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Le roman de l’hiver : « Dream Team » (11)

Depuis deux ans, Basket USA vous propose le roman de l’été (avec des extraits de l’autobiographie de Phil Jackson puis du « Michael Jordan, The Life » de Roland Lazenby), et pour vous accompagner au coin du feu, nous vous proposons désormais le roman de l’hiver. On attaque avec l’ouvrage de référence de Jack McCallum, grande plume de l’hebdomadaire US « Sports Illustrated », sur l’aventure de la « Dream Team » à Barcelone. Une formation de légende qui fêtait en 2017 ses 25 ans. Bonne lecture !

Première partie
Deuxième partie
Troisième partie
Quatrième partie
Cinquième partie
Sixième partie
Septième partie
Huitième partie
Neuvième partie
Dixième partie

En coulisse du « Saturday Night Live », les plus jeunes comédiens de l’émission, dont certains étaient des fans de Michael Jordan depuis leur passage dans la troupe comique Second City de Chicago, se pressaient autour de lui, testant sa capacité à déconner, qui était grande. A un moment, Jordan baissa le pantalon du rondouillard Chris Farley puis se glissa derrière lui pour contrer un tir que Farley tentait sur un petit panier. Quand Dana Carvey manqua une réplique, ce qui fit que Jordan planta aussi la sienne, le pilier de l’émission, Phil Hartman, la massacra du regard. « Reprends-toi, Dana, lui dit Hartman. Michael Jordan est une grande star internationale. Tu n’es qu’une petite actrice comique. » (C’est dur de penser à cette scène sans avoir à l’esprit qu’Hartman et Farley sont morts tous les deux.)

Pourtant, c’était la réalité et dans sa loge exiguë du « Saturday Night Live », Jordan était fatigué et grincheux. L’enregistrement d’une émission débile l’attendait 24 heures plus tard ; ça le tuait de griller ainsi une belle après-midi un vendredi sans jouer au golf. On frappa à la porte et Franken, un membre de la troupe aujourd’hui sénateur junior du Minnesota, entra. Franken était en survêtement, tenait un ballon de basket et quelques feuilles de papier et arborait un sourire niais.

« Euh… Mike, dit Franken. Je t’ai dit que je ne te demanderais pas trop d’autographes mais… » Jordan leva les yeux de la télé qui était dans sa loge et lui demanda : « Mais tu veux que je te signe beaucoup d’autographes, n’est-ce pas, Al ? »

Quand il est parti, Jordan a confessé avoir eu un peu d’appréhension concernant un sketch qu’il devait faire avec Franken dans le rôle de Stuart Smalley, un gourou spirituel complètement incompétent. « C’est un personnage marrant, lui ai-je dit.

– Tu l’aurais aimé », m’a répondu Jordan.

La bombe The Jordan Rules

Je n’ai jamais été sûr de ce qu’il voulait dire par là ; peut-être que c’était un sketch calibré pour les Caucasiens quadragénaires, auxquels j’appartenais à l’époque.

Les répétitions avaient été dures. Les auteurs avaient voulu en faire des tonnes sur le fait que Jordan avait voulu écarter Isiah de l’équipe olympique mais Jordan ne voulait pas. Il avait raté un de ses tirs dans une scène de basket de carnaval, donc les auteurs l’avait coupée (pour moi, ç’aurait été beaucoup plus drôle si Jordan avait joué à contre-emploi en ratant tous ses tirs, mais qui suis-je pour remettre ainsi en question les auteurs des sketches du « Saturday Night Live » ?). Il n’était pas sûr de son texte et était un peu raide quand il donnait ses répliques.

Nous avons parlé pendant un moment et la conversation s’est portée sur le livre à paraître de Sam Smith, « The Jordan Rules ». J’en avais lu des extraits qui avaient été envoyés à « Sports Illustrated ». Il n’était pas tout à fait aussi négatif que Jordan le voyait mais il produisit cependant un certain effet. Il montrait l’esprit de compétition parfois impitoyable de Jordan, exprimé principalement dans une forme de rage envers ses coéquipiers, qui ne savaient jamais exactement comment se comporter avec lui (il donnait aussi des aperçus de sa compassion et dévoilait au grand jour son statut de superstar alpha). « Je sais ce qu’il y a là-dedans, me dit Jordan. Je sais que ce sera très négatif. » Il haussa les épaules mais avait l’air en colère, comme s’il s’agissait d’une croisade continuelle de publicité négative contre lui. Jordan avait été égratigné ici et là mais il avait globalement joui d’une lune de miel de sept ans avec la presse – dix ans si l’on compte ses années à Chapel Hill.

Jordan menace de quitter les Bulls

Dans « The Jordan Rules », Smith a évoqué un moment pendant la saison où Jordan a dit à ses coéquipiers : « Encore cinq ans et je dégage. Je compte les jours sur un calendrier, comme si j’étais en prison. J’en ai assez d’être utilisé par cette organisation, par la Ligue, par les journalistes, par tout le monde. » Et ça, de la part d’un homme qui avait une clause « pour l’amour du basket » écrite dans son premier contrat. Elle lui permettait de jouer des matches informels n’importe où, n’importe quand.

Je n’avais pas connaissance de cette citation à l’époque mais j’avais été frappé ce vendredi après-midi par la conscience qu’avait Jordan de ce qui l’attendait, la rançon de la gloire. Il était heureux, bien sûr, et tenait sa revanche en envoyant un message à tous ceux qui disaient qu’il était juste un soliste qui ne gagnerait jamais de titre. Mais il était également sur ses gardes, il s’était endurci. Il n’était plus ce gamin insouciant qui avait pris d’assaut le monde du sport. C’était inévitable mais cela ne voulait pas dire que ce n’était pas arrivé plus vite que je ne le croyais. Et c’était un peu triste.

En repartant, j’ai frappé à la porte de Franken et je lui ai demandé ce que ça lui faisait d’avoir eu Jordan comme invité. Il a réfléchi un moment et il a dit : « C’était comme avoir Babe Ruth en 1927. »

Chapitre 16 – Le gamin de Spokane et le paria

Isiah envoie un message olympien… et le « Mailman » poursuit avec une livraison spéciale

En 1978, l’année où il s’est rendu à un tournoi de basket de l’AAU à Huntington, en Virginie occidentale, John Stockton était une jeune pousse du lycée catholique Gonzaga Preparatory School, un lycée à classes préparatoires qui forme les élèves en vue de leur faire intégrer une grande université. Stockton n’était pas une star reconnue, même à Spokane, et il confesse aujourd’hui que ses parents ont participé à la collecte de fonds pour l’AAU « seulement parce qu’ils étaient convaincus que ce serait [sa] dernière chance de jouer. »

Stockton, qui deviendrait plus tard le meilleur passeur et intercepteur de NBA et le plus modeste aussi dans ses interviews, adore raconter l’histoire d’une chaîne de télévision de Salt Lake City interviewant un ancien camarade du primaire à l’occasion d’un haut fait sportif avec le Utah Jazz. « Le gars lui a dit : “Stockton n’avait vraiment rien de spécial” », rappelle Stockton.

Durant les dix-huit premières années de sa vie (sans mentionner les derniers chapitres restant à se jouer), le monde de Stockton était circonscrit aux limites de Spokane, une ville où les gens sont terre à terre, une ville où son grand-père paternel, Houston Stockton, était une légende du football américain. Stockton était plutôt petit. Il mesurait 1,65 m en classe de Troisième et environ 1,82 m en Terminale. Ce qui a fait le succès de sa carrière a été ses mains d’une taille hors norme et sa capacité à progresser, hors norme elle aussi. Stockton avait la confiance paisible. Il m’a confié avoir réalisé très tôt que la victoire ne revenait pas toujours au plus grand ni au plus rapide. « Je me disais qu’en jouant juste, on pouvait gagner, m’a expliqué Stockton. Les autres gars, en les voyant, on pouvait penser qu’ils devaient gagner. Mais nous, nous pouvons gagner. »

Isiah Thomas ridiculise John Stockton

Donc, il n’y avait aucune raison qu’il ne puisse pas gagner au tournoi AUU à Huffington. Quand son équipe arriva, Stockton parcourut un programme descriptif du tournoi avec une photo de piètre qualité d’un joueur de l’équipe de Chicago. « Je me suis dit : “Qu’est-ce que ce gars doit être bon !” » Ce gars, Isiah Thomas, qui faisait à peu près la même taille que Stockton, s’avéra être sacrément bon. L’équipe de Washington tint tête à celle de Chicago et d’Isiah pendant trois quart-temps, jusqu’à ce que Isiah décide de prendre le match à son compte. « On les avait pressés assez efficacement et pour moi, c’était comme si Isiah avait tout à coup décidé de faire ce que le coach attendait, me raconta Stockton. Alors, il a tout simplement dribblé au milieu de nous comme si nous n’existions pas. Traverser en dribble, passer… Quelqu’un dunkait. Traverser en dribble, passer… Quelqu’un dunkait. Traverser en dribble… Isiah fait un lay-up. Il nous a tués. Il nous a tués à lui tout seul. Et puis je suis rentré dans ma chambre. D’habitude, j’étais plutôt un gars souriant mais là, j’étais tout renfrogné. Je n’arrivais pas à croire qu’un gars puisse être aussi bon. »

Tous ceux qui ont fait du sport ont en mémoire ce genre d’accomplissement extrême, avoir vu quelqu’un se révéler « à ce point » plus fort que soi. La question est : que faites-vous face à ça ? Ce que fit Stockton fut d’établir un nouveau seuil pour lui-même. Il se devait de devenir aussi bon que des gars comme Isiah Thomas. Il y avait un nouvel univers à conquérir. Les athlètes comme Stockton sont souvent étiquetés comme étant des incarnations du rêve américain. Sous-dimensionnés et sous-évalués, poursuivis par le doute, ils accomplissent de grandes choses dans un sport qui n’a pas été conçu pour eux, leurs dons athlétiques spécifiques extraordinaires (coordination œil-main, endurance, esprit de compétition, équilibre, ambidextrie) n’étant pas nécessairement ceux associés à ce sport.

Le basket a sauvé Isiah

Trop souvent, nous oublions qu’un joueur comme Isiah représente lui aussi le rêve américain et pas seulement la version édulcorée qui nous a été imposée, martelée. Oui, Isiah avait probablement plus de talent naturel que Stockton en termes de vélocité et de détente. Mais il aurait pu mal tourner de bien des façons. Ses chances d’intégrer la NBA étaient tout aussi improbables que celles de Stockton.

Trois frères de Thomas ont cédé aux tentations de la rue. L’un d’entre eux, Gregory, usager de drogue en intraveineuse, est mort du SIDA. Mary, l’héroïque maman d’Isiah, tenait en respect les dealers, les membres des gangs et les voyous de tout poil pour que le plus jeune fils de ses neuf enfants, Isiah Lord, puisse s’en sortir et avoir une vie décente. Isiah a passé des heures tout seul à faire rebondir un ballon de basket sur des caisses de lait en plastique et il faisait 90 minutes de bus de chez lui, dans le West Side de Chicago, pour se rendre à l’école catholique de Westchester, en Illinois, là où les gangs ne venaient pas lui porter atteinte. St. Joseph était à Isiah ce que Gonzaga Prep était à Stockton.

Le style de jeu d’Isiah était à la fois classique et issu de la rue, le mariage parfait de West Side et de St. Joseph, tout comme le jeu de Chris Mullin était le parfait alliage du playground et de la salle de la CYO (Catholic Youth Organization). « Je me suis toujours considéré comme un joueur intelligent, qui pensait avec un coup d’avance, me dit Bill Laimbeer, le plus proche ami de Thomas aux Pistons. C’était la seule chose que j’avais pour y arriver. Mais Isiah était encore un cran au-dessus de moi. Il voyait ce qu’un gars était en train de faire mais dans le même temps, il voyait aussi ce qu’un autre gars allait faire. » Et donc, c’était ironique – pour utiliser un poncif de notre langue – que ces deux figures du rêve am.ricain, ces deux combattants d’un même tournoi AAU en Virginie occidentale, en viennent à être le point de friction majeur des sélections pour la « Dream Team ». Si Isiah n’avait pas été aussi impopulaire parmi les autres joueurs et parmi les membres du comité, il aurait été dans la « Dream Team » et Stockton aurait été laissé de côté. C’est un fait.

Isiah aurait dû être à Barcelone à la place de Stockton

Mon opinion était qu’Isiah méritait d’être dans l’équipe à la place de Stockton et je l’ai écrit dans une colonne pour « Sports Illustrated ». Mais voilà, dans la semaine où cette opinion aurait dû paraître, je couvrais un match à Los Angeles et suis tombé sur Stockton dans une épicerie où nous étions chacun venu chercher un sandwich tard dans la soirée. « John, je ne sais pas si tu lis « Sports Illustrated », si tu y accordes une quelconque importance, lui ai-je dit. Mais je veux que tu saches que j’ai écrit qu’Isiah aurait dû être dans l’équipe olympique. » Je ne pense pas avoir eu le cran de lui dire « à ta place » mais l’intention y était.

« Bien sûr, pas de soucis, dit-il. Beaucoup de gens pensent ça.

– Tu sais combien je respecte ton jeu. C’est juste que… », m’a-t-il dit.

Nous sommes allés nous asseoir et avons mangé. Le 15 novembre 1991, deux mois après qu’Isiah eut découvert qu’il n’était pas l’un des dix premiers choix pour la « Dream Team » et qu’il ne pourrait l’intégrer que par le biais des si dévalorisantes places « d’appoint », le Utah Jazz se déplaça chez les Pistons à Auburn Hills. Laimbeer s’en souvint : « Isiah n’a pas dit un mot avant le match. Il avait ce regard. »

Drapés dans la vengeance, peu de joueurs dans l’histoire du basket ont été plus mortels que Thomas, qui pouvait marquer sur presque n’importe qui quand il avait dédié son esprit à cet objectif, et Stockton n’était qu’un nom de plus sur une longue liste de joueurs qui ne tenaient pas devant Isiah. Thomas se joua de Stockton ce soir-là, marquant 44 points dans la victoire de Detroit et oubliant son rôle de quarterback, déterminé à prouver qu’il appartenait à la « Dream Team ». Des années plus tard, j’ai parlé de cette soirée à Stockton. Voici tout ce qu’il m’en a dit : « Isiah pensait qu’il aurait dû être dans la « Dream Team » et je suppose que j’étais ciblé. » Ce qu’on oublie, c’est que Stockton était sacrément bon lui aussi.

Le jeu de Stockton ? Etre bloqué dans la position du missionnaire pendant 20 ans

Avec 20 points et 12 passes, il remplissait ce que Bill Simmons disait de lui dans un compliment à l’emporte-pièce dans « The Book of Basketball » : « Pour les fans du Jazz, regarder Stockton est comme rester bloqué dans la position du missionnaire pendant vingt ans. Ouais, vous faisiez l’amour régulièrement (en l’occurrence, gagner des matches) mais vous n’aviez pas de quoi vous en vanter auprès de vos amis. » Au cours de leurs carrières, Stockton a en fait plutôt bien joué contre Thomas, comme l’a fait Thomas contre Stockton. Un mois plus tard, Detroit est venu au Salt Palace en Utah, un endroit notoirement hostile pour les équipes rivales. Isiah défia encore Stockton, marquant 6 points très vite. C’est alors que Karl Malone décida qu’il en avait assez vu.

Stockton était comme un septième fils pour le « Mailman » et ils étaient devenus très proches, liés par un respect mutuel et par la conscience qu’ils avaient de se rendre meilleurs l’un, l’autre (ils sont encore très proches aujourd’hui ; Stockton et sa femme, Nada, sont parrains d’une des filles de Malone). Ils étaient durs comme le fer et pour eux, c’était très bien comme ça. Au moment où j’écris ces lignes, Malone est le deuxième joueur ayant commis le plus de fautes dans l’histoire de la NBA (derrière Kareem Abdul-Jabbar) et Stockton est 14e, le seul véritable meneur dans le Top 20 de cette liste (alors que Malone verra sa réputation de brute le suivre jusque dans la tombe – vous n’avez qu’à jeter un coup d’œil à son physique – les générations suivantes ne se souviendront sans doute pas qu’à sa manière, Stockton était considéré comme un dur lui aussi, quelqu’un qui n’avait pas peur d’envoyer un coup de coude ou un coup de genou dans la mêlée.

Des années plus tard, j’ai demandé à Stockton s’il était un joueur méchant. A l’époque, nous nous trouvions bien au-dessus des chutes de Spokane, dans sa ville natale, et je pensais qu’il allait sûrement me rembarrer. « Pas du tout, me répondit-il tout net. Je n’aurais jamais blessé qui que ce soit intentionnellement et en dix-neuf ans, je ne l’ai jamais fait. La seule raison qui a poussé certains à dire ça, c’est qu’ils n’avaient rien d’autre à dire. C’est tout simplement qu’ils pensaient qu’un petit gars comme moi ne pouvait pas avoir posé autant d’écrans d’une quelconque autre façon. »

Malone et Stockton, copains comme cochons

Malone et Stockton avaient des débats amicaux dans le bus de l’équipe, avant et après les matches, tout particulièrement à propos de la chasse. Stockton n’était pas un progressiste acharné mais il ne comprenait pas pourquoi Malone aimait la chasse (la maison de Malone en Louisiane est un paradis pour taxidermiste. Environ une centaine de grosses pièces de gibier empaillées sont accrochées aux murs et au plafond, l’air sévère. Parmi elles se trouve ce qu’il appelle le « grand chelem des mouflons » : le Dall, le Stone, le canadien et le mouflon du désert. Après avoir passé quelques heures en leur compagnie, j’en ai fait des cauchemars, où je me faisais dévorer vivant). Stockton n’approuvait pas non plus cette habitude de Malone de rouler la nuit à moto sur la neige. Il pensait que faire des dérapages au hasard la nuit dans la montagne comportait un trop grand risque.

Ils s’entendaient comme larrons en foire. Un jour que je les raccompagnais à leurs voitures après l’entraînement en Utah, j’ai dit à Stockton : « Eh bien, John, je parie que tu as quelque chose de polémique à me dire, comme d’hab’, non ?

– Pas vraiment, me rétorqua Stockton d’un air pince-sans-rire. C’est juste ce problème d’homosexualité que nous avons dans l’équipe. » Il tourna son menton en direction de Malone. « Et c’est encore pire chez nos joueurs noirs. C’est caract.ristique », fit Malone en éclatant de rire. Jusqu’à leur dernier souffle, Stockton, Malone et l’ancien coach Jerry Sloan représenteront l’essence même du basket du Utah Jazz, même si une vilaine bagarre publique a eu lieu entre le « Mailman » et le patron du Jazz, Greg Miller, fils du précédent propriétaire, feu Larry Miller.

Quoi qu’il en soit, à la fin du premier quart-temps de ce match, Laimbeer posa un écran haut sur Stockton et Isiah s’engouffra dans la raquette côté droit, se faufilant devant le pivot Mark Eaton pour aller au panier. Malone lâcha son vis-à-vis et fit face à Isiah dans la raquette. Il abattit son bras droit en plein sur le visage d’Isiah. Isiah fut balancé dans les airs comme une poupée désarticulée et atterrit sur le sol, du sang plein le visage, « comme un boxeur qui aurait encaissé un direct », commenta en direct le speaker à l’époque. Le hasard avait voulu que le chirurgien orthopédiste soit parti à l’extérieur pour répondre à une urgence ; donc, c’est au podologue du Jazz que revint la tâche d’aider le préparateur physique à s’occuper d’Isiah qui saignait à profusion. Il suggéra de poser une minerve autour du cou d’Isiah et de l’évacuer sur une civière. Mais Laimbeer, son éternel protecteur, ne voulait pas que son pote s’en aille d’une façon aussi dégradante, alors il prit lui-même Isiah dans ses bras, aussi aisément qu’un adulte se serait saisi d’un bébé de 3 ans, et il l’emmena dans les vestiaires.

V comme Vendetta

Malone a été exclu du match. Des années plus tard, je lui ai demandé s’il avait fait exprès de percuter Isiah. « Bien sûr », me répondit-il. « Mais à moins de tenir un scalpel au-dessus d’une table d’opération, on ne peut pas réussir ce genre de coup, d’accord ?

– Ecoute, j’ai essayé de le frapper, me répondit Malone. Je voulais le cogner. Mais si fort que ça ? Non. T’as pas le temps de prévoir ce genre de choses. Mais je l’ai frappé, ça, je le sais. »

Si la victime de Malone avait été quelqu’un d’autre qu’Isiah, la réaction de la Ligue aurait été fortement outrée. Les accusations selon lesquelles Malone était un joueur vicieux n’étaient pas nouvelles ; et la meilleure réaction est venue, bien entendu, de Charles Barkley qui plaisanta en posant la question de ce qui pourrait arriver si Isiah était ajouté à l’effectif de la « Dream Team ». « Je n’ai aucun problème avec le fait qu’Isiah soit dans l’équipe olympique, annonça Barkley, mais il y aura au moins trois gars qui ne seront pas son compagnon de chambrée. Michael et Scottie ne le souhaitent pas et je suppose que maintenant, Karl fait partie du nombre. Je me retrouverai avec lui par défaut. » (L’idée même que ces joueurs partagent leur chambre était en elle-même saugrenue.)

Pour moi, l’élément le plus intéressant suite au travail de bourreau de Malone a été la réaction de Chuck Daly. Dès qu’Isiah est tombé à terre, le coach des Pistons a surgi du banc en rage et s’est rué sur la scène du crime. Il ne jouait pas du tout la comédie – son capitaine était à terre et Chuck était furieux. Mais que pouvait-il faire ? Tomber la veste de son costume et défier Malone à la bagarre ? S’en prendre à son homologue Jerry Sloan, ancien bagarreur notoire ? Pour finir, Daly est sorti de ses gonds de la manière consacrée « Je veux frapper quelqu’un mais je ne sais pas qui » que nous avons vue maintes et maintes fois chez les coaches.

Le coup de fil mémorable de Thomas à Stockton Père

C’est peut-être parce qu’il était si sensible à la situation d’Isiah et aussi parce qu’il le respectait en tant que joueur que Stockton n’a jamais rien dit, de près ou de loin, de négatif à son propos (encore une fois, le « Grand Taiseux » John ne s’épanchait pas beaucoup de toute façon). Et Thomas, pour sa part, n’a jamais épinglé Stockton. Il ne fait aucun doute qu’Isiah se considérait comme supérieur à Stockton mais il n’a jamais dénigré le meneur du Jazz. « Dream Team » a été terminée, Isiah a passé un coup de fil au Jack and Dan’s Bar and Grill à Spokane et il a demandé à parler au propriétaire. « Je veux juste que vous sachiez, M. Stockton, dit Isiah à Jack, le père de John, que tout ce que j’ai eu à dire sur la « Dream Team » n’avait rien à voir avec votre fils. C’est un grand joueur. » Ni Stockton, ni son père n’ont jamais oublié ce coup de fil. Et quand Stockton a été intronisé au Hall of Fame en 2009, il a demandé à Isiah de venir le représenter à ses côtés sur scène. C’était peut-être du théâtre à 50% mais c’était honnête à 50%.

Quand Daly a été interrogé après le match sur la faute de Malone, il a utilisé la langue de bois habituelle. Il devait soutenir son capitaine et sa star mais il n’avait rien à gagner à descendre en flammes un joueur qu’il aurait à coacher à Barcelone. « On me demande si c’était une faute antisportive et Isiah a eu 40 points de suture, 15 à l’intérieur et 25 à l’extérieur, r.pondit Chuck. Les responsables de la Ligue détermineront la gravité de ce geste. »

Avant que Chuck meure (1), je n’ai jamais eu l’opportunité de lui demander, après des années de réflexion, s’il regrettait de ne pas avoir plaidé la cause d’Isiah concernant la « Dream Team ». Je sais qu’il était torturé par ça à l’époque, même si « c’était dur… Vraiment dur… Je le voulais vraiment mais… » a été à peu près tout ce que j’ai réussi à obtenir de lui. Mais quand je l’ai vu se précipiter au chevet d’Isiah tout ensanglanté, je me suis demandé : regrettait-il à ce moment-là de ne pas avoir insisté davantage pour intégrer ce garçon complexe de Chicago, cette baguette magique qui lui avait donné deux titres et tant de souvenirs merveilleux ?

1. Le 9 mai 2009, à 78 ans.

A suivre…

– Jack McCallum, « Dream Team », éditions Talent Sport, sorti le 8 juin 2016, 396 pages, 22 euros et 13,99 en format numérique (Kindle)

A lire aussi, chez le même éditeur

– Phil Jackson, « Un coach, onze titres NBA », sorti le 14 mai 2014, 352 pages, 22 euros et 13,99 en format numérique (Kindle)

– Roland Lazenby, « Michael Jordan, The Life », sorti le 17 juin 2015, 726 pages, 24 euros et 13,99 en format numérique (Kindle)

– Kent Babb, « Allen Iverson, not a game », sorti le 9 novembre 2016, 322 pages, 22 euros et 13,99 en format numérique (Kindle)

– Jackie MacMullan, « Magic-Bird, quand le jeu était à nous », sorti le 31 mai 2017, 352 pages, 22 euros et 13,99 en format numérique (Kindle)

TALENT SPORT

https://www.talentsport.fr

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