Après trois saisons d’une progression régulière chez les Lakers, de 9 à 16 puis 18 points de moyenne, Brandon Ingram a encore fait mieux depuis son arrivée à la Nouvelle Orléans.
En Louisiane, Ingram a carrément passé un cap majeur dans sa carrière, devenant All-Star pour la première fois, se voyant également récompensé du titre de Most Improved Player. Il faut bien avouer qu’à plus de 23 points de moyenne, plus 6 rebonds et 4 passes, Ingram fait désormais partie du gratin de la Ligue.
Pourquoi une telle explosion ? Basket USA vous propose quelques éléments de réponse.
Motivé par le manque
La première chose à savoir, c’est que Brandon Ingram a d’abord eu à gérer une blessure particulièrement dangereuse. Victime d’une phlébite au bras, l’ailier a eu de la chance d’avoir été pris en charge très tôt par le corps médical, sans ça, il aurait pu vivre des complications – voire une fin de carrière – à l’instar de Chris Bosh et Mirza Teletovic.
Fort heureusement pour Ingram, ce pépin physique n’est resté qu’un petit pépin. Il ne le savait pas encore, mais le longiligne ailier avait alors disputé son dernier match sous les couleurs des Lakers…
« Avoir été blessé cet été, ça m’a aidé à me concentrer et tirer profit de chaque instant quand je suis sur le terrain. Je profite vraiment à chaque fois que je peux jouer », déclarait-il récemment au LA Times. « Je veux retrouver la forme et essayer de développer mon éthique de travail pour rester concentré sur mes objectifs, sur et en dehors du terrain. Je veux rester équilibré mentalement. Je remercie mes coéquipiers et les coachs qui m’encouragent au quotidien. »
Le deuxième élément, c’est qu’Ingram a modifié son approche en attaque. Au lieu de faire du 3-points une arrière-pensée, Ingram en a fait sa première arme offensive.
Avec les Pelicans, Ingram a tenté plus d’un tiers de ses tirs derrière la ligne à 3-points, alors qu’il n’en tentait que 13% la saison précédente. Et ce avec un pourcentage amélioré, de 33 à 39%. Du coup, Ingram a inscrit 150 tirs derrière l’arc, soit plus que sur ses trois premières saisons combinées !
Une bien meilleure adresse
De plus, avec l’expérience emmagasinée, Ingram n’hésite plus à partir à la corde et finir au contact. La grande liane commence à sérieusement semer la panique dans les raquettes adverses avec sa capacité à terminer ses actions malgré la faute. A l’instar de son modèle Kevin Durant, Ingram a de longs segments qui lui permettent de profiter de duel avantageux quasiment face à chaque adversaire.
Corollaire de sa progression à 3-points, Ingram a également rétabli son pourcentage de réussite aux lancers dans des standards plus en adéquation avec son nouveau statut de All Star. Bizarrement limité à 68% depuis le début de sa carrière sur la ligne de réparation, Ingram a corrigé le tir, littéralement, en montant son pourcentage à un 85% bien plus décent. Grosso modo, il peut ajouter 5 points d’office à son total à chaque match par son travail pour provoquer les fautes.
Après le switch, Ingram se retrouve face à des intérieurs qui font généralement sa taille, voire moins, et il peut désormais les martyriser régulièrement avec un haut du corps renforcé. Face à des garçons plutôt référencés « physiques », comme Markieff Morris (des Lakers), Rudy Gobert ou encore Jaren Jackson Jr., Ingram est arrivé à terminer ses actions pour le panier, la faute, et parfois la complète : panier plus faute.
Face au Jazz en l’occurrence, Ingram a planté la bagatelle de 49 points en janvier dernier. Dans un grand soir, Ingram a tout simplement fait étalage de toute sa palette offensive. Du jeu au cercle, des petits tirs incontrables dans le petit périmètre et les tirs à 3-points clutchs en fin de match, Ingram a pour le coup ajouté 8 rebonds et 6 passes, et ce, dans une victoire en prolongation face au Jazz (138-132). Une performance qui en dit long sur le talent intrinsèque de ce garçon qui a tout simplement trouvé sa voie.
« Je m’étais un peu trop pris la tête [lors de ma saison rookie] », nous avouait-il au début de sa 2e saison NBA. « J’ai un peu perdu les pédales et je ne savais plus si j’étais vraiment bon… C’était mieux sur les deux derniers mois. Mais maintenant, je dois me relâcher, jouer l’esprit libre. Je dois faire confiance à mes qualités. Quand je joue dur, je peux faire partie des meilleurs. »
Facile dans la Big Easy
Sa prémonition de 2017 s’est effectivement réalisée en 2020 avec sa première cape All-Star qui intervient, faut-il aussi le souligner, après un transfert qui l’a envoyé du joyeux bazar de Los Angeles (où il jouait aux côtés de LeBron James) au calme du petit marché de la Nouvelle Orléans, la « Big Easy » où Ingram peut bel et bien jouer l’esprit libre.
« Ce sont des bonnes personnes, authentiques, et de la bonne nourriture, c’est une bonne vibe en général », assure Ingram. « Je m’y plais bien, ça me rappelle un peu là d’où je viens. Je vois certains trucs ici qui me rappellent vraiment mon village. C’est plus tranquille et j’apprécie ça. »
Originaire de Caroline du Nord, et plus particulièrement du village de Kinston réputé pour sa passion de la balle orange – outre une criminalité et une pauvreté en pleine explosion, Brandon Ingram n’était pas forcément à son aise dans la ville tentaculaire de Los Angeles. Et encore moins au sein d’un vestiaire dysfonctionnel comme celui des Lakers…
« A LA, il ne sortait jamais, il n’était pas sur la scène », précise Hart sur ESPN. « Il était toujours tranquille chez lui. Si tu voulais passer un peu de temps avec lui, il fallait aller chez lui et s’inviter. On mangeait un peu et on jouait aux jeux vidéos, ce genre de trucs. »
A NOLA, Brandon Ingram revit. Il peut de nouveau vivre à son rythme, réalisant le dicton qui veut qu’un joueur à l’aise hors des parquets sera d’autant plus productif sur les planches. Rat de gymnase par excellence, sachant que son père tenait précisément un des gymnases les plus fréquentés de Kinston, le jeune Brandon a forgé une éthique de travail en acier trempé, ainsi que l’illustre sa relation privilégiée avec Jerry Stackhouse, un autre natif de ce village d’irréductibles « ballers ».
Un attaquant de plus en plus complet
Mais ce qui impressionne le plus avec Ingram, c’est qu’il joue juste. Sa progression en attaque est globale : il tire certes plus à 3-points, car c’est dans l’air du temps et quasiment une obligation impérieuse dans le jeu actuel, mais Ingram peut encore attaquer le cercle et distribuer le jeu à ses coéquipiers.
Ne vous fiez pas à son air moitié endormi voire lymphatique, façon T-Mac, Ingram a les yeux bien ouverts pour lâcher le cuir à son coéquipier démarqué ! En tout état de cause, c’est une occurrence de plus en plus fréquente, et logique, avec Ingram qui peut voir « par dessus » la défense du haut de ses 2m01 (taille officielle).
De plus en plus fort offensivement, Ingram en récolte les fruits avec davantage d’opportunités de jeu en isolation, la récompense ultime. Selon NBA.com, Ingram figurait pour le coup à la 13e place de la Ligue en termes de possessions en isolation (avec 3,1 en moyenne par match).
Ingram fixe les défenses par sa polyvalence de plus en plus létale, et ça libère en conséquence son jeu de passes. On l’a ainsi déjà vu servir l’autre jeune Dukie du groupe, Zion Williamson, pour des dunks surpuissants dont il a le secret. C’est d’ailleurs Williamson qu’Ingram cherche en premier chez ses coéquipiers, une relation privilégiée qui pourrait être amenée à grandir encore la saison prochaine, et les suivantes…
Un doute subsiste néanmoins. Si les Pelicans aimaient jouer vite cette saison avec Alvin Gentry, ce qui ouvrait des espaces pour les Williamson, Ball et donc Ingram, qu’en sera-t-il avec Stan Van Gundy ? Historiquement, les équipes de SVG sont des formations qui posent le jeu et jouent sur demi-terrain…
Suffisant pour un contrat max ?
Restricted free agent, Brandon Ingram a nettement fait monter les enchères. Malgré une grave blessure et un transfert coup sur coup, Ingram n’a pas brisé sa dynamique positive, longue de trois saisons. Bien au contraire, il a progressé encore plus vite, montrant par séquences qu’il pouvait même montrer l’exemple en défense quand cela était nécessaire…
« Sur cette action face à Kelly Oubre, je me suis dit que si j’abandonnais, alors tous les autres joueurs vont s’arrêter de jouer sur ce type d’action. Quelqu’un d’autre que moi aurait pu contrer ce tir mais le fait que je fasse l’effort de revenir en défense [pour empêcher un dunk facile], ça va inciter les autres gars à revenir en défense et ne rien lâcher. »
Encore perfectible de ce côté du terrain, Ingram présente cependant les outils physiques et les prédispositions nécessaires en termes de timing et de placement pour devenir un défenseur à l’impact positif. Mieux, et malgré les apparences, le jeune Ingram semble avoir les épaules nécessaires pour devenir un leader de franchise.
Bien plus que Zach LaVine (78 millions de dollars sur 4 ans) ou Malcolm Brogdon (85 millions de dollars sur 4 ans), et sans doute moins que Jamal Murray (158 millions sur cinq ans), Brandon Ingram peut – et devrait – en tout cas faire sauter la banque dans les semaines à venir. A 23 ans seulement, il a encore beaucoup de marge de progression… et le garçon est déjà All-Star, c’est dire !
« Ma motivation est d’être le meilleur possible. Je ne pense pas que je puisse jouer à la perfection mais je pense pouvoir m’en approcher si je continue à bien me préparer, et si je continue à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour devenir la meilleure version de moi-même. Dans le même temps, je veux que tous mes coéquipiers se sentent aussi plus à l’aise sur le terrain et qu’ils jouent leur jeu. C’est là que je suis le plus heureux, quand chaque joueur sur le terrain est à son aise. »
Brandon Ingram | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
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Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
2016-17 | LAL | 79 | 29 | 40.2 | 29.4 | 62.1 | 0.8 | 3.2 | 4.0 | 2.1 | 2.0 | 0.6 | 1.5 | 0.5 | 9.4 |
2017-18 | LAL | 59 | 34 | 47.0 | 39.0 | 68.1 | 1.0 | 4.4 | 5.3 | 3.9 | 2.8 | 0.8 | 2.5 | 0.7 | 16.1 |
2018-19 | LAL | 52 | 34 | 49.7 | 33.0 | 67.5 | 0.8 | 4.3 | 5.1 | 3.0 | 2.9 | 0.5 | 2.5 | 0.6 | 18.3 |
2019-20 ☆ | NOP | 62 | 34 | 46.3 | 39.1 | 85.1 | 0.8 | 5.3 | 6.1 | 4.2 | 2.9 | 1.0 | 3.0 | 0.6 | 23.8 |
2020-21 | NOP | 61 | 34 | 46.6 | 38.1 | 87.8 | 0.6 | 4.3 | 4.9 | 4.9 | 2.0 | 0.7 | 2.5 | 0.6 | 23.8 |
2021-22 | NOP | 55 | 34 | 46.1 | 32.7 | 82.6 | 0.6 | 5.2 | 5.8 | 5.6 | 2.2 | 0.6 | 2.7 | 0.5 | 22.7 |
2022-23 | NOP | 45 | 34 | 48.4 | 39.0 | 88.2 | 0.5 | 5.0 | 5.5 | 5.8 | 2.6 | 0.7 | 3.3 | 0.4 | 24.7 |
2023-24 | NOP | 64 | 33 | 49.2 | 35.5 | 80.1 | 0.7 | 4.4 | 5.1 | 5.7 | 2.3 | 0.8 | 2.5 | 0.6 | 20.8 |
2024-25 | NOP | 18 | 33 | 46.5 | 37.4 | 85.5 | 0.9 | 4.6 | 5.6 | 5.2 | 2.5 | 0.9 | 3.8 | 0.6 | 22.2 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.