Il n’y a jamais eu autant de joueurs NBA pour une Coupe du monde (ou Championnats du monde) puisqu’ils sont 45 à venir de la ligue américaine, soit 16 % du total des joueurs.
Si l’on ajoute ceux qui ont joué en NBA (Navarro, Fernandez…) et les draftés (Lauvergne, Koponen…), les joueurs connotés NBA comptent pour 32% des effectifs de la compétition, soit près d’un tiers.
Si autrefois une carrière NBA ne signifiait pas obligatoirement une domination dans le contexte FIBA, l’influence des joueurs de la grande ligue ne cesse de s’étendre.
D’un point de vue statistique, ces “NBAers” trustent les catégories principales. Ainsi, après 4 matches, dix des onze meilleurs scoreurs de la compétition sont des joueurs NBA actifs, le neuvième étant Hamed Haddadi, ex-Grizzlies et Suns. Ensuite, le douzième a été drafté en 2007 (Petteri Koponen), le treizième y a joué en 2011 (Pooh Jeter) et les quatorze et quinzième sont Gustavo Ayon et Kenneth Faried.
Dans le top 10 des rebonds, seuls Ioannis Bourousis et Eloy Vargas n’ont aucun lien avec la ligue. Dans celui des passes, il n’y a plus que cinq joueurs estampillés NBA.
Déjà, en 2010, le top 10 des meilleurs marqueurs était intégralement composé de joueurs NBA. Celui des rebondeurs en intégrait sept et on retrouvait quatre joueurs de la grande ligue dans celui des passes.
Les meilleures équipes, toujours à forte connotation américaine
Si le phénomène n’est donc pas nouveau, mais en croissance, a t-il un impact sur les résultats collectifs ?
Pour se faire une idée concrète, revenons à la compétition précédente en 2010. Parmi les huit équipes quarts de finaliste, on compte l’Espagne (8 NBAers), la Serbie (5), la Turquie (5), la Slovénie (5), la Russie (4), l’Argentine (4), la Lituanie (3) et Team USA, soit les équipes qui disposaient du plus de joueurs, d’ex-joueurs NBA ou de joueurs draftés.
En huitièmes de finale ? La Grèce (5), éliminée par l’Espagne ; la Croatie (3), éliminée par la Serbie ; l’Australie (4), éliminée par la Slovénie ; la France (5), éliminée par la Turquie. Une exception : le Brésil (5) éliminé dès le premier tour.
Pour cette compétition, après quatre matches, les seize meilleures équipes sont à nouveau celles qui disposent du plus de joueurs liés à la NBA. Cela signifie t-il que la présence de tels joueurs est nécessaire pour gagner ? Pas nécessairement, en Euroleague, on a vu le Maccabi, dénué de joueurs de cette catégorie, remporter la compétition. Mais ce n’est pas le sujet de ma chronique…
Le symptôme de la mondialisation en cours de la NBA
Ce qui m’intéresse, c’est que dans sa démarche de globalisation, et de mondialisation, la NBA a gagné. Progressivement, il n’y a plus un joueur de talent qui échappe aux filets de la grande ligue : des cas comme Milos Teodosic, Ioannis Bourousis, Nikos Zisis ou Marcelinho Huertas, tous non draftés, sont appelés à devenir de plus en plus rares.
En Espagne, parmi les douze joueurs de la sélection ibère, il n’y a ainsi que ce bon vieux Felipe Reyes à ne présenter aucun lien avec la grande ligue. Mais à 34 ans, le joueur du Real est une exception dans le basket actuel, un vestige de l’ancien temps, lorsque la NBA suivait l’Europe de loin…
Depuis, les clubs d’outre-Atlantique ont retourné leur veste, ils ne regardent plus le reste du monde avec le mépris d’antan ; au contraire, ils cherchent avec avidité la moindre once de talent afin d’être sûr de la sélectionner et de la verrouiller avec les droits de la draft. Cela ne signifie pas qu’ils ne font pas d’erreur, cela veut dire qu’il y a et qu’il y aura de moins en moins d’oubli. De Dirk Nowitzki à Bruno Caboclo, agents, scouts et recruteurs quadrillent les quatre coins du monde.
C’est pourquoi on n’a pas fini de voir les meilleurs joueurs des compétitions internationales être labellisés NBA. Ces derniers ne voudront peut-être pas y faire leur carrière, à l’instar de Juan Carlos Navarro, Rudy Fernandez ou Sergio Rodriguez, mais ils seront tout simplement marqués du sceau de la grande ligue pour la simple et bonne raison que cette dernière vampirise, voire avale tout.
La FIBA n’est pas la FIFA
Elle est même un point de référence pour la fédération internationale : vous aurez noté comme moi que la FIBA sort chaque jour des tops 5, des replays des meilleures actions de chaque journée de la compétition, sur le même mode que la NBA. Les instances dirigeantes de la fédération ont bien compris que le basket européen n’était pas “sexy”. À titre personnel, je m’en contrefiche et au contraire, j’apprécie ces matchs non pollués par les différentes animations mercantiles que l’on retrouve tout au long de la saison en NBA. Mais le grand public a besoin de spectacle, de show, pour s’intéresser à ce type de compétitions. Quand on ne connaît le basket que par le prisme de Michael Jordan, il est difficile de s’intéresser à un Slovénie-Ukraine, conclu sur un score de 53-46. Or, malgré cette prise de conscience, la FIBA ne parvient pas à vendre sa Coupe du monde. Pour faire simple, la FIBA n’est pas la FIFA.
Et tant qu’il en sera ainsi, le rapport de force entre la ligue et les fédérations sera en faveur de la NBA. C’est déjà le cas, mais pour le moment, la ligue américaine fait profil bas pour le plus grand soulagement de la FIBA, car ce n’est qu’une question de temps avant que la ligue américaine ne prenne le pouvoir sur ce type de compétitions.
La NBA est devenue “LE” basket
Aussi violente soit la formulation de Mark Cuban, le propriétaire des Mavericks pose la question à juste titre : si les clubs possèdent les droits et rémunèrent les joueurs, pourquoi n’organiseraient-ils pas eux-mêmes ce type de compétition ? Le commissioner de la NBA reconnait lui-même que le sujet est inévitable et en bon successeur de David Stern qu’il est, Adam Silver n’a rien d’un philanthrope. Sa vocation est bien d’étendre l’influence de la ligue au monde entier. Comme tout patron d’une multinationale, l’objectif est d’associer la marque au produit, de faire en sorte que la NBA soit “LE” basket.
Ainsi vient l’idée d’un tournoi de mi-saison, calqué sur le football. Et avec lui, la ligue prendra encore un peu plus la main sur le calendrier de ses joueurs. Et elle a tout à y gagner car sans doute qu’avec elle, ainsi impliquée dans une compétition internationale, les droits de sponsoring exploseraient.
Que reste t-il des nations ?
Cette situation est-elle logique ? D’un point de vue économique stricto sensu, probablement. Moralement parlant, non. À l’heure actuelle, les joueurs sont encore formés par des structures publiques ou privées, qui bénéficient toutes de près ou de loin de l’argent de leur gouvernement respectif. Ce n’est ainsi pas par patriotisme que je m’émeus lorsqu’un joueur refuse une sélection, mais bien parce que dans 95% des cas, ce dernier a été nourri par nos centres de formation, et donc, indirectement, par l’argent de la collectivité.
Or, il n’est pas légitime que la NBA reçoive tous les fruits de cette culture, les fédérations nationales doivent conserver le dernier mot. Mais tant qu’elles fonctionneront comme des usines à gaz, souvent opaques par ailleurs, la machine américaine gagnera du terrain et ce bon vieux Felipe Reyes ne sera définitivement plus qu’une antiquité.