Depuis deux ans, Basket USA vous propose le roman de l’été (avec des extraits de l’autobiographie de Phil Jackson puis du « Michael Jordan, The Life » de Roland Lazenby), et pour vous accompagner au coin du feu, nous vous proposons désormais le roman de l’hiver. On attaque avec l’ouvrage de référence de Jack McCallum, grande plume de l’hebdomadaire US « Sports Illustrated », sur l’aventure de la « Dream Team » à Barcelone. Une formation de légende qui fêtait en 2017 ses 25 ans. Bonne lecture !
Première partie
Deuxième partie
Troisième partie
Quatrième partie
Cinquième partie
Sixième partie
Septième partie
Par conséquent, le campus de Central Arkansas pendant l’ère Scottie Pippen n’était pas un lieu d’escale et d’observation pour les recruteurs de NBA, sauf un : le general manager des Bulls Jerry Krause. Il avait vu Pippen et il voulait tenir cette information secrète. « Jerry était comme un petit cambrioleur avec moi, me raconta Pippen, en riant à l’évocation de se souvenir. Tout se faisait dans le plus grand secret. Il ne voulait pas quiconque sache qu’il savait que j’existais. »
Ce qui était au départ une simple curiosité devint une obsession après qu’il eut brillé dans des camps d’intersaison, la principale voie d’accès à des essais pour des postes en NBA pour des inconnus et des joueurs en quête d’une seconde chance. Que la culture du secret de Krause se soit avérée nécessaire ou non dans ce cas est une question d’opinion mais l’arrangement qu’il monta pour obtenir Pippen en 5e position de la draft 1987, en échangeant son choix avec les Seattle SuperSonics (qui choisirent Olden Polynice), reste l’un des coups de bluff les plus réussis lors d’une draft. De nos jours, des vidéos de Pippen inonderaient YouTube avant la draft avec la mention : « Un nouveau Magic sort d’une obscure université de la NAIA ! » « Central Arkansas assurée de gagner le gros à la loterie ! » Krause n’aurait pas pu se garder Scottie pour lui.
Ces joueurs souffrant de migraines débilitantes
Plus de 22 ans après, on se souvient encore de ce match comme le « Migraine Game ». Kareem Abdul-Jabbar et Maurice Cheeks figuraient parmi les joueurs de NBA souffrant de migraines débilitantes mais Pippen, qui n’en a jamais eu d’autre, est celui qui reste le plus associé au mot « migraine ». Dans ce tristement célèbre Match 7 en 1990, Pippen a joué 42 minutes, ce qui est le chiffre statistique le plus hallucinant sachant qu’il a révélé ensuite qu’à certains moments, il avait du mal à distinguer ses coéquipiers de ses adversaires. Il a tenté 10 tirs et n’en a réussi qu’un seul, n’a pris que 4 rebonds, a réalisé 2 passes et fait une interception. Les Bulls ont perdu 93-74 et plus tard, dans le vestiaire, Pippen s’est effondré en larmes.
Mais des décombres de ce match, les Bulls ont rejailli et Pippen tout particulièrement. Scottie a eu ce moment de grâce dans la saison 1991-92 où tout lui souriait, où il a su se positionner, en tant que coéquipier de Jordan : prendre les tirs quand Jordan n’était pas dedans, jouer les distributeurs quand Michael était chaud, et toujours – toujours – faire le boulot défensif ingrat. Ils étaient si bons ensemble qu’il était difficile de se souvenir qu’ils n’avaient pas toujours été cette combinaison organique si soudée et si dévastatrice. Quelques mois seulement après le « Migraine Game », sur le sol fertile de la nouvelle saison, les Bulls prendraient le chemin qui les mènerait à leur premier titre NBA et quelques mois après ça, Scottie Pippen se ferait chambrer comme étant l’un des plus brillants « faire-valoir » de la plus grande équipe de basket de tous les temps. Pas mal pour quelqu’un qui effectuait son travail dans l’ombre.
Interlude, 2011 – L’Homme de l’ombre
Michael a emporté beaucoup de choses avec lui
Fort Lauderdale, Floride
Scottie Pippen traverse le hall de l’hôtel. Le buste droit, le port noble, le profil romain. Si Michael Jordan a cette façon de marcher, ce déhanché sur la pointe des pieds des anciens sportifs, Pippen se déplace avec l’aisance, la grâce majestueuse d’un patricien. Depuis qu’il a pris sa retraite en 2004, Pippen a parfois fait la une des journaux pour des affaires peu glorieuses. Il n’a pas été content quand sa femme, Larsa, a signé comme permanente dans la série « Real Housewives of Miami », même si ce programme annonçait au monde entier – ou du moins à ceux qui écoutaient ses ménagères faire leurs commérages – que Pippen avait été choisi pour être intronisé au Naismith Memorial Basketball Hall of Fame. Je suis toujours en train de vérifier mais je suis quasi sûr que c’est une première pour une superstar de NBA.
Pippen a eu des problèmes financiers récurrents et un « vide-grenier » tenu dans sa villa de banlieue, près de la salle d’entraînement des Bulls, faisait quotidiennement les choux gras de la presse chicagoane à l’époque (« Des boîtes entières d’oursons en peluche ! », relevait un article). Cela explique pourquoi Pippen a terminé sa carrière non pas à Houston, où il a joué (et où il s’est embrouillé) avec Charles Barkley pendant une saison, non pas à Portland, où il a joué quatre saisons, et pas plus à Chicago, où il est retourné de manière peu judicieuse jouer 23 matches (alerte karmique : c’est le numéro de Jordan) en 2004, mais à Helsinki, en Finlande, en 2008, où il a évolué pour une équipe appelée ToPo. Je dois vérifier mais je suis quasi sûr que c’est aussi une première pour une superstar de NBA. « Oui, certains problèmes demeurent, concède Pippen. Mais je ne travaille pas et je conduis une Rolls, OK ? Ce sont des choses que je ne maîtrisais pas, c’était pas ma faute. »
Pippen ruiné par des investissements foireux
Pippen semble se conforter dans l’attitude typique du sportif de haut niveau : le gamin qui est parti de rien et dont l’argent qu’il a fini par gagner lui brûle les doigts. Cependant, cela ne correspond pas exactement à Pippen qui, très tôt dans sa carrière, se souciait de l’argent et disait : « Vous ne trouverez pas un gars plus soucieux que moi de conserver son argent. » C’est évidemment exagéré. Mais ce qui lui a coûté des millions à la fin de sa carrière est une combinaison d’investissements personnels peu judicieux et de mauvais conseils d’investisseurs, pas une orgie délibérée de dépenses somptuaires. Il est vrai que cette distinction ne change cependant rien à l’affaire.
En tout cas, lors de la postseason 2011, Pippen avait de nouveau du travail comme consultant pour Comcast SportsNet Chicago, où il a annoncé que LeBron James pourrait être « le plus grand joueur de basket de tous les temps ». Cela a soulevé un tollé prévisible parce que cela semblait dénigrer Jordan (quand j’ai posé cette question à Michael à l’été 2011, il a simplement hoché la tête et dit : « Jalousie »). Pippen a ensuite fait machine arrière mais honnêtement, je ne pense pas que ce qu’il a dit en se rétractant était si différent de ce qu’il avait dit en première intention – que James « pourrait » un jour dépasser Jordan. Il se trouve que je ne suis pas d’accord mais un homme a le droit d’avoir son opinion, quelle qu’elle soit.
Ainsi en est-il de l’Homme de l’ombre. Depuis 1987 et son arrivée à Chicago, Pippen n’avait pas eu beaucoup d’occasions de découvrir la réalité en dehors de cette force à l’énergie dévorante qu’est et était Jordan. A travers les années, j’ai dû avoir trois cents conversations avec les coaches, les GM et d’autres joueurs sur Scottie Pippen et honnêtement, je me demande si l’un d’entre eux n’a pas fait mention de Jordan. Voici ce que Chris Mullin m’a dit quand nous avons parlé de Pippen : « Je ne vais pas te dire que Michael l’a « fabriqué ». Ce serait trop fort, car Scottie avait beaucoup de jeu. Mais si Scottie avait joué avec un autre gars… Je ne suis pas sûr que ce ne sont pas seulement ses qualités qui n’auraient pas émergé mais aussi sa volonté. » Et donc, ma conversation avec l’Homme de l’ombre a inévitablement dévié sur le fait d’avoir été le coéquipier de Jordan.
« Michael faisait son Kobe… »
« Pour moi, notre équipe a toujours été une alchimie, m’a dit Pippen en remuant ses œufs brouillés. Et nous ne pouvions pas développer notre alchimie à cause de Michael. Il ne faisait pas confiance à ses coéquipiers. C’était dur pour nous. Nous nous faisions accuser de rester plantés là, à regarder, parce qu’il faisait son… Kobe » (il mime la colère visible envers ses coéquipiers, comme Kobe Bryant (1) le faisait souvent envers ses coéquipiers des Lakers). Quand Phil [Jackson] est arrivé, ça a fait toute la différence pour Michael. Phil l’a convaincu de croire en ses coéquipiers et je pense que j’ai été le premier en qui Michael a vraiment eu confiance. On n’avait plus à s’inquiéter de voir Michael débarquer et jouer en un-contre-cinq. On pouvait tout simplement jouer. Mais bon, il y avait beaucoup de pression sur Michael, évidemment. Cela tournait toujours bien pour Michael. Gagner, perdre ou faire jeu égal. Il avait le beau rôle et faisait les gros titres quoi qu’il arrive – “Jordan marque 35 ou 40 points ou peu importe combien et l’équipe ne le suit pas. Michael a fait ceci et l’équipe n’a pas fait cela.” C’est comme ça que ça s’est passé pendant longtemps. Mais peu importe. Les plus grands ont tendance à ne pas admettre que des choses ont pu se produire par leur faute. Et il pouvait dire : “On allait prendre 25 pions, alors j’ai fait ce que j’avais à faire.” »
Et au final, après avoir fait le tour de tout ça, je lui demande : « Es-tu heureux d’avoir joué avec Michael Jordan ?
– Bien sûr que je suis heureux d’avoir joué avec lui. Mais j’ai dû trouver la façon de jouer avec lui. Tu dois comprendre que Michael était un scoreur. Il avait la volonté de marquer et il avait joué pendant trois ans dans cette Ligue sans moi. Il savait ce qu’il pouvait réaliser sans moi. Défensivement, on l’a fait ensemble. Il ne peut pas s’en attribuer tout le mérite et je ne peux pas m’en attribuer tout le mérite. En 1991 [dans les Finales NBA contre les Lakers], j’ai eu de la reconnaissance pour avoir défendu sur Magic Johnson mais Michael a défendu sur lui également. On a muselé Magic tous les deux. Tu vois, on avait une bonne alchimie défensive. Il y avait des zones sur le terrain où on savait qu’on allait trapper. On n’en parlait même pas. On les laissait passer le demi-terrain et on les attendait dans le coin. Ou sur les remises en jeu, si un gars recevait le ballon à un endroit donné, on savait qu’on allait l’enfermer. Ou bien en tête de raquette, Michael arrêtait son vis-à-vis, j’arrivais et on le prenait à deux à cet endroit. On était toujours en osmose pour faire des prises à deux sur le porteur. »
L’arbitre voulait les pompes de Michael. A partir de là…
Donc, je lui demande : « Lequel de vous deux était le meilleur défenseur ? » Pippen sourit et répond : « Eh bien, je suppose que tout le monde dira que c’était Michael.
– Mais qu’en pense Pippen ?
– Eh bien, Michael a emporté beaucoup de choses avec lui, me répond Pippen. Disons qu’il était l’icône du basket pour le monde entier. Et souviens-toi, cela signifie que les coaches adverses, les arbitres, les marqueurs à la table, « tout le monde » était en admiration devant Michael Jordan. Il n’y a jamais eu un autre joueur comme ça dans le sport professionnel. Je veux dire, les arbitres venaient me dire : “Demande à Michael si je pourrais avoir ses chaussures après le match.” Tu réalises ? Tout ça faisait une grande différence. Michael va dans la raquette, il boule Joe Dumars et lui vole le ballon. Quoi ? Joe Dumars se fait siffler la faute ? Personne ne voulait les pompes de Dumars après le match. » (Oh, purée, ce que les Pistons de l’ère « Bad Boys » n’auraient pas donné pour entendre ce que vient de dire Scottie vingt ans plus tard !)
« Mais bon, il y avait beaucoup d’aspects très positifs au fait de jouer avec lui. Ils jouaient en notre faveur ainsi qu’en faveur de Michael. » Quand Pippen a été intronisé au Hall of Fame en 2010, il a demandé à Jordan d’être présent à ses côtés à la tribune. Scottie est le joueur le plus émotionnel que j’aie jamais vu là-bas, vraiment bouleversé, et il était extrêmement reconnaissant envers Jordan. C’était dur de jouer dans l’ombre de Jordan mais au plus profond de lui-même, je pense qu’il comprend combien ça l’a aidé. Je sais aussi qu’il a été extrêmement touché quand, alors que je l’accompagnais à sa voiture, un homme a regardé dans sa direction et a dit : « Hey, c’est Scottie Pippen ! Sans Scottie, pas de bagues pour M.J. »
Chapitre 12 – Le Coach
Un homme compétent et avec du style
Quelques minutes avant l’entre-deux d’un match de postseason au Palace d’Auburn Hills, dans la banlieue de Detroit, en 1990, le coach des Pistons Chuck Daly s’est penché vers nous, moi et mon voisin au bord du terrain, David Dupree du quotidien « USA Today », pour nous délivrer quelques mots porteurs de sagesse. Nous l’avons écouté attentivement – peut-être s’agirait-il d’une révélation stratégique que nous pourrions utiliser plus tard.
« Vous voyez la fine rayure dorée sur ce costume ? nous a dit Chuck. Vous avez noté avec quelle perfection elle s’accorde avec ma cravate ? » En résumé, voilà pourquoi Charles Jerome Daly s’est vu attribuer le poste de coach de la « Dream Team ».
Daly n’était pas sérieux, bien entendu. Oh, il était très attentif à sa garde-robe – « Personne n’a jamais eu l’air ridicule dans un costume bleu », m’a-t-il dit un jour, me dévoilant d’une voix sobre l’une de ses règles de vie, à la façon dont mon père me conseillait de boire l’alcool pur, en me disant : « Ce sont ces additifs pleins de sucre qui te tueront » – mais Daly s’amusait de sa propre obsession concernant celle-ci, sans parler du fait que cela lui permettait d’évacuer un peu de pression. Essayez d’imaginer, disons Bill Belichick (2), se comportant de cette façon avant un match de playoffs ; vraiment, essayez d’imaginer Bill Belichick faisant remarquer que les rayures de son costume s’accordent avec sa cravate.
« Coach K » aurait aimé aller à Barcelone
L’idée d’avoir un gars du basket universitaire comme coach de l’équipe de 1992 ne s’est pas imposée sans heurts. Mike Krzyzewski, qui aurait très certainement pu être ce coach, a dit qu’il avait accepté cette décision aussitôt, tandis que d’autres ont dit que son opinion était la plus discordante, défendant la nécessité de nommer un coach universitaire à la tête de l’équipe olympique. Quelle que soit la bonne version, son opinion méritait d’être entendue… et était vouée à l’échec, du fait que le comité de sélection était en cheville avec les general managers de la NBA.
Daly n’était pas le numéro 1 de tout le monde. Très tôt, Don Nelson s’était porté candidat pour le poste et les noms de deux suspects prévisibles, Pat Riley et Larry Brown, circulaient déjà. C’est Billy Cunningham, l’un des membres du comité, qui, le premier, a mentionné le coach de Detroit. Daly avait été son assistant quand les Philadelphia 76ers avaient gagné le titre NBA en 1983. A ce moment-là, Daly venait de réaliser un sweep face aux Lakers dans les Finales NBA 1989 et il s’apprêtait à en réaliser quasiment un second (4-1) face aux Portland Trail Blazers, dans les Finales 1990, avant que le comité ne prenne sa décision. Daly avait été coach en lycée, en université (à Penn State, l’université d’Etat de Pennsylvanie où, pendant six ans, dans les années 1970, il avait dominé l’Ivy League, en concurrence avec Princeton) et en NBA. Et, chose plus importante encore, Daly n’avait pas d’ennemis.
Peut-être cela avait-il à voir avec le fait que Daly avait éclos sur le tard et qu’il avait clairement fait ses preuves. Il avait déjà 48 ans quand il avait pris son premier poste en NBA, en tant qu’assistant de Cunningham. Il avait 51 ans quand il avait obtenu son premier poste de coach (aux Cleveland Cavaliers), 51 encore quand il s’était fait virer pour la première fois (des Cavs), 53 quand il s’était fait embaucher par les Pistons et 58 quand il avait remporté son premier titre de champion. Ce n’était pas un prodige et peut-être que ça l’avait rendu conscient que tout pouvait s’arrêter du jour au lendemain. Il n’était pas morose mais il avait un côté sombre qui contrastait avec sa posture : « Personne n’a jamais eu l’air ridicule dans un costume bleu. » Bob Ryan, du « Boston Globe », le doyen des reporters NBA, avait baptisé Daly « le Prince du pessimisme ». Contrairement à Red Auerbach, qui allumait un cigare en signe de victoire dès qu’il sentait que ses Celtics avaient pris le contrôle du match, Daly pouvait avoir 20 points d’avance et continuer de se tracasser en se demandant quelle stratégie à 21 points le coach adverse pouvait avoir en réserve dans sa manche.
Vu son background, Daly ne pouvait pas se prendre au sérieux
Daly était le genre de gars qui avait l’air d’être « quelqu’un », même si on ne savait pas exactement qui. Avec ses costumes sombres et ses cheveux soigneusement coiffés, il semblait sortir tout droit de la comédie musicale « Guys and Dolls », un gars qui était au parfum ou qui connaissait quelqu’un qui était au parfum. Mais il ne s’est jamais perdu dans toute cette superficialité. Il était originaire d’une petite ville appelée Kane, en Pennsylvanie, à environ 160 km au nord-est de Pittsburgh, une terre de neige et de glace. Voici comment était son coach de lycée, C. Stuart Edwards. J’ai appelé Edwards pour un portrait de Daly que je faisais. Après avoir entendu les mots « Sports Illustrated », il grommela « Je ne suis pas intéressé par l’achat de magazines » et il raccrocha. J’ai dû le rappeler deux fois pour l’avoir de nouveau en ligne.
Le premier job de coach de Chuck avait été au lycée de Punxsutawney, une ville plus connue pour sa fête de la marmotte chaque 2 février. Avec de telles racines, il est difficile de se prendre au sérieux et cela explique pourquoi Daly a réussi le tour de force de se présenter successivement en col blanc et en col bleu sans passer pour un poseur. Il avait toutes sortes de réparties bien ciselées, calibrées pour vous séduire. « Vous me devez de l’argent ? », avait-il l’habitude de dire quand il vous serrait la main pour vous dire bonjour. Il disait du coaching en NBA que c’était comme « avoir affaire à douze entreprises appartenant aux 500 les plus riches du pays ». Il ne se répandait jamais en paroles superflues pendant les temps morts ; quelquefois, il faisait passer son message en ne disant rien du tout. « Vous savez combien les cadres d’entreprise détestent les réunions et disent qu’elles sont inefficaces ? me disait souvent Daly. Eh bien, envisagez ma position. Avant le match, vous vous retrouvez avec l’équipe et c’est une réunion. Chaque temps mort, c’est une réunion. A la fin du quart-temps, une réunion. A la mi-temps, une réunion. Après le match, une réunion. Le lendemain à l’entraînement… » C’était une brillante tirade et ça sonnait vrai.
Un numéro d’équilibriste sur un fil ténu
Daly était resté un personnage populaire malgré le fait que ses physiques Pistons, qui portaient fièrement l’étiquette « Bad Boys », étaient controversés. Chaque soir de coaching, durant tout son mandat avec les Pistons, Daly exécutait un numéro d’équilibriste sur un fil très ténu. Il avait une manière très subtile d’humaniser son équipe haïe. Isiah Thomas a toujours été « Zeke ». Bill Laimbeer a toujours été « Billy ». L’ailier bagarreur Rick Mahorn (un gars charmant et hilarant en dehors des parquets, soit dit en passant) a toujours été « Ricky ». Ajoutez « Vinnie » Johnson, le troisième meneur des Pistons, du style « feu à volonté », et les « Bad Boys » faisaient plus penser à une joyeuse bande de gamins prépubères qu’à l’une des équipes les plus physiques et intimidantes de l’histoire de la NBA.
Même si Daly n’aurait jamais lâché ses joueurs, il s’est, d’une certaine façon, détaché du trouble que les Pistons instauraient sur les parquets. C’était un peu comme s’il était le père manquant d’autorité dans une sitcom, incapable d’empêcher ses fils de semer la pagaille dans la maison, plutôt que l’architecte des « Jordan Rules », une défense renforcée qui doublait, voire triplait sur Jordan, le poussant et lui donnant des coups de coude, même quand il n’avait pas le ballon. « L’ego de Chuck, me dit Rod Thorn, ex-dirigeant de la NBA qui participa aux choix du coach et des membres de la “Dream Team”, n’était pas aussi fort que celui des joueurs de son équipe. »
Bref, Daly n’avait pas de défauts – pour le dire comme Thorn, « il n’avait pas de casseroles » – et à la fin, la décision du comité fut facile. Le jour de la Saint-Valentin, une limousine prit Daly avant un match à Milwaukee et l’emmena à vive allure à l’aéroport O’Hare à Chicago, où on lui apprit qu’il avait été choisi pour être le coach de l’équipe olympique de 1992. Daly répondit qu’il était surpris. Qui sait si c’était vrai ? C’était un joueur de poker de premier ordre. On lui dit également que Lenny Wilkens avait été retenu pour être son assistant et c’était également très bien pour Daly.
A suivre…
1. Il a pris sa retraite à l’issue de la saison 2015-16.
2. Coach des New England Patriots (NFL) au palmarès prestigieux, réputé pour ne jamais sourire. Son équipe disputera le Superbowl 2018 face aux Philadelphie Eagles.
– Jack McCallum, « Dream Team », éditions Talent Sport, sorti le 8 juin 2016, 396 pages, 22 euros et 13,99 en format numérique (Kindle)
A lire aussi, chez le même éditeur
– Phil Jackson, « Un coach, onze titres NBA », sorti le 14 mai 2014, 352 pages, 22 euros et 13,99 en format numérique (Kindle)
– Roland Lazenby, « Michael Jordan, The Life », sorti le 17 juin 2015, 726 pages, 24 euros et 13,99 en format numérique (Kindle)
– Kent Babb, « Allen Iverson, not a game », sorti le 9 novembre 2016, 322 pages, 22 euros et 13,99 en format numérique (Kindle)
– Jackie MacMullan, « Magic-Bird, quand le jeu était à nous », sorti le 31 mai 2017, 352 pages, 22 euros et 13,99 en format numérique (Kindle)
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