Quelques saisons avant de mettre la main sur Dirk Nowitzki et de démarrer une glorieuse décennie, les Mavericks ont touché le fond de la ligue au début des années 1990. Blessures, effectif jeune, choix douteux… Les Texans avaient tous les ingrédients pour se planter et ne gagner que 24 matches… sur deux saisons consécutives en cumulé.
Bilan saison 1992 – 1993
11 victoires – 71 défaites (pourcentage de victoires : 13,4%)
Effectif
Derek Harper, Jim Jackson, Sean Rooks, Terry Davis, Doug Smith, Randy White, Mike Iuzzolino, Tim Legler, Walter Bond, Tracy Moore, Dexter Cambridge…
Rolando Blackman « offert » aux Knicks
« Les Mavericks ne l’ont pas transféré aux Knicks, ils l’ont offert », fulmine un journaliste du Dallas Morning News, fin juin 1992. Au cœur de l’échange entre Dallas et New York : Rolando Blackman. Avec ses 11 saisons avec les Mavs à près de 20 points de moyenne sur la période, le quadruple All-Star a été le visage de la franchise pendant toute la décennie 1980. Cet arrière, certes vieillissant (32 ans), est encore considéré comme l’un des meilleurs shooteurs à mi-distance de la ligue.
Les fans des Mavs ont de quoi rager en le voyant filer à « Big Apple ». Car la seule contrepartie obtenue des Knicks, qui convoitaient la star depuis des mois, est un modeste… 1er tour pour la Draft 1995 (Loren Meyer). Rien d’autre. Les Mavs ont pourtant bien tenté de récupérer le 20e choix (Hubert Davis) de la Draft qui vient d’avoir lieu. Sans succès, les Knicks y tenaient.
Équipe habituée à s’inviter en playoffs durant la décennie précédente, avec même une finale de conférence en 1988, Dallas a sans doute tardé à échanger sa vedette pour répondre à une offre digne de ce nom. Difficile en effet de faire grimper la cote de Blackman avec une équipe qui vient de conclure deux très mauvais exercices (28 puis 22 victoires). La franchise lance ainsi son opération reconstruction en bradant son scoreur pour faire de la place à une star en devenir potentielle, Jim Jackson.
Le rookie vedette Jim Jackson refuse de signer !
Un plan de relance qui fait sens… à condition que l’intéressé veuille bien jouer le jeu. Drafté à la 4e position cette année-là, Jim Jackson, un gros scoreur en provenance d’Ohio State, s’estime moins bien traité financièrement que les autres haut choix de Draft, Shaquille O’Neal, Alonzo Mourning ou Christian Laettner, sélectionnés avant lui.
En décembre, après plus d’un mois de compétition, il n’a toujours pas foulé un parquet et le dit sans détour : « Je ne jouerai en aucun cas, ni à aucun moment, avec les Dallas Mavericks. »
À l’instar d’autres compagnons de draft comme Doug Christie ou Jon Barry (tous les deux transférés, rookies, sans avoir joué pour l’équipe qui les a choisis), Jim Jackson bataille pour obtenir le meilleur contrat possible. Les Mavs lui proposent quatre ans, moyennant 11 millions de dollars mais l’arrière veut deux années de plus pour au moins 21 millions au total, en se calquant sur les contrats de ses homologues. « Je ne lui reproche pas d’être frustré », tente de tempérer le GM, Norm Sonju, alors que son rookie exigeant assure s’être réinscrit dans son ancienne fac, où il est resté trois ans, dans l’optique de se représenter à la Draft !
« Tu sais Jimmy, je ne crois pas qu’on devrait mettre autant d’argent sur un arrière parce que ça n’a pas vraiment fonctionné avec Randy White et Doug Smith », lui lâche lors d’une entrevue Donald Carter, le propriétaire, en référence aux deux précédents « top picks » des Mavs. « Ce n’est pas de ma faute si ça n’a pas fonctionné pour eux, » rétorque Jim Jackson. « Je ne vais pas prendre moins que ma valeur marchande […] parce que je sais que si je me rabaisse, cela va me suivre toute ma carrière. Donc je vais retourner à l’université. »
L’espoir Roy Tarpley ravagé par la cocaïne
Coach Richie Adubato et les Mavs doivent démarrer leur saison sans lui. Tout en étant également privés de Fat Lever qui, à cause des blessures, ne peut pas confirmer pas ses belles dispositions aperçues à Denver depuis son arrivée dans le Texas, deux ans plus tôt. Son genou en vrac, il doit faire l’impasse sur toute cette saison 1992-1993.
Idem pour Roy Tarpley, mais pas pour les mêmes raisons. Dallas a pu voir en ce jeune pivot à fort potentiel, sixième homme de l’année en 1988, l’homme autour duquel il fallait bâtir. Mais ses addictions à l’alcool et à la cocaïne ont eu raison de lui : la ligue l’a suspendu un an plus tôt. Après une virée européenne, il parviendra à revenir à Dallas quelques années plus tard avant d’être à nouveau banni pour les mêmes raisons, à vie cette fois…
Au cœur de ce contexte pour le moins contrasté, Derek Harper, très convoité lui aussi lors de l’intersaison, fait figure de dernier des Mohicans. Avec ses neuf saisons dans la ligue, ce Mav de toujours est de loin le plus capé d’un effectif qui va compter jusqu’à 13 rookies et joueurs en deuxième année. Le meneur, lui-même condamné à l’infirmerie à une vingtaine de reprises durant la saison, ne peut pas jouer au héros solo.
Dallas déraille complétement. À mi-championnat en janvier 1993, l’équipe compte 3 victoires pour 38 défaites. Ce mois-là, Derek Harper, à qui Sports Illustrated décerne le titre de « joueur le moins envié » de la ligue, intervient dans un lycée local. Là, devant plusieurs centaines de jeunes, il lâche : « Je connais d’avance votre question : quand les Mavericks vont-ils gagner leur prochain match, n’est-ce pas ? »
Ces lycéens locaux ont sans doute davantage la tête au football américain à cette époque car les Cowboys de Dallas sont en route pour leur dynastie, en réalisant notamment le doublé au Super Bowl, en 1993 et 1994.
« La lumière au bout du tunnel » ? Les progrès de Sean Rooks…
« Les choses vont mal pour les Mavs, » écrit le magazine américain, sans manquer de mordant. « À tel point que quelques fans courageux, dans une Reunion Arena à moitié remplie (les ventes d’abonnement ont chuté à 9 800 cette saison, le plus bas depuis 1983-84), se sont mis à porter des sacs sur la tête et à brandir des pancartes ‘Meilleure équipe CBA (ndlr : ligue mineure américaine disparue) de NBA’. À tel point qu’Adubato affirme que les progrès du pivot rookie Sean Rooks, qui n’est pas Shaquille O’Neal, sont ‘la lumière au bout du tunnel’. »
C’est dire… Aux côtés de Rooks et Harper dans le cinq, on compte le « bide » Doug Smith (6e choix de la draft 1991), Walter Bond, drafté au 6e tour de cette fameuse CBA, ou encore Terry Davis, le père d’Ed, qui profite de l’occasion pour soigner ses plus belles lignes de statistiques en carrière. « Nous sommes dans la catégorie poids lourd avec des poids plume, » formule Adubato. « Le retour à la maison n’est jamais agréable. Je n’ai jamais, jamais perdu autant. Vous savez quoi ? J’ai l’impression que je perds lentement mes cheveux à cause de ça. »
Ce dernier peut désormais prendre soin de son cuir chevelu puisqu’il est remplacé à mi-parcours par son assistant Gar Heard. Et comme une « bonne » nouvelle vient toujours accompagnée, le dossier Jim Jackson fini enfin par se débloquer ! Le rookie fait céder Dallas : il obtient son contrat sur six ans.
Les grands débuts de Jimmy Jackson… en mars
Scènes d’embrassades et de joie du côté des dirigeants des Mavs. Mais comme il le raconte des années plus tard, Jim Jackson voit surtout chez eux du soulagement, avec cette issue heureuse quant au recours judiciaire qu’il a lancé plus tôt à l’encontre de la franchise et de la ligue. L’arrière accusait David Stern de « collusion » pour avoir appelé à cesser de proposer des contrats juteux et longue durée aux rookies.
Jim Jackson démarre sa saison début mars, sans faire de miracle malgré ses qualités d’attaquant. Son équipe est au cœur d’une série de 19 défaites de rang. Avec ce bilan de 57 défaites en 61 matches, on imagine mal Dallas ne pas terminer dans les livres d’histoire. D’autant que les Mavs ne font pas semblant lorsqu’ils s’inclinent cette saison. Quelques jours après Noël, les Kings leur collent… 58 points (139-81). Une « démolition », qualifiait récemment l’actuel propriétaire Mark Cuban en consacrant un chapitre à ces mauvais souvenirs dans un livre dédié aux fans.
Tout au long de la saison, Dallas s’incline avec un écart moyen d’environ 15 points, du jamais vu dans la ligue. C’est suffisant pour que certains historiens, indépendamment du bilan final, considère cette équipe comme la pire de l’histoire. Les Mavs parviennent malgré tout à sauver « l’honneur » en remportant 6 de leurs 20 dernières rencontres, dont deux de suite pour finir l’année.
Pas de « losers » en NBA
Mark Cuban garde encore parfaitement le souvenir de cette victoire face à Minnesota : « J’étais en déplacement pour ma boîte. Je me souviens m’être installé à l’hôtel-bar pour suivre le match, j’étais devenu fou. » De joie, de voir son équipe de cœur atteindre la barre symbolique des 10 succès, avant d’en remporter un 11e match.
La fin d’un cauchemar dont les protagonistes ont tout de même tiré du positif. « Quand on traverse une telle épreuve, on grandit ensemble. Pour éviter de pleurer, nous avons beaucoup ri dans cette équipe, » se souvient Derek Harper des années après. « Nous avons fait preuve de beaucoup de résilience et de caractère cette saison-là. Je pense toujours que cela m’aide aujourd’hui. »
« Je parle de cette saison en permanence, » abonde Walter Bond, reconverti en conférencier en motivation après sa modeste carrière NBA. « Beaucoup de gens se moquaient de nous ou nous traitaient de losers, mais ils n’ont pas saisi. Chacun d’entre nous a travaillé dur pour atteindre la NBA. Il n’y a pas de losers là-bas. Être dans cette équipe et vivre cette saison, je crois que ça a changé ma vie. »
Promesse de jours meilleurs avec Jamal Mashburn puis Jason Kidd
Juin 1993. « On va gagner à Dallas ! », veut promettre Jamal Mashburn le soir de sa Draft, alors que les journalistes lui souhaitent « bonne chance », sourire en coin. Sélectionné à la 4e position, l’ailier doit incarner l’avenir de la franchise avec Jim Jackson. Mais son arrivée n’engendre là non plus pas d’effet spectaculaire en termes de résultats.
« On parle de jeunes, des gars inexpérimentés, nous n’étions tout simplement pas assez bons pour gagner des matchs », commentera Derek Harper. À l’époque, ce dernier ne cache plus sa lassitude de perdre, la tension monte avec le nouveau coach, Quinn Buckner, qui ne le considère pas comme un meneur de jeu. Le vétéran obtient finalement son bon de sortie, en janvier 1994, vers les Knicks, comme Rolando Blackman avant lui. Et Dallas galère pour améliorer son bilan précédent avec 13 petites victoires.
Dallas obtient un nouveau « top pick » l’année suivante avec Jason Kidd, mais jamais le trio Jackson – Mashburn – Kidd ne parviendra à se qualifier en playoffs.
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