On ne peut pas dire que Frank Vogel soit arrivé en terrain conquis à Los Angeles. Après le renvoi de Luke Walton, c’est le jour où Magic Johnson, président démissionnaire, avait accusé le GM du club, Rob Pelinka, de l’avoir « poignardé dans le dos » que le technicien était présenté à la presse. Forcément dans des conditions compliquées.
Plongé au cœur d’un vrai panier de crabes, l’ancien coach des Pacers et du Magic n’était de plus pas le premier choix du club, qui avait proposé le poste à Tyronn Lue et Monty Williams. Il est également arrivé avec un contrat court (trois ans) et avec un salaire plus faible que ce qu’un coach de son expérience peut espérer. Sans compter qu’il n’a pas forcément choisi son staff, Jason Kidd lui ayant été imposé comme bras droit…
Face à toutes ces alertes, beaucoup d’observateurs ont rapidement commencé à prendre les paris sur la durée du mandat de ce coach sympathique mais pas glamour, choisi parce qu’il ne posait pas de problèmes.
Pas un coach à problèmes, mais pas un naïf non plus…
Mais Frank Vogel n’est pas un naïf. C’est un bosseur qui a gagné sa place en NBA sans relation, en travaillant dans les salles vidéo et en grimpant les échelons un à un. Quand il a rencontré Jason Kidd pour la première fois, ESPN raconte qu’il a ainsi longuement interrogé l’ancien meneur sur ses manœuvres en coulisses, lors de ses passages à Brooklyn puis Milwaukee, où il s’était mis à dos les dirigeants, réclamant notamment davantage de pouvoir.
Frank Vogel a surtout gagné le respect de ses troupes petit à petit. Comme d’habitude, il a imposé son calme et lorsqu’il a dessiné son système « Hammer » pour arracher la prolongation lors du cinquième match de la saison, face à Dallas, LeBron James et ses camarades ont compris que quelque chose se mettait en place.
« C’était un moment important des deux côtés », confie Jason Kidd. « Les joueurs ont appris qu’ils pouvaient faire confiance à leur coach, et le coach a appris qu’ils pouvaient faire confiance à ses joueurs ».
Connu pour être toujours positif, Frank Vogel ne critique ainsi jamais publiquement ses joueurs. Ainsi, lorsque Kentavious Caldwell-Pope était en difficulté en début de saison, il ne l’a pas sorti de la rotation, lui renouvelant sa confiance. De quoi booster l’arrière/ailier, qui tourne à 46.6% à 3-points sur les 30 derniers matchs.
LeBron James et Anthony Davis pas épargnés
Mais le technicien a aussi su faire des choix, en titularisant Avery Bradley pour laisser Rajon Rondo avec les remplaçants, en préférant JaVale McGee dans le cinq à la vue de sa bonne présaison, et il a aussi gagné le respect de tout son groupe en mettant LeBron James et Anthony Davis face à leurs responsabilités… et leurs erreurs.
« Il s’en prend à tout le monde : moi, LeBron, tout le monde. Beaucoup d’entraîneurs n’osent pas attaquer leurs superstars, lui le fait », explique ainsi l’intérieur. « Ce qui m’impressionne le plus, c’est que même quand on gagne, il nous responsabilise. Et quand une équipe voit que le coach peut critiquer LeBron ou peut me critiquer, ça fait que les gars le respectent et savent qu’ils devront aussi rendre des comptes ».
Frank Vogel sait néanmoins que son duo de stars a un statut à part, et lorsque l’équipe s’est retrouvée avec deux jours de battement avant le match de Noël face aux Clippers, il a consulté LeBron James et Anthony Davis.
« Je leur ai posé la question ainsi : ‘Hey, j’essaie de me faire une idée sur ce qu’on doit faire. C’est votre équipe, les gars. Je pense que c’est ce qui nous donne la meilleure chance de gagner, mais vous en pensez quoi ? Parce que c’est Noël et je suis flexible’. » Finalement, l’équipe a fait une séance vidéo et un petit entraînement le 23, et une séance très matinale le 24 décembre. De quoi pouvoir passer 24 heures pleines en famille pour Noël.
Avec sa communication avec ses stars, son sérieux mais toujours son côté positif et motivant, Frank Vogel a aidé Los Angeles à récupérer ce dont le club manquait tant depuis des années : de la sérénité. Bien sûr, tout peut très vite basculer, en particulier aux Lakers, mais étant donné les circonstances de son arrivée, c’est déjà un petit exploit.