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Les blogs de la rédaction

Luka Doncic et les deux Salieri

Par  — 

NBA – Face au génie de Luka Doncic, Mark Cuban et Nico Harrison ont montré deux attitudes très différentes.

Luka Doncic, le Mozart de SalieriLes théories du complot « donnent du sens au non-sens », c’est même leur principale fonction. Que le « trade » de Luka Doncic en génère autant, aussi vite, n’apporte donc qu’une seule certitude : pour beaucoup, ce transfert n’a simplement pas de sens…

Pourtant, à lire les « insiders » texans, dont Marc Stein, sans doute celui qui connait le mieux la franchise et ses arcanes, il y a une logique qui se dégage derrière ce tremblement de terre. « Les décideurs des Mavericks ont décidé de tourner la page Doncic et qu’ils ne voulaient plus tout faire pour le satisfaire » résume-t-il.

C’est que depuis son arrivée en 2018, Mark Cuban avait placé Luka Doncic au centre de tout à Dallas. Et tous ceux qui ne collaient pas avec le Slovène (Rick Carlisle, Haralabos Voulgaris, Kristaps Porzingis…) sont partis, pour entourer le successeur de Dirk Nowitzki de coachs et de joueurs qui s’adaptaient à la fois à son style de jeu, mais aussi à sa personnalité.

Laisser le talent de Mozart s’exprimer ?

Comme l’explique également Jeremias Engelmann, ancien spécialiste des stats avancées de la franchise, tout lui était passé. Mark Cuban tenait son Mozart, et il avait carrément expliqué qu’il divorcerait avant de l’échanger…

Clairement, les nouveaux propriétaires, et le nouveau GM, Nico Harrison, n’étaient pas dans la même logique et ont donc préféré tourner la page, de plus en plus convaincu que l’hygiène de vie pas optimale de Luka Doncic allait finir par poser de trop gros problèmes, son attitude n’en faisant pas un leader capable d’emmener l’équipe vers le titre. Le problème, comme le décrit Jeremias Engelmann, c’est que la bascule est trop brutale pour être compréhensible. Surtout, pour l’ancien employé des Mavericks, on est passé du tout ou rien, même auprès de Luka Doncic.

Jeremias Engelmann dit ainsi que ses modèles statistiques expliquaient qu’on surestimait globalement l’impact de Luka Doncic, et il conseillait depuis des années de l’échanger… notamment afin de récupérer un joueur comme Jayson Tatum. Néanmoins, personne n’était ouvert à l’idée lorsque Mark Cuban prenait les décisions et, surtout, il assure que pendant ses trois ans au sein du club, tout le monde était conscient de ce que les Mavericks mettent désormais en avant pour justifier le transfert : sa condition physique pas optimale (avec son amour pour les glaces), ses plaintes continuelles contre les arbitres ou ses mauvaises habitudes défensives. Sauf que personne n’osait vraiment lui dire quoi que ce soit.

Et donc, après des années à tout lui passer sans jamais réellement le recadrer, les dirigeants de Dallas ont décidé de le mettre à la porte.

Peut-être que Nico Harrison a tout simplement estimé que son « franchise player » ne pouvait pas fondamentalement être changé, et qu’il était donc inutile d’essayer. En y repensant, j’ai eu quelques scènes du superbe film « Amadeus » en tête. Pas seulement parce que j’ai beaucoup comparé Luka Doncic à Mozart.

Le travail plutôt que le génie

Ce sont en effet surtout les scènes où Antonio Salieri se retrouve confronté au génie de Mozart qui me sont revenues. La réalité historique est plus complexe, mais le film de Milos Forman évoque une thématique très intéressante, celle de l’injustice du don.

Grand compositeur et personnalité majeure de la vie musicale viennoise de son époque, Antonio Salieri se retrouve confronté à un Wolfgang Amadeus Mozart désinvolte, au génie musical naturel, supérieur, et donc injuste…

Dans la pièce de théâtre d’Alexandre Pouchkine qui a inspiré le film, Antonio Salieri peste au lever de rideau dans sa chambre. « Tous disent : il n’y a pas de justice sur la terre ; mais il n’y a pas non plus de justice plus haut. Je suis né, moi, avec l’amour de l’art », explique-t-il en substance. « J’ai tout donné à la musique, la travaillant comme un artisan qui place le métier pour base de l’art. Je me réformais lorsque le grand Gluck vint jeter les bases de l’opéra moderne. Et pourtant je suis devenu un misérable envieux. « O ciel ! Où donc est la justice quand le don sacré, le génie immortel n’est pas envoyé en récompense de l’amour brûlant, de l’abnégation, du travail, de la patience, des supplications enfin, mais quand il illumine le front d’un viveur insouciant ! O Mozart ! Mozart ! »

Salieri et son talent acquis ne peuvent avoir qu’une attitude ambivalente face au génie inné de Mozart. D’un côté, il le jalouse, voudrait l’éloigner ou le faire disparaître, afin d’oublier ses propres limites. De l’autre, il ne peut s’empêcher de vouloir l’aider, pour partager au plus grand nombre les merveilles qu’il est capable de produire.

À Dallas, Luka « Mozart » Doncic a donc connu deux Salieri, représentants des deux attitudes face à l’injustice du talent. Le premier, Mark Cuban, qui était prêt à tout lui passer et tout mettre en œuvre pour lui permettre d’exprimer pleinement ce don. Le deuxième, Nico Harrison, qui a estimé que ce don ne suffisait pas, et surtout qu’il ne permettait pas tout.

Le premier, jardinier d’un talent qui le dépasse et qu’il accepte de ne pas totalement comprendre, quitte à en oublier les défauts et les problèmes. Le deuxième, charpentier d’un monde qu’il veut maîtriser et surtout comprendre.

« De l’amour brûlant, de l’abnégation, du travail, de la patience et des supplications » plutôt qu’un « viveur insouciant »

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