Retraité des parquets depuis 2005, Antoine Rigaudeau a pris ses distances avec le basket français. Malgré tout, le leader de l’équipe de France médaillée d’argent aux Jeux olympiques de Sydney, en 2000, continue de suivre les Bleus et reste un observateur avisé. Alors que Tony Parker et ses coéquipiers débutent demain leur tournoi, l’ancienne star du basket français revient sur son expérience olympique.
Que représentent les Jeux olympiques pour un basketteur ?
Je crois qu’on peut généraliser pour n’importe quel sportif : c’est LA compétition internationale par excellence où tous les sports et nationalités sont représentés. C’est le plus gros événement sportif du monde auquel tous les sportifs rêvent de participer.
Quel souvenir gardez-vous de Sydney ?
Au-delà de la médaille, c’est cette grosse machine de l’olympisme qui est impressionnante. On a eu la chance d’aller loin, donc on était occupé dans notre tournoi pendant 15 jours et on n’a pas vraiment eu le temps d’aller voir d’autres sports. Mais c’est une organisation incroyable. C’est complètement différent d’un championnat d’Europe. Dans le village olympique, il y a tous les sportifs, toutes les nationalités. Il y a des athètes qui ont fini au bout de trois jours mais qui restent là. On sent qu’il y a une ébulition 24 heures sur 24, d’où la difficulté éventuelle de rester concentré.
On se souvient que la France avait montré deux visages. Avec le recul, comment analysez-vous ce revirement entre la première et la deuxième semaine ?
Comme dans tous les tournois, il y a une grosse part de travail en amont, dans les entraînements, la concentration, et puis une petite part de chance. On a eu un premier tour difficile, notamment contre les États-Unis. Je me souviens qu’on avait eu beaucoup de mal contre les équipes européennes aussi, mais aussi la chance de jouer contre des équipes non européennes, ce qui nous avait permis de nous qualifier en quart de finale. Lors de la deuxième semaine, les choses se sont mises en place. Contre le Canada, en quart, on est très bon en défense pour bloquer Steve Nash. L’Australie, en demi-finale, c’est pareil, on contrôle bien leurs shooteurs pour éviter qu’ils prennent feu devant leur public. Il y a toujours des petites fenêtres qui s’ouvrent à certains moments d’une compétition et il faut être opportunistes pour s’y engouffrer.
On a beaucoup parlé à l’époque du fait que votre médaille d’argent n’avait pas été suivie par une plus forte médiatisation du basket en France et par d’autres résultats. Pour vous, le basket français est-il dans une meilleure situation aujourd’hui ?
Il faut savoir à quoi on se réfère. Je pense qu’on est à peu près dans la lignée au niveau des résultats, même si l’équipe de France fait plus peur aujourd’hui que nous en 2000. En revanche, si on se réfère aux clubs français, ils sont moins bons qu’à l’époque. À côté de ça, il y a plus de joueurs français en NBA, donc c’est positif. Je dirais d’ailleurs que le basket est plus populaire que ce qu’il était, notamment grâce aux Français qui ont du succès en NBA. Dans sa globalité, oui, le basket français va mieux.
Quel regard portez-vous sur la médaille d’argent remportée par les Bleus à l’Euro 2011 ?
C’est la place que méritait cette équipe de France. Il est très difficile d’aller chercher l’Espagne. Même si le fossé diminue un peu, il y a encore du chemin à faire. Mais cette équipe de France a pris une certaine maturité, avant et pendant le championnat d’Europe en étant plus responsable par rapport au résultat de chaque match. Elle a passé un cap. Pour autant, elle n’a pas beaucoup, voire pas du tout de marge avec les autres équipes. Les États-Unis et l’Espagne ont de la marge, mais pas les autres.
Une nouvelle médaille est-elle possible à Londres ?
Je ne suis pas sûr que la France aurait été en mesure de battre les Américains ou les Espagnols avec Joakim Noah. Quant aux autres équipes, avec lui ou sans lui, il faut jouer à 120 % pour les battre. Il y a un objectif de médaille qui est légitime et la possibilité de résultat est réelle. Il faudra d’abord passer le premier tour et après tout est possible. Mis à part la Tunisie, il n’y a que des gros dans ce groupe A. Mais si la France s’en sort, ça pourrait être plus intéressant pour elle car elle serait alors sur une bonne dynamique.
Quelle différence majeure y a-t-il entre le tournoi olympique et un championnat d’Europe ? À quoi l’équipe de France doit-elle faire attention ?
Les différences se situent dans la culture de jeu. Le Nigéria par exemple, je ne sais pas si on connaît très bien cette équipe. Ce n’est pas du basket qu’on a l’habitude de rencontrer, ça peut être parfois difficile à jouer. Il faut donc beaucoup plus de maturité et de force mentale pour passer ces matches-là. Et en-dehors du jeu, il faut savoir rester concentré. On ne va pas voir les autres sports, on reste concentré sur notre tournoi. Nous on avait été préparé en amont et en interne au sein du groupe. Les bonnes personnes nous avaient expliqué ça.
La France joue les États-Unis dimanche. En 2000, les Américains avaient montré une très mauvaise image. Vous les trouvez changés ? Vingt ans après la Dream Team de Barcelone, ils émerveillent à nouveau le public selon vous ?
Tout d’abord, la Dream Team, il n’y en a qu’une seule pour moi, c’est l’équipe de 1992. Mais par rapport à 2000, il est clair que le comportement et l’attitude des joueurs a changé. La Fédération américaine a repris les choses en main pour cadrer cette image pas très bonne donnée au monde entier. Les Américains ont eu un comportement irréprochable à Pékin en 2008 et en Turquie en 2010. Maintenant, est-ce qu’ils émerveillent autant les gens ? Le basket européen a énormément comblé l’écart physique et athlétique qu’il y avait dans le temps grâce à la forte présence de joueurs internationaux en NBA. Ces joueurs sont habitués à jouer contre les Américains. Il n’y a plus l’admiration et la fascination qu’il pouvait y avoir en 1992.
Propos recueillis par Romain Brunet