C’est désormais une tradition sur Basket USA : chaque été et chaque hiver, nous vous proposons la lecture de larges extraits d’un ouvrage de basket, soit pour vous distraire sur la plage (comme en ce moment), soit pour occuper les longues soirées au coin du feu.
Après Phil Jackson, Michael Jordan, Larry Bird, Magic Johnson, Allen Iverson et la « Dream Team », nous vous proposons de nous attaquer à un autre monument : Kobe Bryant, quintuple champion NBA qui a pris sa retraite il y a trois ans et qui attend toujours que les Lakers lui donnent un successeur.
Ce livre, « Showboat », est signé Roland Lazenby, l’auteur qui a rédigé la biographie fleuve de Michael Jordan.
Bonne lecture !
Première partie – Deuxième partie – Troisième partie – Quatrième partie – Cinquième partie – Sixième partie – Septième partie – Huitième partie – Neuvième partie
Le football était un bon amusement et cette expérience en ferait un fan à vie mais ça n’avait rien à voir avec l’emprise que le basket avait sur lui. Ce fut Pam et non Joe qui finit par installer un panier dans leur résidence, ce qui favorisa son approfondissement du jeu et accentua sa tendance à s’isoler des autres enfants.
Ses grands-parents à Philadelphie entretenaient les liens de la famille avec la culture américaine en lui envoyant des montagnes de cassettes vidéo de sport, de basket le plus souvent, et de programmes télé, dont une grande partie de « Cosby Show ». On a dit de Kobe qu’il avait été tellement impressionné par ce qu’il avait vu sur ces bandes qu’il s’était mis, pendant un temps, au breakdance. Mais les matches de basket étaient de loin beaucoup plus importants pour lui ; il en visionnait une quarantaine par saison. « Ils nous envoyaient toutes sortes de shows télévisés, des films, mais ce que j’attendais avec le plus d’impatience, c’était les matches de basket. Je voulais voir du basket parce que là-bas, je devais rester éveillé jusqu’à 3h du matin pour en voir et j’avais école le lendemain. Donc, je ne pouvais pas regarder les rencontres. Il fallait que j’attende de recevoir les cassettes. Je guettais tout le temps le facteur pour voir s’il en apportait », s’est souvenu Kobe.
Très vite, Joe a souscrit à un service qui livrait directement les vidéos de matches. Joe et Kobe les analysaient ensemble, prenant note de toutes les subtilités, le travail des appuis, les drop steps (1), les feintes de départ, les démarquages en V, appelés « V-cuts », les différents styles offensifs et défensifs des équipes de NBA et de leurs stars. « Je regardais tout le monde, de Magic Johnson à Larry Bird en passant par Michael Jordan et Dominique Wilkins, a poursuivi Bryant. Je scrutais leurs moves et je les ajoutais à ma panoplie. »
C’était le début d’une étude vidéo des matches qui durerait durant toute sa carrière, un travail habituellement effectué par les coaches assistants. Pendant le temps où il a été joueur en NBA, Kobe a passé de longues heures, chaque jour, à analyser ses propres performances et celles de ses adversaires, bien plus que n’importe quel autre joueur de la Ligue n’imaginerait jamais le faire.
En Italie, il utilisait le ralenti et le défilement image par image pour revoir et décortiquer les mouvements, avec son père qui lui signalait souvent les éléments clés. Quand Joe n’était pas là, Kobe poursuivait les analyses tout seul, mémorisant des séquences entières, particulièrement celles qui révélaient les tendances des joueurs. A l’âge de 9 ans, il a monté sa propre bande vidéo d’analyse stylistique d’un joueur, le relativement obscur meneur des Hawks John Battle. Michael Jordan avait commencé sa fascinante ascension vers les sommets de la NBA. Mais le héros incontestable de la famille Bryant durant les jeunes années de Kobe était Magic Johnson. « Je voulais voir Magic, a-t-il continué. La flamme qu’il avait sur le terrain… Il adorait jouer, ça se voyait. En plus, les passes qu’il faisait en transition en attaque me rendaient dingue. »
La chambre de Kobe ? Un sanctuaire dédié à Magic
Les Lakers étaient au beau milieu de la grande époque du Showtime, leur course au titre dans les années 1980, illustrée par les étourdissants tours de passe-passe, balle en main, de Johnson, qui faisait de la franchise de L.A. le chouchou des médias. La chambre de Kobe était un sanctuaire dédié à Magic. Il y trônait un poster géant du meneur des Lakers qui, bien évidemment, était l’exemple le plus fréquent donné par son père de ce qu’un grand basketteur devait être. Sur l’écran de télé familial, il se passait et se repassait les meilleures actions de Magic. Plus tard, certains critiques ont trouvé cela très surprenant car il n’y avait rien de commun entre le jeu du grand distributeur de ballons des Lakers et le style de Kobe Bryant.
Joe a montré à Kobe des vidéos de sa propre jeunesse mais ce dernier n’en avait pas besoin. Il avait un étalon en chair et en os à qui se mesurer. Joe jouait des un-contre-un avec lui lorsqu’il était disponible. Mais avec toutes ces heures quotidiennes de pratique professionnelle en Italie, il n’était humainement pas possible, pour le père, d’étancher la soif de jeu de Kobe. Donc, il jouait tout seul, disputant des matches imaginaires contre lui-même. Il appelait ça le « basket-ombre ». « Je jouais contre mon ombre. »
Bien sûr, cela impliquait un visionnage intense des stars de la NBA, qu’il avait stockées dans son imaginaire à partir de l’écran. Ses recherches étaient absolument similaires à celles de Jerry West quatre décennies plus tôt, quand il était un jeune gringalet des collines de Virginie Occidentale. A l’époque, West passait des heures à jouer tout seul sur un panier extérieur.
CHAPITRE 9 – LE VÉLO ROUGE
Chaque été, les Bryant faisaient leurs valises et regagnaient Philly, où Joe se régalait à jouer en Baker League et à coacher en Sonny Hill League. Pour la saison 1986-87, après deux saisons passées à Rieti, les Bryant ont déménagé à Reggio de Calabre, une ville côtière doté d’un climat similaire à celui de San Diego. Après l’intersaison à Philadelphie, la famille est rentrée en Italie pour vivre dans une nouvelle ville ; Kobe était à un âge où il commençait à pouvoir s’exprimer sur un terrain.
La nouvelle équipe était installée à Pistoia, une petite cité historique de Toscane. Elle venait d’être promue en A2, la Deuxième division italienne. Sur le conseil de son fils, Piero Becciani, le président de l’Olimpia Pistoia, avait racheté le contrat de Joe à Reggio de Calabre pour la somme inouïe de 150 millions de lires, environ 115 000 dollars de l’époque (2). L’équipe de Pistoia avait l’ambition de réussir dans le monde du basket et voulait une attraction offensive afin d’obtenir des gages pour la construction d’une nouvelle salle.
Leon Douglas, l’autre Américain recruté par l’équipe pour la saison 1987-88, rappelait que son association avec Joe Bryant voulue par la direction de Pistoia constituait une tentative désespérée pour assurer la survie du club. L’équipe n’a même pas pu jouer ses matches chez elle la première année. Elle devait aller les disputer à Florence, à plus de 40 km de distance. Bryant était le grand divertissement offensif dont ils avaient besoin pour enthousiasmer les fans, a avancé Douglas, ajoutant qu’il avait joué contre Joe pendant des années en Italie et qu’il l’avait vu, une fois, marquer 70 points dans un match.
C’était toujours le même Joe. Celui qui, au lycée, adorait prendre des tirs. Sauf qu’il n’était plus le joueur élancé de 90 kg et que sa conscience n’avait plus de barrières – si tant est qu’elle en ait jamais eu. « Je me rappelle ce que scandait la famille Bryant quand il commençait à scorer : “Explose-les, Joe ! Explose-les !”, m’a rapporté Douglas en souriant. Joe était un shooteur. Le jeu de Kobe me rappelle beaucoup le jeu de Joe. Beaucoup de choses que fait Kobe sont des choses que son père faisait. Son père était un gros scoreur. »
Joe était ravi de découvrir qu’il enchantait les fans italiens en enchaînant les tirs extérieur, les uns après les autres. « Il avait un très large arsenal offensif, m’a expliqué Alessandro Conti, responsable marketing et communication de Pistoia. Joe Bryant était très renommé dans le basket italien. Pistoia avait dû payer une somme énorme pour le faire venir. »
Les « mop boys » entrent en scène
Ce pari s’est avéré payant. Partout où Pistoia jouait, il y avait une foule enthousiaste pour acclamer Joseph Bryant. « C’était un dieu, s’est souvenu Jacomo Vittori, ami d’enfance de Kobe. Tout ce qu’il disait, tout ce qu’il faisait, c’était parole d’Evangile. Kobe avait le même type de confiance en lui. »
Vittori a rencontré Kobe durant cette première année. Les deux enfants étaient les « mop boys ». Ils passaient la serpillière (3) sur le terrain pendant les temps morts au Palais des Sports de Florence. « Il était l’un de ces jeunes qui épongeaient la sueur sur le parquet », a rappelé Leon Douglas. « Etre ramasseur de balles me permettait d’être tout près du jeu, s’est souvenu Kobe. Je pouvais ressentir la vitesse et l’engagement physique des matches. » Ceux qui l’ont vu se souviennent d’un gamin qui adorait être sous les feux des projecteurs. Il aimait tellement ça qu’il passait parfois la serpillière même quand ce n’était pas nécessaire, car il aimait être en représentation devant le public.
A la mi-temps, Kobe prenait d’assaut le terrain vide et y disputait ses matches de basket-ombre. Il exécutait ses exercices de tir, de dribble, le plus souvent sous les vivats de la foule qui agitait des drapeaux, chantait des chansons et encourageait à la fois le père et le fils. « Et pendant les temps morts, l’arbitre me confiait le ballon, a ajouté Kobe. Je dribblais, j’allais sur le terrain, je faisais des lay-ups, des lancers-francs, jusqu’à ce que les joueurs reviennent sur le terrain. » « A chaque mi-temps de nos matches, c’était le Kobe Show, s’est souvenu Leon Douglas en souriant. Il rentrait sur le terrain et prenait ses tirs. On sortait du vestiaire et on devait le pousser hors du terrain. »
Vittori, l’autre « mop boy » de l’équipe, se joignait parfois à Kobe pour aller shooter à la mi-temps des matches. Il a déclaré que son ami se la jouait vraiment « car dans son esprit, il se concentrait sur l’avenir et rien d’autre ». Roberto Maltinti, l’un des propriétaires de l’équipe de Pistoia, m’a expliqué que les fans adoraient ce petit gars frêle aux très longs pieds qui tapait la balle à la mi-temps. « Ils disaient qu’il avait du talent mais pas autant que son père. Kobe copiait les moves de Joe. »
Des années plus tard, l’un de ses anciens coéquipiers chez les Lakers, Metta World Peace, a livré son tout premier match dans le championnat italien, devant le bouillant public de Pistoia. Immédiatement après, il a téléphoné à Kobe pour lui dire : « OK, j’ai compris maintenant pourquoi tu joues comme tu le fais. » « En Amérique, les fans sont très loin de la passion des fans italiens », m’a assuré Leon Douglas en évoquant les supporters de Pistoia.
La petite amie d’Alessandro Conti me l’a confirmé. Elle est venue en Amérique et a assisté à un match dans la supposée Mecque du basket, le Madison Square Garden. Elle était stupéfaite de constater que les fans avaient l’air de ne pas vraiment prêter attention au match. « La passion qui existe ici a laissé son empreinte sur Kobe et ce, dès son plus jeune âge », m’a rapporté Conti. « Il a grandi ici, à Pistoia, et il a vu nos supporters, m’a expliqué Jacomo Vittori. C’est ici qu’il a appris à se battre avec cette intensité. »
Kobe est fasciné par la star de l’Olimpia Milano : Mike D’Antoni
Ce qui enflammait tout particulièrement les fans locaux, c’était la rivalité de l’équipe avec Montecatini, une autre petite ville montagneuse de Toscane, située à 5 km et dont la star était un gros scoreur italien. Kobe était fasciné par cette star italienne autant que par Mike D’Antoni, un autre Américain qui, à cette époque-là, menait la grande équipe de l’Olimpia Milano.
Kobe avait pris l’habitude d’être du voyage dans le bus de l’équipe, ce qui laissa une forte impression à beaucoup des coéquipiers de son père. « Quand ils sont jeunes, la plupart des enfants ne communiquent pas ou ne parlent pas avec les gens, a observé Leon Douglas. Ils sont réservés. Kobe, lui, n’était pas du tout réservé. Il communiquait. Il savait comment s’adresser aux grands. Il n’était qu’un enfant mais il savait très bien passer des adultes aux enfants de son âge et inversement. »
Douglas a décelé cela lors des déplacements dans le bus de l’équipe. Kobe regardait énormément de vidéos de matches de NBA et savait très bien que son père jouait dans une équipe italienne de seconde zone, à l’aura bien pâle, comparée au glamour de la grande Ligue américaine. « Un jour, Kobe nous a fait une déclaration très profonde, s’est souvenu Douglas. Il a dit : “Quand je serai grand, je vous montrerai comment jouer, les gars.” Il a déclaré qu’il allait devenir un grand joueur. C’était ancré dans sa tête depuis qu’il était tout petit. »
Leon Douglas m’a appris que lui et Joe Bryant étaient devenus très proches lors de ces déplacements en bus. Avec les moments que leurs familles partageaient, ils avaient fini par former une sorte de grande famille. « Joe m’a révélé un jour que sa grand-mère était pasteur, s’est souvenu Douglas. Il m’a dit qu’elle lui avait annoncé qu’il y aurait une grande réussite dans la famille, que quelqu’un ferait des choses extraordinaires qui changeraient le cours des choses pour toute la famille. L’Elu de sa prophétie était Kobe. Joe ne pensait pas être cette personne. Il ne m’a pas dit que ce serait lui. »
« Je me souviens très bien de Kobe enfant et de sa charmante famille, très unie, m’a dit Eugenio Capone, joueur de Pistoia à l’époque. Je me souviens qu’à la fin des entraînements ou des matches, Joe jouait avec lui et lui faisait faire des exercices de maniement de balle et de tir. Ils s’amusaient beaucoup et en même temps, c’était un entraînement très sérieux. On lui disait : “Arrête de l’embêter, Joe ! Ce n’est encore qu’un enfant.” Et maintenant que Kobe est devenu le joueur que nous connaissons tous, la première image qui me vient à l’esprit, c’est celle d’un père jouant avec son fils et lui apprenant des tas de choses. »
Premier contrat de sponsoring à 9 ans
Durant toute cette aventure commune, Joe a été son compagnon et son guide. Déçu par sa propre carrière, Joe voulait s’assurer que la carrière de son fils ne connaîtrait pas le même sort. Pourtant, même si Joe désirait ardemment que son fils devienne un grand joueur, c’est la motivation intérieure de Kobe qui constitua le moteur de la machine. « Mon père ne m’a jamais vraiment dit : “OK, fils, tu dois faire ceci et cela”, m’a expliqué Kobe. C’est moi qui allais le voir quand j’avais besoin d’aide. » Il avait très clairement ses propres rêves de basketteur et ils étaient stimulés par sa propre envie. Bien au-delà de la simple influence exercée par son père.
Avec le déménagement à Pistoia, Joe et Pam ont recherché un lieu éloigné des turpitudes de la ville. Ils ont trouvé une très belle villa dans le hameau de Ciriglio, dans les hauteurs d’une petite route de montagne, en dehors de la ville. C’était un lieu idyllique. Ses résidents parlent encore très ouvertement du jour où le géant Joe Bryant débarqua, le dos voûté derrière le volant de son break Volvo. Il s’était arrêté dans un bar et avait commandé un cappuccino, qu’il voulait servi dans une très grande tasse.
Roberto Maltinti m’a glissé en riant : « Très vite, Joe Bryant est devenu en quelque sorte le maire de Ciriglio. » Son sourire facile, sa présence dans les cafés du coin, sa merveilleuse famille, son énorme aura : tout cela contribuait à conquérir le cœur des gens. Des années plus tard, les gens du village gardaient de très bons souvenirs des Bryant, de même que le propriétaire de l’équipe.
Maltinti s’est souvenu que Kobe avait décroché son premier contrat de sponsoring à l’âge de 9 ans. La Ligue tenait son All-Star game à Rome et Kobe s’était proposé comme « mop boy ». Maltinti approuva cette proposition mais il voulait que Kobe porte un survêtement avec le logo de son entreprise. Kobe était d’accord mais il mena d’âpres négociations – il voulait un nouveau vélo.
Kobe a téléphoné de bon matin, au lendemain de l’événement. « Je veux que le vélo soit rouge », a-t-il dit. Il avait dorénavant un moyen de transport. Il pouvait parcourir à vélo la courte distance montagneuse qui séparait Ciriglio du terrain de l’école où il jouait au basket avec les enfants plus âgés du village. Quand ils n’étaient pas là, il jouait tout seul. « Il rentrait à la maison, faisait ses devoirs puis sortait jouer en clamant qu’il était Dr J », m’a dit Leon Douglas en riant.
Maltinti s’est rappelé que la mère et le fils étaient assez semblables. Le propriétaire se rangeait lui-même parmi les nombreux admirateurs de Madame Bryant. De nombreuses années plus tard, il parlait d’elle avec nostalgie et prononçait son nom avec beaucoup d’affection : Pah-mell-ah. « Pamela était comme un sergent dans l’armée, a déclaré Maltinti en 2015 dans une interview. Elle était la tête pensante de la famille, la cheffe de famille. Elle était magnifique, douce, directive… » De toute évidence, Joe la craignait. Maltinti a lui aussi appris à ne pas la contrarier. Un jour, la paie de Joe est arrivée en retard. Elle le lui a fait savoir vertement. La paie n’a plus jamais été versée en retard.
Sur le Mont Olympe de Kobe trône « Dr J »
La villa Bryant était si grande que dans les années qui ont suivi leur départ, elle a été divisée en deux maisons. Pam la décorait magnifiquement, s’est souvenu Maltinti, particulièrement à Noël où elle créait une ambiance d’absolue sérénité. Des années plus tard, quand il a entendu parler des déchirures au sein de la famille Bryant, il a déclaré que si la famille pouvait revenir à Ciriglio pour le Noël de Pam, elle y trouverait du réconfort et de quoi guérir ses blessures.
Vittori a passé beaucoup de temps avec la famille Bryant à Ciriglio. Il en était si proche que Shaya Bryant a été sa première petite amie. Il s’est remémoré les repas que Kobe venait partager chez lui. « Il aimait les pâtes », m’a confié Vittori. Kobe faisait toujours très forte impression aux parents de Vittori avec ses bonnes manières (qui ne se manifestaient pas sur les terrains de basket). « On n’arrivait jamais à lui faire faire des passes…, se souvenait Vittori en souriant. Mais il voulait toujours jouer au basket. Toujours. Il voulait organiser des concours de tirs. »
Les concours de tirs, c’était les rêves de Kobe devenus réalité. Il était toujours dans son délire NBA, comptant les dernières secondes, celles où il pourrait marquer contre Michael Jordan, Magic Johnson, « Dr J » ou son propre père, qui que ce soit qui lui vienne à l’esprit à l’instant T. En plus de Magic, « Dr J » était l’une des stars qui trônaient régulièrement sur le Mont Olympe de Kobe car Joe lui faisait souvent l’éloge du talent de son ancien coéquipier, d’après Maltinti.
Kobe s’était donné beaucoup de mal pour copier les moves de ces vedettes. Il dirait plus tard qu’elles ne l’impressionnaient pas tant que cela car il pouvait reproduire la plupart de ces moves. Et c’était vrai. Les enfants Bryant passaient de nombreux après-midis chez les Vittori. Parfois, lorsqu’il y emmenait Kobe, Joe Bryant apportait un bouquet de fleurs pour la maman de Vittori. De même, Vittori allait souvent chez les Bryant à Ciriglio.
Tout n’était pas parfait dans cette équipe de Pistoia mais Joe Bryant et Leon Douglas ont contribué à ce que le club atteigne ses objectifs. Quand ils sont revenus pour leur deuxième saison au club, une toute nouvelle salle de 5 000 places les attendait. C’était un ancien bâtiment désaffecté et squatté, presque un hangar, mais le public du club l’adorait. « On jouait toujours à guichets fermés », m’a expliqué Alessandro Conti, le directeur marketing et relations publiques du club.
« Tu es bon ici mais quand tu rentreras en Amérique… »
Pendant le premier échauffement du grand match d’inauguration, les paniers en plexiglas ont été explosés, donnant du travail aux « mop boys », chargés du balayage. Joe Bryant a une fois encore réalisé une très bonne année. Il a baptisé la nouvelle salle avec deux matches à 50 points, ce qui donna de l’espoir à Roberto Maltinti : Jelly Bean allait revenir pour une troisième saison. Mais Maltinti n’a jamais eu l’opportunité de proposer un nouveau contrat à Joe. Il a signé avec une autre équipe, Reggio Emilia, et les Bryant sont partis pour un nouvel épisode de leurs aventures en Italie.
Là-bas comme en d’autres lieux, l’équipe pro avait aussi une équipe Espoirs. Kobe est retombé dans ses vieilles habitudes : il s’entraînait dur mais restait à l’écart dans le vestiaire. Sur le terrain, il essayait de tout faire tout seul, ce qui faisait que ses coéquipiers se sentaient inutiles. Il était tellement meilleur que les autres, si déterminé, que sur le parquet, il donnait le sentiment qu’il lui était impossible de faire confiance aux joueurs qui lui étaient inférieurs. Ils finiraient par lui en vouloir de ne pas leur passer la balle. Plus tard, Kobe s’est souvenu qu’ils lui disaient : « Tu es bon ici mais quand tu rentreras en Amérique, tu ne seras pas aussi bon. Ça joue différemment là-bas. »
Ils n’avaient pas tort, du moins dans un premier temps. De retour à Philadelphie pour l’été, Kobe, âgé de 11 ans, s’est inscrit en Sonny Hill League. Il a disputé tous les matches sans marquer un seul panier. Certes, il jouait au niveau « supérieur », contre des joueurs plus âgés, mais il se faisait écrabouiller. « Kobe a pour ainsi dire grandi dans cette ligue », déclarerait aux journalistes, des années plus tard, Tee Shields, qui avait coaché Joe en Sonny Hill League.
Durant l’une de ses premières saisons dans la ligue, un conseiller qui passait en revue les dossiers d’inscription des joueurs a noté qu’à la rubrique « Projets de carrière », Kobe avait écrit : « NBA. » Cette réponse représentait justement le genre d’attitude déplacée que la ligue voulait écarter. Pour la ligue de Hill, le basket était un moyen d’éviter aux jeunes de tomber dans les pièges des rues de Philadelphie. Le sport lui-même était certes valorisé mais l’accent était mis sur une possibilité d’avenir.
- Le drop step est le fait d’enrouler son défenseur poste bas. Dos au défenseur, on passe une jambe de l’autre côté de la jambe du défenseur.
- Environ 97 600 euros.
- « Mop » en anglais.
A suivre…
Paru chez le même éditeur
Phil Jackson, « Un coach, onze titres NBA » (14 mai 2014)
Roland Lazenby, « Michael Jordan, The Life » (17 juin 2015)
Jack McCallum, « Dream Team » (8 juin 2016)
Kent Babb, « Allen Iverson, Not a game » (9 novembre 2016)
Jackie MacMullan, « Larry Bird-Magic Johnson, quand le jeu était à nous » (31 mai 2017)
Julien Müller et Anthony Saliou, « Top 50 : Les légendes de la NBA » (10 octobre 2018)
Marcus Thompson II, « Stephen Curry, Golden » (31 octobre 2018)
Julien Müller et Elvis Roquand, « Petit quiz basket » (28 novembre 2018)
George Eddy, « Mon histoire avec la NBA » (6 mars 2019)
Jackie MacMullan, « Shaq sans filtre » (3 juillet 2019)
Talent Editions : https://www.talenteditions.fr