu’on avait peur, qu’on jouait comme des tapettes (Tony Parker s’excusera le lendemain pour avoir utilisé ce terme). Mais en deuxième mi-temps, je suis tellement fier de mon équipe ».
Contrairement à l’EuroBasket 2011, les Bleus arrivent plus déterminés que jamais en finale et disposent de la Lituanie (80-66) pour décrocher l’or. La saison suivante, Tony Parker prendra une revanche au moins aussi belle de l’autre côté de l’Atlantique et battant le Heat de Miami en finale NBA (4-1) afin de décrocher sa quatrième bague.
2007 | DIRK NOWITZKI AU FOND DU TROU
« We Believe », ce slogan a hanté l’ailier fort allemand pendant quatre ans. La saison suivant la défaite des Mavs en finale face au Heat, en 2006-2007, Dirk Nowitzki est effectivement toujours au sommet de son art et les Mavs marchent sur toute la NBA, établissant le nouveau record de l’histoire de la franchise avec 67 victoires pour 15 défaites. Les Texans remportent notamment le derby à trois reprises face aux Spurs, qui finiront champions NBA cette année. Avec 24.6 points, 9 rebonds, 2.8 passes décisives et 1 contre en moyenne par match, le « Wunderkid » rafle même le titre de MVP de la saison régulière.
Vient donc le début des playoffs et un premier affrontement pas forcément évident, face à Golden State. Les Warriors ont vécu 13 longues années de disette et voient cette participation en phase finale comme une libération.
Ils abordent ainsi la confrontation face à Dallas sans pression, Et alors qu’on leur promet l’enfer au Texas face à une formation déterminée à retrouver la finale NBA, les Warriors offrent à Don Nelson un premier succès face à son ancienne équipe dès le Game 1 (85-97). Les Mavs égalisent dans la foulée, mais les Warriors remportent les Game 3 et 4 à domicile, avec un tandem Davis-Richardson explosif pour mener 3-1, contre toute attente.
Dallas prend le Game 5 à la maison avant de revenir à Oakland pour y vivre le pire moment de son histoire. Aucune équipe première de sa conférence à l’issue de la saison régulière n’avait encore été sortie au premier tour des playoffs, dans un format en sept matchs. Mais il y a une première à tout. Golden State est toujours sur son nuage et sort donc la formation d’Avery Johnson grâce à un succès 111-86. Sur ce match décisif, Dirk Nowitzki réalise l’un des pires matchs de sa carrière, rendant 8 points (à 2/13 au tir dont 0/6 à 3-points), 10 rebonds, 2 passes et 3 balles perdues en 39 minutes.
Sur toute la série, Don Nelson, qui le connaît particulièrement bien, lui fait vivre l’enfer. En essayant de le couper du ballon et en multipliant les prises à deux, voire à trois, pour aider Stephen Jackson à l’empêcher de s’exprimer sur jeu posé. Résultat : l’Allemand prend moins de tirs et ceux-ci sont globalement forcés. Logiquement, il est anéanti par ce revers alors qu’il n’a même pas encore reçu son trophée de MVP de la saison régulière.
Au moment de retourner aux vestiaires, Dirk Nowitzki éclate une poubelle (ou une chaise ?) contre un mur, laissant une trace de sa mésaventure à l’Oracle.
« Certains disent que c’est une poubelle, d’autres une chaise. C’était un moment où j’étais vraiment en colère, j’ai pris ce qui me passait sous la main je n’ai pas fait attention à ce que c’était. Je ne me rappelle plus trop de ce moment. Je me rappelle que j’étais vraiment en colère. Mon match était pourri. On avait la chance de forcer un Game 7 à domicile et je ne pouvais pas rentrer un tir. J’étais déçu, c’était dans le feu de l’action. Entre 2006 et cette année-là, ce sont probablement les moments les plus frustrants de ma carrière. J’ai reçu le trophée de MVP deux semaines plus tard mais même ma saison MVP, à chaque fois que j’y pense, je repense aussi à cette élimination ».
Le trou est resté, l’Allemand a même déposé sa signature à côté quelques années après. Ce coup de sang fait partie de son parcours. Ce revers face au Heat puis au Warriors lui a surtout permis d’apprendre de la défaite et de revenir encore plus fort, avec le titre de 2011 comme consécration.
« Je suis le joueur que je suis devenu grâce à cette élimination. Pendant des années, je ne pensais pas comme ça mais c’est une partie de ma carrière, de mon histoire. Je ne peux rien faire pour changer ce qui est arrivé. C’était un moment compliqué à traverser mais j’ai le sentiment que ces défaites ont fait de moi un meilleur joueur et m’ont permis de remporter le titre en 2011 (…). C’est pour ça que je l’ai signé avec le sourire. Si je n’avais pas gagné le titre derrière, j’aurais probablement dit : dégagez de là avec votre trou ».
2006 | DWYANE WADE PASSE DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE
Trois ans après son entrée en NBA, voilà déjà « D-Wade » au sommet. Rejoint par Shaquille O’Neal en 2004 puis par le trio Jason Williams – Gary Payton – Antoine Walker la saison suivante, Miami se voit pousser des ailes après avoir battu Detroit, champion en 2004 et finaliste en 2005 en finale de conférence des playoffs 2006.
Le moment tant attendu d’écrire une des plus belles pages de sa jeune carrière est arrivé. Mais rien ne se passe comme prévu. Le premier match, serré, tombe du côté de Dallas (90-80). Le second est une démonstration de force des Texans, qui mènent de 24 points au début du quatrième quart-temps et l’emportent 99-85.
Pour leur première rencontre à l’American Airlines Arena, les troupes de Pat Riley sont presque déjà dos au mur et le Game 3 tourne au cauchemar alors que les Mavs sont à +11 au début du quatrième quart-temps après un run dans le troisième (68-77). À un peu plus de 6 minutes de la fin, le score affiche même 76-89 en faveur des Texans. Il faut un éléctrochoc, un miracle même, pour sortir le Heat de là. Une mission pour Dwyane « Flash » Wade.
« C’était en train de tourner au sweep », raconte Pat Riley quelques années après. « J’ai écrit « saison » sur ma tablette, je l’ai retourné et j’ai dit que c’est ce qu’on jouait sur cette fin de match. Dwyane s’est assis, a serré les dents très fort et a dit : « Je ne partirai pas comme ça ». Il a simplement su saisir l’occasion. Il a su jouer simple sur la fin et il a enchaîné panier après panier. On ne pouvait juste pas le stopper ».
Après avoir planté son premier tir à 3-points sur sa première tentative du match, l’arrière floridien enchaîne les exploits, alternant drives et tirs à mi-distance avec une maîtrise déconcertante. Miami revient et se retrouve devant d’un petit point dans les dernières secondes, au moment ou Dirk Nowitzki se présente sur la ligne. L’Allemand rate sa deuxième tentative, permettant à D-Wade de récupérer un énorme rebond par dessus Jerry Stackhouse pour assurer la victoire. Sur la dernière action, une tentative de lob désespérée des Mavs sur la remise en jeu, c’est encore lui qui parvient à gâcher les plans d’Avery Johnson.
« J’ai continué de regarder le score en pensant : « Je ne partirai pas comme ça », » avait pour sa part confié Dwyane Wade après la rencontre. « Tu essaies juste de faire ce que tu peux pour aider l’équipe à surmonter ce moment difficile. Si tu réussis certaines actions, ça peut donner de l’énergie à d’autres et c’est ce que j’ai fait. C’était vraiment une victoire d’équipe et ça va nous aider pour la suite ».
La victoire 98-96 est héroïque et devient l’acte fondateur du comeback des Floridiens, qui remportent les trois matchs suivants pour s’imposer 4-2. Avec 15 de ses 42 points dans le dernier acte, 13 rebonds et 2 rebonds, Dwyane Wade est le grand héros de ce retour tonitruant et rafle le titre de MVP de la finale.
« Avoir été capable de porter son équipe sur son dos de cette manière dans une finale NBA, ça résume le joueur immense qu’il était. C’est vraiment un joueur spécial », a résumé Pat Riley.
Un joueur immense qui, lui aussi, a réagi en champion après avoir lui aussi été piqué au vif. La marque des grands.