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Roman de l’été : « Allen Iverson, Not A Game » (8)

C’est désormais une tradition sur Basket USA : chaque été et chaque hiver, nous vous proposons la lecture d’extraits d’un livre en rapport avec le basket américain.
Pour cette intersaison 2018 – et après le triptyque Phil Jackson/Michael Jordan/Dream Team, Basket USA feuillette « Allen Iverson, Not A Game », la biographie que Kent Babb a consacrée au génial arrière de Philadelphie MVP de la Ligue en 2001.
On prévient ses fans : ça dépote, car ce bouquin évoque sans fard les épisodes glorieux comme les périodes plus sombres. Bonne lecture !

Première partie

Deuxième partie

Troisième partie

Quatrième partie

Cinquième partie

Sixième partie

Septième partie

John Thompson était parfait, pensait Ann en elle-même, tandis qu’Iverson était consigné à la ferme publique de Newport News. Elle avait rendu visite à son fils en octobre 1993. Elle l’avait entendu décrire comment il passait le temps. Le directeur était bien, lui a-t-il dit, et il étudiait de manière à pouvoir reprendre l’école dès qu’il serait libéré ; il se remettrait ainsi sur de bons rails. Il pensait jouer au basket dans une petite université ou bien à la maison, à l’université d’Hampton, vu que c’était la seule fac qui n’avait pas rejeté sa candidature.

Maintenant âgé de 18 ans, il a signé une procuration à sa mère pour qu’elle puisse prendre les décisions importantes le concernant – un élément qui poserait des problèmes par la suite – et sa première décision a été de l’arracher d’Hampton, de l’éloigner de cette vie et de ces vices qui, pensait-elle, l’avaient envoyé direct derrière les barreaux. Son fils avait besoin de Thompson. Plus que ça, il avait besoin de la discipline et de l’encadrement de Thompson.
Alors, de retour à la maison, elle a appelé Boo Williams, qui avait coaché son fils sur le circuit AAU et qui connaissait Thompson par l’intermédiaire d’Alonzo Mourning, et Butch Harper, son ancien voisin et l’un des premiers mentors d’Iverson. Ann voulait un rendez-vous avec le coach de Georgetown. Inquiète concernant la direction qu’avait prise la vie du jeune Allen, elle demanderait à Thompson de le sauver.
La réponse leur est parvenue : Thompson acceptait le rendez-vous, il était désireux d’entendre la jeune maman – Ann était encore au milieu de sa trentaine quand Iverson était en prison – et il voulait en savoir plus sur ce garçon percutant enfermé en cellule. Thompson croyait en la seconde chance, bien sûr, mais là, ce n’était pas rien.

En décembre, un groupe composé d’Ann, de Williams, d’Harper, de sa sœur et de l’ami d’Iverson, Jamil Blackmon, est parti en voiture d’Hampton pour Washington. Ils ont débattu du projet alors qu’ils traversaient Richmond où, à l’époque, le gouverneur L. Douglas Wilder réfléchissait à l’ordre qui libérerait Iverson. Ils ont ensuite rejoint le District of Columbia et se sont garés à proximité du McDonough Gymnasium, la magnifique salle historique des Hoyas, ainsi que des bureaux qui avaient reçu, à un moment ou un autre, des légendes et des gangsters.

Ann Iverson veut parler à John Thompson en privé

Thompson avait invité plusieurs adjoints à participer à cette réunion. Ann et son entourage se sont assis et se sont exprimés les premiers. Williams et Harper ont évoqué le potentiel de basketteur d’Iverson ; la sœur d’Harper, Pat Covas, une enseignante du lycée Bethel, a assuré à Thompson qu’Iverson se donnerait à fond pour que ses résultats scolaires le rendent éligible, de façon à ce que Thompson n’ait aucune inquiétude à avoir de ce côté-là.

Puis Ann, en essuyant des larmes, a demandé aux autres de quitter la pièce. Elle voulait parler seule à seul avec Thompson. Une mère qui parle à un père, qui lui explique la façon dont Iverson a grandi et son envie désespérée de sortir du cycle de pauvreté dans lequel sa famille se trouve. Quand ils se sont trouvés tous les deux, Ann a craqué. Elle a imploré le coach d’aider son fils, de lui offrir l’une de ces secondes chances qu’il avait autrefois accordées à « Zo » Mourning et à Dikembe Mutombo. Thompson a hoché de la tête mais ne lui a fait aucune promesse. Cependant, la visite d’Ann a eu de l’effet.

Thompson a pris sa décision. « Elle m’a demandé d’aider son fils. J’ai vu l’amour d’une mère qui avait peur pour la vie de son fils », a écrit le « Washington Post » en 1996, en citant les propos du coach.
Sue Lambiotte venait parfois avec ses livres et ses crayons. Elle les trimballait à travers les grilles et les chaînes de cette prison au dispositif de sécurité léger, sur les berges de la Warwick River. Elle connaissait Allen Iverson depuis qu’il avait 12 ans. A cet âge, il démontrait déjà un talent athlétique et un rejet global de l’école. Son mari, Art, avait un peu coaché Iverson, dont les (récentes) cicatrices d’une enfance torturée étaient déjà visibles. Art Lambiotte a relaté qu’un jour, il a demandé à un ami où il pourrait trouver le jeune Allen. Il n’y avait aucune garantie qu’il soit chez sa mère à Aberdeen. Cet ami a dit à Art que la meilleure chose à faire était de circuler dans les rues en voiture entre 2 et 4h du matin : il pourrait tomber sur lui navigant de maison en maison, seul et sans but, pendant qu’Ann faisait la java.

Sue voulait mettre l’adolescent en confiance, lui montrer comment réaliser des choses simples, comment gérer les problèmes, comment les comprendre. C’est ce qu’elle avait fait pendant des années. En 1987, elle et Art avaient emménagé à Poquoson, une commune de bord de mer aux alentours d’Hampton. Elle avait ouvert un centre d’apprentissage Kumon pour aider les jeunes à renforcer leur niveau en maths et en lecture et sur son temps libre, elle guidait les élèves pour qu’ils améliorent leurs résultats au Test d’Aptitude Scolaire (TAS). « Partout où elle allait, elle faisait des vagues, m’a raconté Art Lambiotte. Parce qu’elle était la dernière arrivée, on lui refilait les enfants les plus lents. Elle réunissait ces enfants et vous savez ce qui se passait ensuite ? Eh bien, ses élèves surpassaient tous les autres enfants. »

Et comme tout le monde, elle avait entendu les nouvelles de la ville, qui étaient parvenues jusqu’en banlieue : quatre jeunes hommes d’Hampton étaient allés au bowling la veille de la Saint-Valentin, une bagarre avait éclaté entre de jeunes Blancs qui vivaient à Poquoson et la soi-disant justice avait tranché.

Iverson ne déteste pas l’école mais la lenteur de l’école

Et elle était là, assise avec ce garçon dont elle faisait tranquillement la connaissance. Il était sur le point de devenir un homme et il passait ses jours et ses semaines en prison, dans une tenue terne dénuée de couleurs. Elle l’a inscrit au centre Kumon et l’a suivi durant l’été 1993. Elle a découvert que ce n’était pas l’école elle-même qu’Iverson détestait, c’était sa lenteur, un déroulement lent qui éloignait tous les rêves. Il avait du mal à rester assis sans bouger. Son esprit et son corps avaient besoin d’une stimulation constante et elle a su comment le maintenir en activité.

Parfois, Sue lui demandait de dessiner pour elle. Là, elle voyait les scènes de la vie quotidienne se profiler et « percer à jour la réalité sociale », comme elle le décrirait plus tard au « New York Times ». Elle s’est aperçue qu’il était réceptif aux cours de sociologie et qu’il était fasciné par la façon dont des gens d’origines socio-économiques différentes pouvaient coexister, ou essayaient de le faire. Il n’était indifférent pour aucun d’entre eux qu’un jeune Noir d’Hampton soit assis là, avec une femme blanche d’âge mûr de Poquoson, à échanger leurs histoires et leurs espoirs. En y réfléchissant une seconde, peut-être qu’ils n’étaient pas si différents l’un de l’autre.

Allen Iverson a été libéré en décembre, quelques semaines après le voyage de sa maman à Washington, où elle avait vidé son sac d’émotions dans le bureau de John Thompson. Dans l’incapacité de participer à des compétitions de basket, d’après la circulaire Wilder, il s’est inscrit au lycée Richard M. Milburn, une école alternative chère de Virginia Beach pour les enfants qui ont décroché du système scolaire ou qui sont étiquetés comme tels. D’après la biographie d’Iverson de Larry Platt parue en 2003, « Only the Strong Survive », Bill Cosby, Michael Jordan et Spike Lee figurent parmi ceux qui ont contribué au financement des frais de scolarité d’Allen.

John Thompson s’est rendu sur la côte ce printemps-là. Il a proposé une bourse d’études à Iverson et a évoqué l’avenir. Avec son premier coach assistant, Craig Esherick, et la coordinatrice scolaire Mary Fenlon, Thompson avait parlé au président de Georgetown, le révérend Leo O’Donovan, du projet de faire venir Iverson dans l’établissement. Thompson n’a rien dit à Iverson concernant l’incident de Circle Lanes, le procès et la sentence. Il a indiqué plus tard qu’il voulait qu’Iverson sache qu’il ne s’intéressait qu’à l’avenir. Cependant, il voulait un rapport d’honnêteté réciproque avec Allen et il lui a expliqué qu’il ne voulait pas de têtes de mule dans son équipe de basket.

Thompson a dit à Iverson, avec le débit rapide qui était le sien, qu’on n’avait pas besoin de faire beaucoup d’efforts pour voir une tête de mule en lui. Est-ce qu’il en était une ? L’était-il ? Si non, Thompson lui a dit que la première des choses à faire serait de se bouger le cul pour se rendre éligible puis de venir à Washington pour qu’ils puissent se mettre au travail. « Ce n’est pas un programme pour des gens à problèmes », a dit John Thompson en 1995, alors qu’on l’interrogeait à propos d’Iverson.

L’aide inestimable de Sue Lambiotte

Allen continuait de travailler avec Sue, parfois chez elle, six heures par jour, cinq jours par semaine. Elle lui apprenait ce pour quoi elle avait été diplômée. Pour les autres enseignements, Sue faisait venir des amis qui avaient la patience et le savoir-faire pour aller au-delà des défenses d’Iverson. Elle n’exigeait pas seulement que le travail soit fait, elle réclamait aussi de l’enthousiasme à la tâche. « Fais semblant, Allen », lui disait-elle souvent. « Pour moi. »

Ses amis et ses camarades de classe avaient eu leur bac à Bethel. Ils l’avaient fêté en revêtant le chapeau et la toge des diplômés sur l’estrade du lycée. Ça avait été l’occasion de réjouissances pour leurs familles. Il avait manqué ça. Que manquerait-il d’autre à cause de choses sur lesquelles il pouvait avoir le dessus ? Elle était dure avec lui, même si elle avait un petit faible pour lui.

Il lui arrivait souvent, une fois à la maison, au cours du dîner avec son mari et ses deux enfants, de leur parler des progrès qu’ils faisaient, de ce jeune garçon qui était si vif sur un terrain de basket et si lent en cours, au point de couler ses études. Elle leur a parlé de la fois où Iverson avait vu un ami se faire tuer par balles, assis sur des marches à quelques centimètres de lui, lorsqu’il avait 8 ans ; de ses difficultés à se nourrir et à s’habiller, ainsi que des soirées tardives et des canalisations rouillées à la maison. Allen a parlé à Sue de sa maman, qui voulait tant de choses pour lui ; malgré toute la volonté qu’elle avait, elle n’arrivait pas à s’en sortir elle-même.

Ils continuaient de travailler. Sue insistait pour qu’Iverson reste impliqué. Elle découpait ses leçons en séances de 15 minutes, faciles à digérer, lui promettant une récompense – il répondait toujours favorablement aux encouragements – s’il exécutait les consignes. Elle lui permettait de s’exprimer à travers l’art s’il exprimait d’abord ses pensées sur papier. Il a passé le TAS en 1994 et, un mois plus tard, l’American College Testing (ACT). Il savait quel score il devait faire pour pouvoir postuler à Georgetown : 700 ou mieux au TAS et 17 au moins à l’ACT. Ensuite, Sue et lui ont croisé les doigts.
Allen ne pouvait pas disputer des matches de basket officiels jusqu’en août. Il se maintenait en forme et brûlait des calories dans des rencontres informelles. Il invitait les stars locales au lycée Bethel – le directeur du programme sportif de l’école, Dennis Kozlowski, gardait les portes de la salle ouvertes pour Iverson et voyait les spectateurs affluer à l’intérieur – et contre les joueurs universitaires à la fac d’Hampton et à l’Air Force Base de Langley. Tawanna regardait quelquefois. Ils s’en allaient ensemble, en se donnant la main, ou bien ils allaient au cinéma.

Un diplôme, des sourires et des larmes

Iverson a passé ses deux dernières matières, psychologie et gouvernement des Etats-Unis, et les résultats finaux sont parus. Il était reçu. Allen serait éligible pour jouer au basket universitaire. Il s’est levé et a serré Sue dans ses bras. Elle l’avait mené aux meilleurs résultats possibles, elle n’avait jamais été découragée par ses obstacles ni par ses excuses et il n’oublierait pas ce qu’elle avait fait pour lui. Mais elle n’en avait pas terminé. Un soir d’été de 1994, deux ou trois douzaines d’amis de la famille Lambiotte, collègues enseignants, et quelques membres de la famille d’Iverson ont débarqué sur le parking du Moore Building de Poquoson, où Sue avait ouvert son centre Kumon des années auparavant.

En coulisses, Iverson s’était glissé dans une toge de remise de diplôme et il avait revêtu le couvre-chef idoine. La cérémonie a commencé avec plus d’une demi-heure de retard parce qu’Ann Iverson avait jugé utile de faire un saut au McDonald’s. Quoi qu’il en soit, quand ils ont tous été assis, Iverson a été appelé. C’était le seul diplômé. Ils l’ont nommé major de promotion. « Je sais que je n’ai pas toujours rendu les choses faciles mais je veux que vous sachiez tous combien tout cela compte pour moi », a-t-il dit dans le micro. Il a traversé l’estrade de fortune et pris son diplôme dans ses mains. Son regard resterait dans la mémoire de Sue et de son mari pendant des années. « Il était radieux, le sourire jusqu’aux oreilles », s’est souvenu Art Lambiotte vingt ans plus tard.

Jerome Williams est arrivé au gymnase McDonough impatient de jeter un œil à ce jeune qui, apparemment, allait casser la baraque. Allen Iverson devait faire 2,40 m et il devait être taillé dans le marbre, vu les commentaires qui circulaient. Williams était l’autre recrue fameuse de Georgetown en 1994, un ailier fort de 2,06 m qui était devenu une star au lycée Magruder dans les environs de Rockville, au Maryland. Il avait passé ses deux premières saisons universitaires en Pennsylvanie, au Montgomery County Community College.

Donc, où était-il ? Où était cette bête qui allait tout exploser, qui trônait au sommet de tous les classements de recrutement, qui rentrait tous ses tirs, qui était durement revenu d’une condamnation criminelle ? Williams a aperçu un garçon tout maigre dans les tribunes. Peut-être savait-il où il pourrait trouver son nouveau coéquipier. « Hey, a dit Williams en direction du jeune homme qui devait être un lycéen en balade sur le campus de Georgetown. T’aurais pas vu Allen Iverson ? » Le jeune homme a souri. « Tu veux dire moi ? », a-t-il répondu.

Iverson était arrivé à Hilltop dans une effervescence rarement vue, même dans l’une des premières universités de basket du pays. On s’attendait à ce qu’il permette aux Hoyas d’atteindre à nouveau le Final Four et, peut-être plus impressionnant, à ce qu’il pousse John Thompson à mettre encore plus l’accent sur la vitesse et le jeu extérieur. Pendant des années, le coach avait gagné des matches au poste bas, en faisant venir de grands pivots agiles tels que Alonzo Mourning, Dikembe Mutombo, Patrick Ewing et aujourd’hui Williams. Les meneurs, en particulier, étaient devenus une option secondaire dans l’univers de Thompson. Mais aujourd’hui, avec Iverson, peut-être que tout cela allait changer.

Show devant !

Allen s’est vu accorder la liberté conditionnelle fin juillet 1994, juste à temps pour participer à la Kenner League à Georgetown, une ligue d’été dans laquelle lycéens, universitaires et joueurs professionnels entrent en compétition les uns contre les autres pendant trois jours. Le directeur du tournoi, Eddie Saah, avait remarqué Iverson avant le match d’ouverture et il avait couru à l’extérieur pour lui apporter un maillot.

Quand le match a commencé et qu’Iverson a réussi un 3-points, Saah a crié dans le micro « Allen Iverson ! » et il a immédiatement senti une frénésie dans le public. Iverson a marqué 40 points ce soir-là et ébloui près de 800 personnes. Le lendemain, il y avait 3 000 personnes, ce qui a fait forte impression sur Jerome Williams. « Tout le ghetto était venu voir », a-t-il dit. Le dernier jour, il y avait 4 000 personnes entassées au McDonough Gymnasium, qui ne contenait que 2 400 sièges. Mutombo était au huitième rang, d’où il se faisait un aperçu de l’avenir de son université.

A.I. a marqué 90 points en trois matches, contribuant à faire gagner le tournoi à son équipe, les Tombs. Et aussitôt, tout le monde a voulu connaître les limites du petit nouveau, à supposer qu’il en ait. « Il n’est jamais fatigué », a constaté un joueur de Morgan State University, épuisé après avoir défendu sur Iverson pendant le tournoi.

John Thompson faisait passer tous les premières années sur le tapis de course pour tester leur condition physique. C’était particulièrement important pour un joueur comme Iverson qui n’avait pas disputé de rencontre officielle depuis plus d’un an, depuis la victoire au championnat d’Etat, comme il l’avait promis dans une bravade quand il était en classe de Première à Bethel.

Donc, à l’attaque, petit ! Et il a commencé par trottiner. Puis le tapis a progressivement accéléré, l’inclinaison s’est accentuée et très vite, il s’est retrouvé à sprinter. Un joueur en bonne condition pouvait généralement tenir 10 minutes sur le tapis de course, l’un des nombreux équivalents de Thompson à n’importe quel talent surnaturel qu’un joueur pensait posséder. Jerome Williams a peut-être tenu 12 minutes. Après environ 20 minutes, Iverson toujours en action, ils ont ralenti la machine, concluant que c’était satisfaisant. Allen est descendu et a souri à Williams, à peine essoufflé. « Surhumain », a dit Williams plus tard.

Il partage la chambre de Don Reid

Thompson aimait faire faire des longueurs après un entraînement marathon si son équipe avait galéré pendant une séance. Les passes relax et les tirs idiots, ce n’était pas la peine avec « Big Coach », que ce soit à l’entraînement ou en match. Ils couraient, les jambes affaiblies, les poumons brûlants ; et Iverson, sourire aux lèvres, se faufilait tranquillement au milieu de ses coéquipiers qui s’écroulaient sur le sol.
Le coach avait mis Allen dans la même chambre que Don Reid, le capitaine et l’un des seniors des Hoyas. Reid avait parrainé Iverson lors de sa visite officielle à Georgetown, après que Thompson lui eut formulé son offre de bourse universitaire et que le remue-ménage de l’année précédente se fut un peu dissipé. Ils avaient visité le campus. Iverson avait eu de la gratitude pour l’accueil de Reid et il était impatient de retrouver les parquets.

Allen lui avait posé des questions et lui avait parlé de ce qui les attendait, en laissant de côté les anecdotes sur sa jeunesse et sur son temps en prison, lui disant seulement que beaucoup de gens lui avaient tourné le dos une fois qu’il était rentré à la maison – mais pas tout le monde. Il y avait des amis d’enfance qui étaient toujours restés proches de lui : Ra, « E », Jamil et Andre Steele, dit « Arnie ». Les dix-huit mois précédents n’avaient pas été différents et grâce à l’influence des Lambiotte, il avait pu en arriver là où il était aujourd’hui.

Et maintenant, l’esprit d’Iverson était occupé à se demander, en rêvant tout haut, si John Thompson lui permettrait de jouer aussi au football. « Bien sûr. Vas-y, demande-lui sans hésiter », lui a répondu Reid, sachant comment le coach allait réagir. « Je ne pense pas que ce qu’il (ndlr : Thompson) m’a dit puisse être écrit dans un magazine… Mais je n’ai plus du tout pensé à jouer au football après ça », déclara Iverson au magazine « GQ » en 2007. Il affirma plus tard à ses amis qu’en se rendant à McDonough, il passait devant le stade de football et avait la gorge nouée, plein de regrets, déplorant qu’une partie de sa vie – et peut-être son meilleur sport – soit derrière lui.

Quand il est arrivé sur le campus, il a déposé ses affaires dans une chambre du Village A, une résidence universitaire dont les étages supérieurs surplombaient le Potomac et les environs de Rosslyn, en Virginie. La plupart des fils de bonne famille devaient passer par une loterie pour y obtenir un logement mais les basketteurs étaient assurés d’y avoir une place. Dès qu’Iverson s’y est installé, ses compagnons de chambrée ont été bluffés par sa détermination – et, s’ils en parlaient avec honnêteté, par son étrangeté.

Du surnom au tatouage

Allen s’est fait une entorse pendant un entraînement. Après avoir vu le préparateur physique, il s’est vu prescrire une chaussure orthopédique, qu’il secouait du pied et avec laquelle il marchait sur la pointe des pieds dans son appartement, pour essayer de s’y habituer. Il s’en est finalement débarrassé en disant à ses colocataires que ses Timberland feraient certainement mieux l’affaire. Et en effet, Iverson se baladait dehors, trottinait sur le campus. Personne n’a plus jamais entendu parler de cette mauvaise cheville.

Ils ont fini par s’apercevoir que ce freshman s’ennuyait facilement et qu’il détestait le silence. Il écoutait si souvent « Ready to die », le nouvel album de Notorious B.I.G., en citant les paroles de « Big Poppa », que ses colocataires l’ont éjecté du lecteur de CD et l’ont balancé.

The back of the club, sippin’ Moët
Is where you’ll find me
The back of the club, mackin’ hoes
My crew’s behind me
(Au fond de la boîte, j’sirote du Moët
C’est là qu’tu m’trouveras
Au fond de la boîte, j’me fais des chaudasses
Mes potes sont avec moi)

Iverson en a naturellement racheté un. Il écoutait ses chansons en boucle et très vite, ce disque a lui aussi disparu. Il a décoré les murs de posters de rappeurs qui l’avaient inspiré. Il vivait maintenant une vie dont il avait rêvé. Il parlait fort, hurlait des plaisanteries et faisait tonner sa musique, les paroles de sa nouvelle chanson préférée, « Juicy ». Et sans cesse revenait cette autoproclamation de « meneur le plus chaud à avoir jamais joué à Georgetown ».

And my whole crew is loungin’
Celebratin’ every day, no more public housin’
Thinkin’ back on my one-room shack
Now my mom pimps a AC with minks on her back
(Et là, tous mes potes se prélassent
On fait la fête tous les jours, c’est fini les HLM
Je repense à mon petit appart’
Maintenant, ma mère a la clim’ et elle porte des visons)

Ses colocataires hochaient la tête ; pour eux, Iverson, c’était du bagout et du bruit non-stop. « On l’entendait arriver à l’autre bout du bâtiment. Il résonnait dans toute la cité », m’a dit Reid. Ils l’ont finalement convaincu de dégager de la chambre et de rester dormir en bas, sur le canapé. Comme ça, il pourrait se coucher aussi tard qu’il le souhaitait. Quand ils se levaient, a poursuivi Reid, Iverson était toujours debout et il voulait encore s’amuser. Il s’était trouvé de la compagnie dans l’appartement d’étudiants indiens. Il regardait la télé et papotait avec ses nouveaux amis, noctambules comme lui.

Quelquefois, dans sa recherche de divertissements nocturnes, il se retrouvait dans des fêtes où il pouvait s’adonner à son nouveau goût pour l’alcool. Ses coéquipiers le voyaient descendre des bières. Ce petit gabarit pensait qu’il pouvait boire comme un ailier fort, apparemment. Puis il allait voir Jerome Williams, posait son bras sur l’épaule du géant et déclarait à son coéquipier qu’il l’aimait. « Ce sont des choses qu’il n’aurait jamais dites », s’est rappelé Williams en riant.

Pendant l’une de ces nuits, avant que sa première saison ne commence, Iverson est allé dans un salon de tatouage. Thompson avait une politique anti-tatouage stricte mais Allen était déterminé. Quelques heures plus tôt, Iverson et Jamil Blackmon, son vieux pote de la Presqu’île qui l’avait reçu dans sa famille pendant une période difficile et qui avait été présent plus tard, lors de la réunion entre Ann et Thompson, avaient déliré ensemble sur le tatouage, en faisant leur linge. Allen voulait un surnom, comme toutes les légendes de summer league : Earl « the Pearl » Monroe, Frank « Shake ’n’ Bake » Streety, Rafer « Skip to My Lou » Alston. Quel serait celui d’Iverson ? Blackmon eut un flash : la NBA voyait les ères de Magic Johnson, Larry Bird et Michael Jordan toucher à leur fin et elle était confrontée à beaucoup de questions. Blackmon lâcha sa suggestion et Iverson l’adora.

Ecoutant le surnom résonner dans son esprit, Allen, assis dans la chaise du salon de tatouage, désigna son bras gauche, à l’endroit où l’épaule rencontrait son biceps. Il voulait que sa nouvelle identification le suive pour toujours, le définisse, parle pour lui. L’aiguille vibra et perça la peau d’Iverson. Elle dessina neuf lettres dans la police Old English. Quand l’artiste eut terminé, Iverson le vit pour la première fois : « THE ANSWER » (la Réponse).

« Soyez à l’heure », leur a-t-il dit. « Non, cinq minutes en avance. Coupez-vous les cheveux. Enlevez ces boucles d’oreilles. Et ça, c’est quoi ? Une chaîne en or ? Si vous voulez porter ce maillot et être sur le terrain, ça reste à la maison. Ou bien c’est vous qui resterez à la maison. C’est votre choix. En déplacement cette semaine, donc, tu portes un costume. T’en as pas ? Alors, t’es un clodo. » « Un gars qui est à l’université et qui n’a pas de costume ne se projette pas dans l’avenir. Ne me racontez pas d’histoires de pauvreté. Vous pouvez allez chez Goodwill et vous acheter un costume », a déclaré John Thompson à des journalistes, l’année où Iverson était freshman.

« Les devoirs doivent être remis avant d’arriver à l’aéroport, pas après. Donc, qu’est-ce que ça peut faire si on joue Connecticut ou Syracuse ? Vous ne jouerez pas de toute façon, à moins d’être à jour dans vos travaux. Donc, qu’est-ce que vous avez à vous soucier de savoir qui on va jouer ? Et Iverson, putain, c’est quoi sur ton bras ? »

A suivre…

 

Kent Babb, « Allen Iverson, Not A Game », 307 pages, 22 euros, 13,99 euros en format numérique (ePub).

En vente en librairie, dans les grandes surfaces et sur les sites de vente en ligne.

Talent Sport

https://talentsport.fr

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Autres livres de basket disponibles

> Phil Jackson, « Un coach, onze titres NBA » (sorti le 14 mai 2014)

> Roland Lazenby, « Michael Jordan, The Life » (sorti le 17 juin 2015)

> Jack McCallum, « Dream Team » (sorti le 8 juin 2016)

> Kent Babb, « Allen Iverson, Not A Game » (sorti le 9 novembre 2016)

> Jackie MacMullan, « Larry Bird-Magic Johnson, quand le jeu était à nous » (sorti le 31 mai 2017)

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