La précision et la technique d’un côté ; l’agressivité et la puissance de l’autre. Voici ce qu’on pouvait lire il y a quelques décennies avant le combat entre Ray Sugar Leonard et Marvin Hagler, ou plus récemment pour les duels entre Roger Federer et Rafa Nadal. C’est aussi par ces mots qu’on pourrait résumer l’opposition de style entre les Spurs et le Thunder. Bien sûr, j’ai toujours un faible pour le jeu des Spurs, sorte de basket total, où l’individu s’efface derrière le collectif et où l’extra-pass est légion. Mais je reconnais que le Thunder me surprend et m’impressionne par son répondant, et notamment son sursaut physique et mental.
D’abord « physique » car je les pensais cramés après les deux fessées reçues à San Antonio, et deux séries éprouvantes face aux Grizzlies et aux Clippers. Finalement, cette équipe a plusieurs moteurs sous le capot, et n’est efficace que lorsqu’elle joue à 2000 à l’heure. Et pas uniquement en attaque car c’est dans l’agressivité défensive que le Thunder bouscule San Antonio. La belle machine des Spurs s’est enrayée car Westbrook, Ibaka et les autres contestent mouvements et passes. Par moment, je ne reconnais même plus les Spurs, déboussolés par la hargne et l’agression du Thunder. Jamais cette franchise n’a aussi bien porté son nom, et comme en 2012, elle semble physiquement en mesure de dérégler le plus beau collectif de ces trois dernières années. Je pense d’ailleurs que la titularisation de Reggie Jackson, autant que le retour de Serge Ibaka, permettent au Thunder d’agresser d’entrée les Spurs.
Ensuite « mental » car il faut être très fort pour se remettre de deux leçons de basket. On l’a déjà écrit plusieurs fois, le Thunder ne doute jamais, et il faut féliciter Russell Westbrook pour être le symbole de cette confiance en soi. Je persiste à penser qu’il n’est pas un meneur de jeu, mais c’est un foutu basketteur. C’est une pile électrique, toujours en mouvement et en percussion. C’est un hyperactif, et il y a forcément du déchet. Mais quel joueur ! Quel mélange de vitesse et de puissance, de détente et d’agressivité. Westbrook casse les lignes en attaque. Il perfore le premier rideau, créé les brèches, et déstabilise complètement les Spurs. En défense, il harcèle, il bouge les bras, et il coupe les passes. C’est un poison ambulant.
La puissance physique et la solidité mentale (ou vice versa), c’est aussi ce qui caractérise Serge Ibaka. Son retour sur les terrains a complètement changé le visage de la série. Il a mis le doute dans les têtes des Spurs (qui n’avaient jamais cru à sa blessure…), tout en revigorant ses coéquipiers. Avec Ibaka dans ses rangs, le Thunder reste sur 12 victoires en 14 matches, dont 6 de suite en playoffs. C’est comme si les Spurs faisaient un complexe face à lui, et je parle essentiellement en attaque. Avec Ibaka au centre de la raquette, Tony Parker n’est plus le même, et c’est tout le jeu des Spurs qui bafouille. Tim Duncan et Tiago Splitter ne s’écartent pas assez, et Ibaka reste en permanence dans la peinture.
Je crois d’ailleurs que Gregg Popovich devrait changer ses plans, et peut-être associer davantage Duncan avec Boris Diaw, très bon hier. Diaw obligerait Ibaka à jouer au large, et laisserait ainsi de l’espace à Parker. Ce n’est qu’une suggestion mais comme Scott Brooks l’a fait en sacrifiant Thabo Sefolosha, Popovich se doit de réagir tactiquement. Comme un Leonard mené aux points au milieu d’un combat ou un Federer dominé dans son jardin.