Qu’est-ce qui cloche à Rip City ?

Battus à plates coutures par les Pelicans dans le Game 3, les Blazers sont au bord du gouffre avant la rencontre de ce soir, et proches d’un nouvelle sortie prématurée en playoffs. Comme l’an passé face à Golden State, Portland pourrait bien se prendre un nouveau coup de balai aux fesses… sauf que cette fois-ci, les Blazers avaient l’avantage du terrain, au sortir d’une très bonne saison marquée par une série de 13 victoires d’affilée.

Comme quoi, ainsi que le dicton le confirme : les playoffs sont une autre paire de manches. Et les Blazers n’y sont clairement pas les bienvenus, avec la possibilité d’une troisième élimination au premier tour en quatre ans…

Le duo Lillard – McCollum étouffé

La principale raison de cet échec des Blazers est évidemment à mettre au compte de ses leaders : Damian Lillard et CJ McCollum. En vérité, le duo Rajon Rondo – Jrue Holiday domine purement et simplement le duo d’arrières de Rip City.

Encensé pendant la saison avec des prestations majuscules, Damian Lillard a complètement disparu sur cette série de playoffs. À 18 points, 4 rebonds, 4 passes et 5 balles perdues en moyenne, le tout à 33% de réussite aux tirs, Dame est tout simplement en train de réaliser ses pires playoffs en carrière. Pour celui qui estime mériter une place le 1er cinq All-NBA, ça la fout mal… mais il n’est pas du genre à fuir ses responsabilités. Il l’a dit : il est confronté au plus grand défi de sa carrière.

Eteint par Rondo et Holiday, Damian Lillard a jusqu’à présent été incapable de changer son jeu et d’effectuer les ajustements nécessaires pour rester productif. Au lieu de ça, il continue de jouer le pick & roll et de se heurter à un mur. Car, au lieu de reculer et protéger le cercle, l’intérieur de NOLA (Mirotic ou Davis) agresse Lillard en sortie d’écran. Peut-être faudrait-il s’éloigner un peu du pick & roll à ce compte-là et tenter d’autres approches ?

À 21 points et 4 passes (à 45% de réussite), CJ McCollum fait mieux que son coéquipier mais son impact est également des plus limités. À vrai dire, il a beaucoup scoré dans le vide, quand l’écart était déjà fait… Et si c’est un peu mieux que Damian Lillard, avec des tirs à mi-distance et des floaters qui parviennent à éviter le contre d’Anthony Davis, CJ McCollum n’arrive pas non plus à porter l’attaque de Portland sur ses épaules, dominés physiquement par ses adversaires directs.

Et puis, c’est sans évoquer l’aspect défensif de ce duel… Que Jrue Holiday brille, c’est une chose. Mais à ce point : 23 points (53% de réussite), 6 passes, 4 rebonds, 2 interceptions, ça en devient problématique ! Incapables de l’empêcher de pénétrer, Damian Lillard et CJ McCollum subissent la loi de ces vétérans plus costauds et plus physiques.

Quant à Rondo, ou « Playoffs Rondo » (13 points, 12 passes, 8 rebonds à 50% de réussite à deux comme à trois points), c’est le même topo. Il se faufile dans la peinture quasiment sans effort et sert le alley-oop à Anthony Davis à un rythme effarant.

Un manque d’intérieurs modernes

Autre souci : les Blazers sont coincés avec des intérieurs à l’ancienne. Jusuf Nurkic et Ed Davis, les deux intérieurs les plus utilisés, souffrent face à Anthony Davis qui est nettement plus rapide que le premier et nettement plus long que le second. Derrière ces deux-là, Zach Collins avait montré de belles choses par séquences, mais le rookie ne peut clairement pas rivaliser avec une superstar de la Ligue, sans doute le meilleur intérieur de la NBA.

Terry Stotts a bien tenté le coup des « Twin Towers » avec Nurkic et Collins simultanément sur le parquet mais l’expérience a tourné court… sans trop savoir pourquoi. À ce stade de la série, autant tenter un pari, non ?

Et puis, que faire de Nurkic qui semble jouer gros avec une possibilité de prolonger dans l’Oregon à l’été ? La « Bosnian Beast » est plus affûtée physiquement cette saison mais il perd énormément de crédit avec ce duel ultra-déséquilibré face à Anthony Davis. Il tourne à 10 points et 7 rebonds mais à 38% de réussite, et l’impression visuelle est encore pire avec plusieurs postérisations et une réelle incapacité à s’imposer physiquement malgré son avantage de puissance. Clairement, un duel face aux Pelicans était la pire configuration pour le Bosnien, qui préfère défier des intérieurs plus classiques comme un Steven Adams, un Rudy Gobert, voire même un LaMarcus Aldridge.

Au final, Al-Farouq Aminu (14 points, 10 rebonds) est pour l’instant été le meilleur « intérieur » des Blazers. À 50% aux tirs et 42% à 3-points, l’ancien ailier des Mavericks est le joueur le plus solide pour Terry Stotts, car il peut également assurer un minimum syndical en défense. Le problème, c’est que son adversaire direct, Nikola Mirotic, est quasiment en transe depuis ce début de la série. L’ancien intérieur des Bulls produit de fait 21 points et 9 rebonds et tourne surtout à de gros pourcentages : 58% à 2-points et 48% à 3-points.

Devenu avec le temps un « 4 qui s’écarte », et malgré de belles prestations, Al-Farouq Aminu est donc lui aussi « outplayed » par son opposant. Moins fournie en longueur de banc, la rotation des Pélicans mise surtout sur quatre joueurs qui jouent plus de 35 minutes, et l’arrivée de Mirotic a été un complément idéal pour étirer les défenses et laisser le champ libre, non seulement à Davis sous le cercle, mais aussi à Holiday et Rondo qui aiment avant tout la pénétration plutôt que le tir extérieur.

Une incapacité à réagir

Portland est sans réaction. Les têtes pensantes du staff n’ont pour le moment rien proposé de concret. Rendez-vous compte : 85 des 109 points de moyenne des Pelicans sont inscrits par 4 joueurs seulement (Davis, Holiday, Mirotic, Rondo) ! Et 4 joueurs à plus de 50% de réussite ! Un constat effarant pour la défense de Portland, pourtant parmi les meilleures en saison régulière… Terry Stotts le répète : les Pelicans jouent mieux. Leur plan de jeu est parfait pour contrer Portland, et le technicien des Blazers n’a toujours pas trouvé la parade. De la même façon qu’il n’a pas trouvé la parade à une fin de saison régulière ratée : quatre défaites en cinq matches.

À la recherche d’un second souffle depuis début avril, les Blazers continuent de privilégier leur jeu basé sur le « pick & roll » sans changer leur fusil d’épaule, et c’est parce que leur effectif ne leur permet pas de proposer autre chose.

Si la blessure d’Evan Turner n’aide pas, mêmesi ce dernier était aussi en galère, le roster des Blazers manque de polyvalence. Nurkic, Davis et Leonard, voire Swanigan, sont tous des intérieurs lents, sans grande mobilité et surtout peu enclins à défendre loin du cercle. À l’arrière, Lillard, McCollum et Napier ne sont pas des extérieurs capables de défendre fort (à cause de leur taille notamment) et ce premier rideau défensif est tout simplement en lambeaux après le passage des Pelicans !

Quant aux ailiers, Aminu et Harkless, qui revient de blessure, voire Connaughton, ce sont des joueurs limités offensivement et, à part Aminu, ils incarnent parfaitement le fossé énorme qui sépare la saison régulière de l’intensité des playoffs.

Même si une victoire samedi soir peut relancer la série, c’est un immense sentiment de gâchis qui s’est emparé de la ville des Roses cette semaine, et se posent déjà de nombreuses questions quant à l’avenir d’une équipe qui avait pourtant dépassé les attentes cette année. Comme l’été dernier, les possibilités de recrutement sont pourtant très limitées, et il va falloir s’occuper du cas Nurkic qui est encore dans son contrat de rookie. La saison passée, les Blazers avaient sacrifié Allen Crabbe pour se donner de l’air, et gagner un peu en souplesse. Cet été, tous les regards seront tournés vers Evan Turner, qui n’a jamais justifié son gros salaire depuis son arrivée. Mais sa valeur marchande est quasi nulle, et seuls des échanges impliquant Damian Lillard ou CJ McCollum pourraient permettre de dynamiter un effectif qui n’a que très peu évolué depuis 18 mois.