Dans sa troisième saison avec les Bulldogs de Gonzaga, qui est en fait sa quatrième année sur le campus de Spokane, Joël Ayayi vit une saison évidemment particulière.
Avec 12 points, 8 rebonds et 3 passes de moyenne, le meneur junior réalise sa meilleure campagne NCAA en carrière mais il doit également, comme toute les autres équipes du pays, s’adapter à un calendrier à géométrie variable.
Un meneur qui prend des rebonds
Dernier exemple en date : Gonzaga devait jouer face à Santa Clara ce jeudi mais ce sera finalement BYU qui sera de l’autre côté du terrain alors que l’alma mater de Steve Nash est actuellement en pause à cause du Covid-19. Résultat : Mark Few et son staff font des pieds et des mains pour garder un semblant de régularité à un calendrier bien cabossé.
« C’est énorme. On apprécie vraiment tous ces efforts et son travail pour nous donner le plus de matchs possible », explique Joël dans le podcast de Dan Dickau. « Parfois, ça se fait super rapidement avec les matchs qui sont annulés et qu’on veut remplacer par une autre affiche face à une grosse équipe. C’est pour ça que certains joueurs sont revenus ici, que d’autres se sont engagés, et c’est pour ça qu’on s’entraîne tous les jours, on veut jouer des gros matchs. Chaque match compte, surtout cette année quand on ne sait pas combien de matchs on va avoir. »
Déjà privés de tournoi final la saison passée, comme un repas sans fromage (ou dessert, c’est au choix), les équipes NCAA doivent s’adapter aux aléas d’une situation qui évolue quotidiennement. Évidemment pas idéal pour des joueurs (et étudiants) encore en formation.
« Ce n’est pas facile parce qu’en général, on se prépare beaucoup pour chaque adversaire. On place beaucoup d’importance dans cet aspect du jeu, d’être prêt et bien préparé », reprend Joël Ayayi. « Mais on doit simplement aborder ça comme des professionnels, c’est-à-dire que si un match est annulé, on doit passer à la suite, au prochain adversaire. Parfois, ça se fait au shootaround, en quelques heures, on bascule sur un autre plan de jeu. Avec BYU et Santa Clara en l’occurrence, certains d’entre nous les connaissaient déjà car on les a déjà joués par le passé. L’expérience nous aide à ce niveau-là. »
Restant sur trois double-double d’affilée face à Northern Arizona (17 points, 10 rebonds), Dixie State (21 points, 11 rebonds, 6 passes) et San Francisco (18 points, 10 rebonds), Joël Ayayi propose actuellement son meilleur basket. Un meneur qui prend autant de rebonds, il y a de quoi interpeler en tout cas.
« Oui, c’est un truc que j’ai appris très jeune. Mon père disait à ma grande soeur [Valériane, joueuse de Basket Landes et internationale, ndlr] qu’elle devait faire le plus de choses possible sur le terrain. Plus elle pourra en faire, mieux ce sera pour elle, et j’ai suivi le mouvement. J’étais plutôt grand pour un arrière chez les jeunes et j’allais toujours aider au rebond. C’est quelque chose que j’aime faire car il s’agit avant tout de faire l’effort. Tu n’es pas toujours récompensé mais Coach Few me laisse une pleine liberté pour aller aux rebonds, défensif comme offensif, car il me fait confiance pour ça. »
Miser sur sa polyvalence
Avec son tir à 3-points de nouveau bien en place (8/11 sur ses trois dernières sorties), Joël Ayayi rayonne pleinement sur le jeu des Zags qui sont toujours invaincus à 10 victoires en 10 matchs. Ayant déjà flirté avec le processus de Draft la saison passée, le jeune meneur de 20 ans se profile de plus en plus comme un prospect incontournable au sein d’une des (si ce n’est la) meilleures équipes du pays.
« Mon jeu est basé sur la polyvalence et faire un peu de tout sur le terrain. Je dois simplement continuer à progresser et faire un petit peu de tout, mieux ! Shooter un peu mieux. Avoir une meilleure maîtrise de la balle. Progresser sur ma condition physique. Progresser en défense. Je veux travailler sur tout mon jeu et essayer d’amener tout ça à un niveau supérieur. Je ne veux pas me reposer sur une seule qualité. Je veux progresser sur mon attention pour les détails aussi. Je n’aime pas trop me projeter trop loin dans le futur mais je sais qu’en continuant à travailler, ça finira par payer. »
Mais c’est vrai que le Frenchy au grand sourire et aux yeux qui pétillent de découvrir la vie américaine lors du Phil Knight Invitationnal à Portland en 2017 a bien grandi. Alors dans sa saison redshirt, Joël Ayayi apprenait encore à se débrouiller au quotidien dans son tout nouvel environnement, loin de sa famille et ses proches. Il était le « sparring partner » à l’entraînement, le petit jeune à qui on montre les ficelles…
« Si je veux jouer en NBA, je dois d’abord être un bon joueur NCAA »
Depuis, il est devenu le titulaire indiscutable d’un des cadors de la NCAA. Il se souvient cependant de ses débuts en Gironde. Quand il regardait ses idoles à la télé, et découvrait la NCAA, de l’autre côté de l’Atlantique. Derrière son écran.
« J’ai commencé à regarder la NBA parce que les joueurs que je suivais, Tony Parker, Boris Diaw, Ronny Turiaf sont arrivés en NBA. J’avais 9 ou 10 ans quand j’ai commencé à prendre le temps de regarder des matchs, et pas seulement des highlights. J’ai regardé le basket universitaire autour de 15 ans je dirais. Je regardais par curiosité, pour savoir un peu d’où venaient les joueurs NBA en fait. Au bout de deux ans, je suivais vraiment et je comprenais mieux comment ces joueurs NBA devenaient si forts. Et petit à petit, je me suis dit que ça serait une bonne option pour moi. »
La réussite de Ronny Turiaf (drafté par les Lakers en 2005) puis celle de Killian Tillie (non drafté cette année, mais membre des Grizzlies via un « two-way contract ») l’ont incité à signer à Gonzaga. À vrai dire, la présence de ce dernier était même une invitation à le rejoindre au plus vite.
« Killian et moi étions tous les deux à l’INSEP avant qu’il parte à Gonzaga. Donc pour moi, c’était une bonne sécurité. Quand ils m’ont contacté, je me suis dit que j’avais une bonne opportunité car c’est le jeu le plus européen des Etats-Unis, et ça marche bien. Et puis, j’ai fait une visite du campus et j’étais super impressionné. Tout était génial. J’avais 17 ans et je ne voulais pas être tout seul dans mon coin donc pour moi c’était l’option n°1 (…) C’était difficile et facile à la fois. C’était difficile de partir et quitter ma famille et mon pays mais en même temps, je savais que je voulais affronter les meilleurs, ne pas me cacher et voir si je pouvais jouer en NCAA. Car si je veux jouer en NBA, je dois d’abord être un bon joueur NCAA. »
Gagner le titre avant de filer en NBA
Déjà l’année passée, à 10 points, 6 rebonds et 3 passes de moyenne avant la (non) fin abrupte de la saison, Joël Ayayi avait commencé à se faire un nom. Mais cette saison, il fait mieux que confirmer. Il persiste et signe avec son jeu complet (même si on aimerait plus de passes depuis son poste de meneur) et très propre, à 62% de réussite aux tirs.
Seul hic, son adresse étonnante aux lancers (56% seulement), mais sur un petit échantillon (9/16). En tout cas, Joël Ayayi sait qu’il peut compter sur ses prédécesseurs tricolores s’il a besoin d’un conseil avisé.
« Je connais Boris car il est de ma ville et durant le lockout, il est revenu jouer en France, et on était dans le même club [JSA Bordeaux]. J’étais avec les jeunes mais on avait pu se croiser et discuter. Et puis, j’avais été le voir à Utah une ou deux fois. Ronny me parle aussi, encore plus maintenant que je suis avec Gonzaga. C’est vraiment super pour moi d’avoir ces modèles que je peux appeler si j’ai des questions. »
Ayant la possibilité de revenir pour une ultime saison senior, Joël Ayayi pourrait fort bien sauter le pas vers la NBA dès la fin de saison. Surtout si Gonzaga concrétise son statut de n°1 du pays et file jusqu’au titre suprême. Le rêve ultime de l’ambitieux Bleuet, déjà nommé MVP du dernier tournoi de conférence.
« Gagner le titre serait la meilleure fin évidemment. On est dans une saison particulière mais il y a tellement de travail et de variables qui rentrent en ligne de compte. Ce serait énorme de le faire, c’est un truc qu’on rêve de faire et ce serait une telle récompense pour beaucoup de personnes de l’équipe mais aussi dans la communauté. Et il n’y a aucune pression par rapport à ça, c’est simplement une superbe opportunité d’accomplir un truc qui est bien plus important que n’importe qui d’entre nous pris individuellement. Cela aurait un impact énorme sur beaucoup de gens et c’est un truc facile puisqu’il s’agit de jouer au basket. De pouvoir marquer autant de gens serait incroyable. »
C’est tout le mal qu’on lui souhaite après avoir déjà « manqué » une opportunité, bien malgré lui, la saison dernière…