La règle des 65 matchs commence sérieusement à agacer les joueurs

« Je trouve que c’est une règle stupide, comme beaucoup de gars de la ligue, mais c’est ce que les propriétaires veulent, donc en tant que joueurs, on doit faire notre boulot et jouer 65 matchs si on le peut ».

Avec son élongation aux ischio-jambiers, Tyrese Haliburton, qui réalisait jusque-là une saison impressionnante, a été rattrapé par la nouvelle règle imposant aux joueurs de disputer au minimum 65 matchs de saison régulière pour pouvoir être éligibles aux différentes distinctions personnelles attribuées en fin d’exercice.

Des dizaines de millions en jeu

A vouloir freiner le « load management » et ainsi contraindre les joueurs à disputer un maximum de matchs saison régulière, la NBA est en train de se mettre plusieurs superstars à dos. Notamment pour une histoire de très gros sous.

Pour le meneur des Pacers qui a signé une prolongation de cinq ans pour 205.9 millions de dollars qui débute cet été, c’est potentiellement une somme de 54 millions de dollars qui pourrait s’évaporer, s’il venait à ne pas être élu dans l’une des trois « All-NBA Teams » en fin d’année. Avec déjà 13 matchs manqués, il dépassera la limite autorisée s’il manque encore cinq matchs, de quoi le faire gamberger jusqu’en avril prochain.

« Je suis humain comme vous, je vais sur internet aussi. Je comprends complètement, et notamment ce qui est en jeu financièrement pour moi aussi. Mais au bout du compte, je dois aussi prendre soin de mon corps du mieux possible et me mettre dans la meilleure situation possible. Je sais qu’il ne me reste pas une tonne de matchs à manquer », a-t-il ajouté.

L’autre principal concerné n’est autre que le MVP en titre de la ligue, Joel Embiid, actuellement touché par une blessure au genou et qui voit planer la même incertitude malgré sa première partie de saison exceptionnelle.

Son remplaçant aux Sixers au poste 5, Paul Reed, a lui exprimé son point de vue sur la question, et la pression supplémentaire que ça pouvait générer chez les superstars de la ligue, au-delà de l’aspect purement financier.

« Je n’ai pas signé pour cette règle des 65 matches. Je ne me souviens pas avoir signé de papiers, vous voyez ce que je veux dire ? » dit-il à la presse. « Je suppose que le syndicat a donné son accord. Ils n’ont probablement pas eu le choix, pour être honnête. Oui, c’est difficile. Cela ajoute beaucoup de pression aux joueurs. Nous en parlions justement. Beaucoup de pression, surtout pour un gars comme Joel Embiid, qui essaie de redevenir MVP. ».

L’argent avant la santé des joueurs

Coéquipier de Joel Embiid et Paul Reed, Kelly Oubre rappelle pour sa part que chaque joueur possède un physique différent, et réagit différemment à la répétition des efforts. Les articulations et les muscles n’ont pas la même résistance selon les joueurs et les profils.

Autant d’éléments et de propos qui viennent contrebalancer la thèse avancée par Joe Dumars selon laquelle il n’y a pas de corrélation entre les blessures et l’enchaînement des matchs.

« Il y a des gens qui lui mettent la pression pour qu’il se force à être exceptionnel alors qu’il pèse plus de 130 kilos et mesure 2,13 m ? C’est comme ça », déplore Kelly Oubre Jr à propos de Joel Embiid. « Cette année, les gens vont vraiment comprendre que, pendant toute sa carrière, il a dû s’assurer que son corps allait bien. C’est comme une voiture de NASCAR. Si les voitures ne fonctionnent pas et que les mécaniciens ne sont pas en mesure de faire le travail avant la course, que peuvent-ils faire ? Les pilotes ne peuvent pas rouler. Il s’agit de notre corps. Notre corps est notre carrosserie et nous devons la traiter avec respect. Il pèse plus de 130 kilos ! Je prie pour qu’il se rétablisse rapidement, pour qu’il puisse revenir et se donner les meilleures chances. Mais en fin de compte, ce n’est pas important. C’est son corps et sa carrière qui sont les plus importants ».

Joel Embiid a-t-il forcé son retour ?

Le risque serait en effet que Joel Embiid revienne plus vite que prévu pour passer au-delà de la limite des 65 matchs, et être éligible à sa succession.

Pour Draymond Green, c’est peut-être ce qui s’est passé lors du retour de Joel Embiid face aux Warriors. Le pivot des Sixers a quitté le terrain après un choc avec Jonathan Kuminga, et son indisponibilité pourrait être plus longue que prévue.

D’après l’intérieur de Golden State, cette règle est tout simplement « une connerie ». « J’ai l’impression que si Joel a joué ce soir, c’est vraiment parce qu’il y a cette règle des 65 matchs à jouer. Ce que j’en pense c’est que c’est une belle connerie de dire que les joueurs ont déjà dû faire face à ces règles avant », a-t-il confié. « À l’arrivée, on a un Joel Embiid qui a joué ce soir et qui force, se retrouve dans une action bizarre avec Jonathan Kuminga qui plonge sur le ballon… Peut-être que ce ne sera pas aussi grave. Mais je ne suis pas trop d’accord avec tout ça. Maintenant, nous avons l’un de nos meilleurs joueurs, le MVP de notre ligue, qui pourrait être blessé pour une longue période de temps, parce qu’il a forcé son retour ».

Autant de voix qui pourraient inciter la NBA à revoir son arsenal de mesures pour « booster » l’intérêt et la participation à la saison régulière. Pour Rick Carlisle, président du syndicat des coachs, la question pourrait revenir rapidement sur la table.

« Ce sera un sujet de débat. Il y a beaucoup de joueurs de haut niveau qui seront proches du seuil. L’autre chose, c’est que lorsque vous arrivez en finale de la NBA Cup, vous jouez un match qui ne compte pas comme un match joué. C’est aussi un sujet de débat sérieux. Nous verrons où tout cela aboutira avec tous ces gars, Tyrese y compris », conclut Rick Carlisle, directement concerné par cette problématique avec son meneur.