Si on aime le sport en général et la NBA en particulier, c’est pour la compétition, le spectacle, les exploits individuels et athlétiques, mais aussi pour cette incroyable dramaturgie qu’elle nous réserve depuis toujours. Les larmes de Michael Jordan en 1991 ou de Kevin Garnett en 2008, la blessure de Willis Reed, la maladie de Magic Johnson, le titre de Dirk Nowitzki, le tir dans la corner de Ray Allen, les 60 points de Kobe Bryant… Pour ne citer que des exemples plus ou moins récents.
Et puis il y a LeBron James. Né à Akron, au cœur de l’Ohio, surnommé l’Elu pour ramener un titre dans une ville, Cleveland, qui attend ça depuis 1964. Lorsqu’on est l’Elu, et que son sponsor vous surnomme le « King », l’attente est énorme. Elle passe par des exploits incroyables, à peine sorti de l’adolescence.
Superstar avant d’arriver en NBA
La vie de LeBron James a tout d’un roman depuis sa naissance. Elevé par sa mère, il met la ville d’Akron sur une carte des Etats-Unis en amenant son petit lycée au titre national. Il est déjà une star avant même d’avoir mis les pieds en NBA.
Comme dans tout bon roman, le héros a droit à sa part de chance. L’année où il arrive en NBA, qui décroche le premier choix de la draft ? Cleveland ! L’histoire est vraiment belle, et il ne lui faudra que quatre ans pour mener les Cavaliers jusqu’en finale NBA. Il n’a que 22 ans, et entouré d’une troupe de cols bleus, il met Cleveland au sommet de la conférence Est.
Mais un bon roman a aussi besoin d’obstacles, et de rebondissements. En littérature, on appelle ça les éléments perturbateurs et les épreuves. Ce sont les Spurs qui le giflent en 2007, puis ce sont les Celtics en 2008 et 2010, mais aussi le Magic en 2009 qui lui barrent la route de la finale. Que faire dans ces cas-là ?
Parti à Miami, il devient le méchant
Notre héros baisse les bras. Il a 26 ans, et il a besoin d’un autre défi. Ce sera de jouer avec ses potes, au soleil. En littérature, on appelle ça les « adjuvants ». Ils sont là pour aider le héros à remplir sa mission.
Le problème, c’est que s’il était un héros depuis le lycée dans l’Ohio, il devient le méchant en arrivant en Floride. Personne n’est parfait, et il multiplie les erreurs. De communication essentiellement, mais à Cleveland, certains ne lui pardonnent rien, allant même jusqu’à brûler son maillot. Puis il craque en finale, face aux Mavs. Il est la risée de tout le monde, pendant qu’en face, Dirk Nowitzki prouve qu’on peut gagner le titre en étant fidèle à ses couleurs.
Ce n’est qu’une épreuve de plus pour LeBron. Il est au plus bas, et après deux défaites en finale NBA, certains le rangent dans la catégorie « loser ». Et s’il n’était qu’un soliste exceptionnel, comme l’était avant lui Charles Barkley, Karl Malone ou même Wilt Chamberlain ?
Finalement, la délivrance arrive l’année suivante face au Thunder. Les larmes aux yeux, il décroche son premier titre, avec ses potes. Puis un second face aux Spurs qui l’avaient giflé six ans auparavant. « Un jour, la NBA t’appartiendra » lui avait soufflé Duncan, et la prophétie s’est réalisée. Le roman pourrait s’arrêter là. La boucle est bouclée.
Retour au bercail
Sauf que notre héros n’a pas été « choisi » et « élu » pour ramener un ou plusieurs titres à Miami. Battu par San Antonio lors du remake de 2014, il surprend tout le monde en lâchant un « I’m Coming Home ». Oui, LeBron rentre au pays après quatre saisons à Miami, soldées par quatre finales NBA et deux titres.
D’un seul coup, d’un seul, notre héros redevient le « gentil ». C’était écrit. L’Elu reprend sa mission, mais cette fois-ci, il est adulte et titré. S’il revient, c’est selon ses règles et avec ses hommes. Il ne cite pas Andrew Wiggins et Anthony Bennett dans sa lettre de retour, et c’est sans surprise qu’ils sont envoyés dans le Minnesota contre Kevin Love. Sur le terrain, LeBron fait du LeBron, et dans une conférence Est affaiblie, il mène les siens jusqu’en finale NBA. L’histoire est belle, mais c’est peut-être encore trop tôt…
La NBA lui balance deux nouveaux obstacles sur son chemin : les blessures de Kevin Love et de Kyrie Irving. Mais LeBron se démultiplie, et il donne tout : 36 pts, 13 rbds et 9 pds de moyenne en finale. Mais que faire face au meilleur collectif de la NBA lorsqu’on est seul ? S’incliner en six matches, pour une quatrième défaite en finale. Un énième rebondissement dans ce roman qui va entamer son 13e chapitre.
Un Game 7 historique en tout point
En bon héros, LeBron décide de repartir au combat avec les mêmes. Cleveland survole la conférence Est avec 30 victoires et 11 défaites. Mais les Cavs ne sont pas programmés pour aller en finale. Ils visent le titre, et rien d’autre, et David Blatt n’est pas l’homme de la situation. La direction le remplace par Tyronn Lue, un homme de confiance de LeBron James. Notre héros essuie encore un torrent de critiques. S’il échoue, il sait que ce changement d’entraîneur lui sera reproché. Il a dû y penser fortement lorsque les Warriors mènent 2-0 puis 3-1 dans cette finale. Les Cavaliers sont dans la même situation que la saison passée. Irving et Love sont pourtant là, mais comme la saison passée, le collectif prend le pas sur le héros.
Ce n’est qu’un obstacle de plus, et un défi supplémentaire : remporter le titre après avoir été mené 3-1 en finale. Aucune équipe n’y est parvenue dans l’histoire, et pourtant Cleveland défie la meilleure équipe de l’histoire en saison régulière et le premier MVP élu à l’unanimité. Mais les rebondissements tournent enfin en faveur du héros : suspension de Draymond Green, puis blessure d’Andrew Bogut. Les Warriors vivent ce qu’ont vécu les Cavaliers l’année précédente. Le mauvais sort a changé de camp, et notre héros est à 48 minutes du plus grand exploit de sa carrière, et l’un des plus grands de l’histoire du sport.
« Ça valait le coup d’attendre »
Il reste quelques lignes à écrire, et le héros va y mettre la manière : un triple double, une domination dans tous les secteurs du jeu, un contre historique dans le money time, et au final ce titre gagné à l’extérieur pour mettre fin à 52 ans d’attente !
Les larmes coulent à nouveau. Entouré de ses trois enfants, il ne pense qu’aux habitants de Cleveland. L’Elu a rempli sa mission, et il va fêter ça au milieu des siens. « Ça valait le coup d’attendre » répond Nike, au près de l’Elu depuis toujours. Car le sport en général, et la NBA en particulier, c’est aussi du business.
https://www.youtube.com/watch?v=ZyGL6B7OH5A