Kobe Bryant, Carmelo Anthony, Kevin Durant, ou encore Kyrie Irving, Kevin Love, Tony Allen ou John Wall… Cette année encore, un grand nombre de joueurs NBA ont vu leur saison gâchée, ponctuellement ou durablement compromise, en raison de blessures. Comment prévenir ses blessures et limiter le risque au maximum ? Du côté de la NBA, de nombreux joueurs font confiance au P3. Derrière ce nom de code se cache le Peak Performance Project, un centre d’entraînement et de recherche situé à Santa Barbara, en Californie.
Saison régulière et playoffs compris, le nombre de joueurs durablement blessés s’élève à plus 20% du contingent total et évidemment, cette situation est autant préjudiciable en termes sportifs qu’économiques, que ce soit pour les intéressés, leurs équipes et la ligue.
La blessure : un frein sportif, économique et médiatique
Sportivement, ces blessures peuvent coûter aux clubs une saison entière. Cette saison, ce fut le cas par exemple des Pacers, privés de Paul George presque pour l’intégralité de la saison et d’une flopée d’autres joueurs au cours de la campagne. Malgré ses efforts, l’équipe a achevé sa quête à la porte des playoffs. Sans Kobe Bryant, Julius Randle, Steve Nash ou encore Xavier Henry, les quelque ambitions des Lakers ont rapidement été réduites à néant. Censés progresser, les Wolves ont dû se résoudre à patienter un an de plus en raison des longues absences de Ricky Rubio, Nikola Pekovic ou Kevin Martin. La liste est bien sûr non exhaustive, les exemples sont trop nombreux.
Économiquement, elles ne sont pas sans conséquence pour des franchises parfois amenées à perdre du public, souvent très motivé par les individualités. Et sans résultat ou affluence, les sponsors rechignent à dégainer le carnet de chèques.
Phoenix, pionnier de la prévention intensive
Le tableau est certes succinct mais résume à quel point les blessures constituent l’un des principaux nerfs de la guerre en NBA, et plus globalement dans le sport. Pour prévenir au maximum ces risques, beaucoup de franchises investissent dans le département de la préparation physique. L’exemple le plus connu est celui de Phoenix, réputé pour avoir remis sur pieds des joueurs comme Grant Hill, Michael Redd ou encore pour avoir prolongé les carrières de Shaquille O’Neal et Steve Nash. Plus récemment, Danny Granger est arrivé dans l’Arizona afin de relancer sa carrière.
Mais désormais, les franchises s’intéressent à un nouveau système d’analyses physiques. Son nom de code : P3 pour Peak Performance Project, un centre d’entraînement et de recherche situé à Santa Barbara, en Californie. Fondé par un médecin d’Harvard, Marcus Elliott, ce complexe est devenu l’un des plus prisés des sportifs du monde entier, dont certains joueurs NBA tels que Dwight Howard, Al Jefferson, Andrew Wiggins, Patty Mills ou encore Kyle Korver.
Derrick Favors : « Ça fonctionne »
Dans un long portrait consacré au centre, Sports Illustrated rapporte que les médecins de P3 ont pu détecter en amont un risque élevé de récidive de rupture des ligaments croisés chez Al Jefferson. En plus de ce diagnostic préventif, l’équipe a pu travailler avec le joueur pour rééquilibrer la rotation de son genou droit.
« Nous cherchons des prédispositions de la même manière que ce que font les docteurs en médecine traditionnelle. Simplement, au lieu de chercher des risques d’attaque cardiaque, nous regardons ceux liés aux performances. Ce n’est pas sorcier. Dans peu de temps, chaque équipe le fera. » explique ainsi le fondateur de P3.
À l’aide de caméras 3D, de capteurs de mouvements et de bases de données dantesques, le centre travaille sur la mécanique des mouvements. Les équipes médicales enregistrent des milliers de gestes, de postures et sont en mesure de les lier entre eux, de les contextualiser afin d’observer des corrélations avec les différents types de blessures.
Au prix de 5000 dollars par semaine, la visite au centre n’est pas donnée mais selon Bill Duffy, l’un des plus gros agents de la ligue, le jeu en vaut la chandelle, à tel point qu’il a négocié un partenariat avec P3 pour que ses joueurs puissent y travailler en exclusivité.
« Vous pouvez prolonger votre carrière de trois à cinq ans en venant ici. Ils traitent chaque problème. » affirme l’agent, confirmé dans ses propos par l’intérieur du Jazz, Derrick Favors, coutumier du lieu depuis 4 ans. « Je ne sais pas comment ils font ça, c’est du travail de scientifiques. C’est dingue, mais cela fonctionne. »
Kyle Korver reconnaissant pour la longévité de sa carrière
Sur les quatre dernières saisons, Favors n’a manqué que 24 matches. Il n’est pas le seul à vanter les mérites du centre. Tracassé par son genou gauche depuis le début de sa carrière, Kyle Korver s’était résolu à visiter P3 l’été 2008 et son premier passage l’a marqué à vie.
« Quand je me suis vu sur la vidéo et qu’ils m’ont montré comment je sautais, j’ai presque vomi. Mon genou se pliait et rentrait presque dans mon genou droit. J’ai dû presque totalement reprogrammer mon corps. Je mettais toute la pression sur mes genoux, sans utiliser mes fessiers. »
Selon lui, ce travail explique pourquoi, à 33 ans et avec douze saisons dans les jambes, il a réalisé l’une des meilleures saisons de sa carrière.
« Mon corps se sent mieux aujourd’hui que lorsque j’avais 23 ans, et cela n’arrive jamais dans le sport professionnel. » poursuit-il.
Malheureusement pour l’arrière des Hawks, le P3 ne peut non plus prévenir toutes les blessures, notamment celle contractée en playoffs lors d’un choc avec Matthew Dellavedova. Bientôt opéré, Korver sera écarté des terrains pour au moins trois mois mais il ne fait aucun doute qu’il reviendra se rééduquer en partie au P3.
Parfois confronté à la méfiance des clubs, peu enclins à confier des joueurs et leurs informations médicales à un tiers, P3 fait néanmoins de plus en plus d’émules. Ainsi, pour la seconde année consécutive, Zach LaVine répète ses gammes au centre de préparation. C’est notamment là-bas qu’on a pu récemment le voir tester sa détente.
L’an passé, l’un des assistants du P3, Adam Hewitt, commentait ainsi auprès de Bleacher Report le travail effectué avec les jeunes, dont Zach LaVine, en vue de pérenniser leur carrière.
« Ce sont des talents incroyables, mais ils ont toujours besoin d’améliorer leur performance au saut. » explique t-il. « Cela peut se traduire par la vitesse à laquelle ils s’élèvent, où la variété de leurs mouvements en sautant. Peuvent-ils sauter avec quelqu’un qui les pousse ? Peuvent-ils sauter sans avoir de gros élan ? Mais l’élément principal pour nous est de trouver comment leur apprendre à sauter ainsi pendant les 20 prochains années. Nous sommes donc intéressés sur les performances à court-terme, mais nous sommes très intéressés de les suivre et de nous assurer que nous optimisons leur développement sur le long-terme. »
Le P3 constitue aujourd’hui un allié de choix pour des clubs qui ne disposent pas toujours d’une telle expertise pour protéger leurs joueurs, ou leur offrir des analyses aussi poussées. À terme, il est probable que la prédiction de son fondateur se vérifie : toutes les équipes devraient finir par y passer.
Le Jazz au P3 Peak Performance Project en 2013