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Roman de l’été : Kobe Bryant, « Showboat » (4)

Qui se cache derrière Kobe Bryant ? Vous le découvrirez avec la biographie de Roland Lazenby dont Basket USA vous propose de larges extraits pendant tout l’été.

C’est désormais une tradition sur Basket USA : chaque été et chaque hiver, nous vous proposons la lecture de larges extraits d’un ouvrage de basket, soit pour vous distraire sur la plage (comme en ce moment), soit pour occuper les longues soirées au coin du feu.

Après Phil Jackson, Michael Jordan, Larry Bird, Magic Johnson, Allen Iverson et la « Dream Team », nous vous proposons de nous attaquer à un autre monument : Kobe Bryant, quintuple champion NBA qui a pris sa retraite il y a trois ans et qui attend toujours que les Lakers lui donnent un successeur.

Ce livre, « Showboat », est signé Roland Lazenby, l’auteur qui a rédigé la biographie fleuve de Michael Jordan.

Bonne lecture !

Première partieDeuxième partie – Troisième partie

Chapitre 3 – Les joyeux drilles

Quels que soient les problèmes qui infestaient la ville, quels qu’aient pu être les pièges de ses jeunes années, Jelly Bean avait toujours pu les surmonter, aidé par son talent de basketteur, lui-même nourri par les gens de son entourage. Sa séduction naturelle avait toujours été là mais ce qui comptait davantage, pour ses mentors du basket, c’était la façon dont il jouait. Il ne faisait aucun doute que le flamboyant Jelly Bean était un pur produit des playgrounds.

Il adorait le jeu très libre des matches en plein air et les playgrounds l’adoraient, lui. C’était là où il avait appris à se mettre en valeur, à la fois dans les matches informels et dans les ligues récréatives, ouvertes à tous. Big Joe venait sur les playgrounds juste pour voir ce que son fils produirait comme nouveauté. Et il n’était pas le seul. « Quand Joe avait un match, c’était bondé, m’a raconté Vontez Simpson. Parfois, vous ne pouviez même pas accéder au playground. Tout le monde adorait voir Joe en action. » « Il souriait tout le temps, m’a relaté Paul Westhead qui a coaché Jelly Bean par la suite. Les gens disaient : « On va aller jouer au basket et s’amuser. » C’était un tel lieu commun que c’en était absurde. Mais Joe était l’un de ces gars qui s’amusaient vraiment en jouant. Grâce à sa taille et à ses qualités techniques, il avait une certaine façon de s’exprimer. » « Joe enchantait tout le monde avec sa panoplie », a également reconnu Dick Weiss.

Le choc Jelly Bean vs Jimmie Baker

Les talents de Jelly Bean, qu’il avait développés dans les matches informels et en Baker League, restaient uniques. Ce mélange de taille, de puissance athlétique et d’excellence dans le maniement de la balle le plaçait parmi l’élite de la ville. « Le truc qui bluffait tout le monde, c’est qu’il mesurait 2,06 m et que tous les gars de 2,06 m qu’on rencontrait jouaient au poste, m’a détaillé Mo Howard. Tout le monde allait se placer poste bas, pour ensuite se retourner et faire face au ballon. Eh bien Joey, lui, initiait les actions. Vous lui donniez la balle et il dirigeait la manœuvre, comme un meneur de jeu. Il prenait des tirs à six mètres ou bien il partait en dribble et faisait une passe aveugle. Personne à Philadelphie ne jouait comme Joey à l’époque. » L’un des matches les plus mémorables de l’époque opposa Jelly Bean à Jimmie Baker. Baker venait du lycée Olney et il irait jouer, plus tard, à l’université du Nevada, à Las Vegas, ainsi qu’à l’université d’Hawaï, avant d’effectuer quelques piges en ABA. « Jimmie avait un talent incroyable. Il était peut-être même meilleur que Joe, m’a confié Julius Thompson. Mais il est tombé dans la drogue et il a fini accro. » « Il mesurait environ 2,03 m, s’est souvenu Mo Howard. Il était lui aussi un géant athlétique, même si son registre était plus restreint que celui de Joey, parce que Joey pouvait tout faire. Il savait dribbler, passer, tirer. Je me souviens d’un match dans le match, un concours de tirs entre Joey et Jimmie dans l’une des rencontres de Sonny Hill. Holala ! Mon gars, c’était hallucinant. Je pense que Jimmy en avait mis 32 et Bean 28, et rien que des tirs extérieurs. Les deux gars les plus grands sur le terrain prenaient des jump shots et personne dans la raquette. C’était inhabituel, non conventionnel. Ce n’était pas comme ça qu’on était censé jouer au basket à l’époque. »

Un électron libre qui pose problème

Ce qui différenciait principalement Jelly Bean des autres, c’était sa dextérité avec la balle. « J’ai vu des gars tomber par terre après les multiples feintes de Joe… », s’est rappelé Gilbert Saunders en souriant. On peut présumer que le style de Jelly Bean a pu poser problème dans une équipe de Public League coachée d’une manière plus traditionnelle, comme cela se faisait dans les lycées, et tout particulièrement à Bartram où il a joué pour un coach, Jack Farrell, très à cheval sur la discipline.

Farrell était aussi professeur d’anglais et le surveillant général des garçons, chargé notamment de les tenir à distance de l’influence des gangs. Il était assisté d’un homme du nom de Jack Gallagher, un Irlandais robuste qui s’efforçait de prêter main forte à autant de jeunes athlètes qu’il le pouvait. Farrell savait reconnaître les talents. « Il avait une grande affinité avec les jeunes Noirs, s’est souvenu Julius Thompson, qui assurait la couverture médiatique des équipes de Farrell. C’était un personnage unique. Il comprenait les gens. Beaucoup de coaches de l’époque ne comprenaient pas les joueurs dont ils s’occupaient. Jack Farrell, lui, les comprenait. Il avait affaire à des durs, pas à des enfants de chœur. » « Il écoutait Joe sur beaucoup de choses, s’est souvenu Vontez Simpson, qui était alors responsable du matériel de l’équipe à Bartram et qui a ensuite fait partie de l’équipe fanion du lycée. Il écoutait les idées de Joe. M. Farrell lui laissait beaucoup de liberté balle en main. » Plus important encore, le coach avait d’emblée accepté l’idée d’utiliser toute la palette du talent de Jelly Bean, ce qui voulait dire utiliser la qualité de dribble et de passe du pivot pour aider les meneurs à monter la balle contre les nombreuses presses tout terrain que sa formation rencontrait.

Le « big man » pas comme les autres

« La première fois que j’ai vu Joey en Public League, il détruisait une presse tout terrain, s’est souvenu Mo Howard en riant. Aucun autre « big man » ne faisait ça. Les coaches ne le leur permettaient pas. » « J.B. donnait à Coach Farrell beaucoup de flexibilité pour sortir des presses, a reconnu Gilbert Saunders, qui a lui aussi joué à Bartram. Joe impliquait les autres car Jack Farrell le laissait jouer meneur. » Farrell lui laissait également carte blanche pour prendre des shoots. « Il n’a jamais pris un tir qu’il ne sentait pas, s’est souvenu Simpson en souriant. Il prenait toujours le shoot à zéro degré dans le coin. On savait que lorsqu’il avait le ballon dans cette position, il allait le prendre. » Presque partout ailleurs en Amérique, un « big man » qui prenait un tir dans le coin se retrouvait direct sur le banc avec un sermon. Ce genre de shoot deviendrait un élément basique au XXIe siècle mais en 1972, c’était considéré comme un sérieux manque de discipline. « Joe a trouvé en Jack Farrell quelqu’un qui pouvait le contenir et tirer le meilleur de lui-même. Quelqu’un, aussi, qui pouvait lui laisser la liberté de s’épanouir dans son jeu », a comment. Paul Westhead qui ferait la même chose plus tard.

Cette liberté donnait à voir beaucoup de choses, comme Mo Howard me l’a dit avec admiration : « On ne pouvait pas défendre sur lui tout terrain et il était ingérable à sept mètres. Coach Farrell était conscient du talent de Joey. Il le laissait faire tout ce qu’il fallait pour que son équipe gagne. Imaginez un peu… Toutes les autres formations de lycée qui avaient un gars de 2,06 m ne le faisaient jouer que poste bas. D’un coup, Bartram alignait un gars de 2,06 m qui n’était presque jamais poste bas. Et Joey, même s’il était encore jeune, avait un énorme Q.I. basket. Voilà un gars qui pouvait jouer. Oh oui… Il aurait pu prendre les matches à son compte et enquiller 40 pions à chaque fois mais il ne le faisait pas. Il jouait pour l’équipe, il aimait gagner. »

Le panier artistique plutôt que le geste efficace Même s’il n’était pas un joueur égoïste, Bryant avait son lot de matches à gros scoring. « Bartram n’était pas une équipe vraiment forte, a ajouté Howard, mais avoir un gars comme Joey, qui pouvait faire tout un tas de choses et qui avait la liberté de les faire, ça en faisait une formation exceptionnelle. S’agissant du dribble, des passes et du timing, il était absolument exceptionnel. » Bryant était un compétiteur féroce mais avec son jeu très stylé, il a parfois paru plus enclin à rechercher le panier artistique plutôt que le jeu simple (donc, le geste efficace). Cette perception le poursuivrait à l’université et chez les pros. Elle avait pourtant du vrai. « Ce trait de caractère de Kobe vient de lui », m’a dit Vontez Simpson.

Des années plus tard, un débat a enflammé les vieux observateurs du basket à Philadelphie : lequel de Kobe ou de Joe Bryant était le meilleur en highschool ? La plupart du temps, les anciens penchaient en faveur de Joe. Ils mettaient en avant sa taille et ses qualités techniques uniques. En passant en revue la carrière de Jelly, Julius Thompson, qui a consacré des années de sa vie à écrire sur le basket et à coacher, en a conclu qu’il était un joueur du XXIe siècle : « J’adore Kobe, pour sûr, mais j’ai vu Joe dans sa jeunesse et à 2,06 m, il pouvait faire tout ce que Kobe, qui mesurait 1,98 m, a ensuite fait. »

Le début de la gloire

De plus, Joe Bryant a réalisé une performance que son fils n’a jamais accomplie : mener une équipe au titre de champion de la Public League de Philadelphie. Jelly Bean, qui portait le n°23, réussit à le faire en 1972, lors de son année de Terminale, alors que les fans se pressaient à la salle pour l’encourager, lui et ses coéquipiers. Dans la dernière ligne droite de la saison, il a marqué 57 points (avec un record de 26 paniers marqués) dans un match et 40 dans un autre. Il a été élu MVP du tournoi de la Public League après avoir conduit Bartram à des victoires contre le lycée Gratz (coaché par le jeune John Chaney, juste avant qu’il ne parte entraîner à l’université) et contre Germantown, dont le leader était le futur joueur NBA Mike Sojourner.

Sojourner, 2,05 m pour 110 kg, jouait intérieur aux côtés d’un seven footer (1). Le lycée Germantown possédait une équipe très forte grâce à sa taille, même en Public League, mais Joe a relevé le défi, comme me l’a rappelé Julius Thompson : « Joe a complètement pris feu contre eux. Il a pris le match à son compte et il a marqué environ 30 points ce jour-là. » Jelly Bean a marqué 30 points, très exactement, et pris 12 rebonds dans ce match pour le titre. Mais c’est la très bonne partie de son coéquipier Joe « Mad Dog » Pride qui a enflammé la partie et initié le retournement de situation nécessaire pour aller décrocher la victoire. Ensuite, Joe et son père ont posé côte à côte, en souriant, pour un photographe du « Tribune », se tenant l’un, l’autre par les épaules, l’index pointé vers le ciel. Le visage de « Big Joe » était complètement rayonnant.

Ce succès au lycée a concentré l’attention de toute la ville sur Jelly Bean et il était prêt pour cela, comme s’en souvient Dick Weiss : « Joe avait déjà une très forte personnalité au bahut. Une sacrée personnalité… Il se marrait tout le temps. C’était toujours très agréable d’être en sa compagnie. Il était discret, charmant, toujours content de vous voir. Je pense que c’était un excellent ambassadeur, non seulement pour la Sonny Hill League mais aussi pour toute la ville, parce que vous ne pouviez pas vous empêcher de sourire quand vous le voyiez jouer. Tout le monde le connaissait et tout le monde l’appréciait. » Pour Julius Thompson, « tout cela venait de Big Joe, qui avait le même comportement. Joe savait parler. Les gens adoraient son surnom, Jelly Bean. Il était effervescent, plein de vie. Très communicatif. »

Bryant père MVP de la Public League

La prochaine étape était le match pour le titre de champion de la ville, qui opposait le champion de la Public League à la meilleure équipe de la Catholic League. Le candidat de la Public League battait presque toujours celui de la Catholic. Cette année-là, St. Thomas More avait presque battu Bartram dans cette rencontre très serrée qu’avait été le tout premier match de la saison. Pourtant, beaucoup pensaient raisonnablement que Bartram restait le grandissime favori pour remporter le trophée, grâce à la force du jeu de Joe.

La plupart des formations de la Catholic League essayaient de ralentir le tempo du match pour diminuer l’impact physique de la Public League. Mais l’équipe de St. Thomas More avait les qualités physiques suffisantes pour rivaliser avec Bartram. « Bartram est arrivé hyper confiant, s’est souvenu Vontez Simpson. Ils croyaient ne faire qu’une bouchée du petit St. Tommy More. Oh, purée, ça a été une grosse désillusion… » Jelly Bean était complètement abattu après la défaite, m’a dit Simpson.

Le trophée de MVP de la Public League n’a été qu’une des nombreuses récompenses attribuées à Bryant cette saison-là et avec elles sont arrivées de nombreuses sollicitations de coaches d’université à travers tout le pays. « Big Joe » recevait tellement d’appels qu’il a dû changer son numéro de téléphone. A cette époque, Sonny Vaccaro, qui connaîtrait plus tard son heure de gloire en tant que responsable marketing dans l’industrie de la chaussure de sport, était un éducateur spécialisé en école primaire, à Pittsburgh, aux cheveux en bataille. Chaque année, il dirigeait le All-Star Game des lycées représentant l’élite du pays. Appelé le Dapper Dan Roundball Classic, cet événement attirait les meilleurs coaches d’Amérique. Ils venaient en Pennsylvanie chaque printemps pour voir les meilleurs lycéens du pays.

Mo Howard et Jelly Bean ont tous les deux été invités à participer à ce match. Leurs pères étaient impatients de faire le voyage. « J’avais une Ford Pinto, s’est souvenu Howard en évoquant la petite voiture qu’il conduisait à l’époque. Et je ne sais toujours pas comment ils en sont arrivés à poser leurs gros culs dedans pour que je les emmène jusqu’à Pittsburgh avec Joey et moi… On parle de gars qui venaient du Sud profond. Je sais que mon père ne savait pas qui était son propre père. On venait d’un milieu modeste, mon gars, et nos pères bossaient dur. Avoir un peu de notoriété en étant jeune, ça comptait bien plus que la plus grosse paie que nos pères auraient pu avoir. »

Un Magic Johnson avant l’heure

Les choses ont pris une belle tournure pour « Big Joe » Bryant ce week-end-là. Son fils a été élu MVP du All-Star Game. Cela a focalisé encore plus l’attention des universités sur Jelly Bean, au grand regret de Daddy. La famille voulait que Joey joue au basket dans une université de Philadelphie. Elle pourrait ainsi être aux premières loges pour assister à son ascension vers la gloire. Bryant a ajouté ce trophée à sa collection, dans la maison de Willows Avenue. Une collection très impressionnante, s’est souvenu Gilbert Saunders.

Ce dernier a été sélectionné pour disputer le match de Sonny Vaccaro la saison suivante. Le visionnage du match de 1972, dans lequel Jelly Bean avait dominé les meilleurs lycéens du pays, a fait partie de la présentation du Dapper Dan 1973. « C’est la première fois que je me suis fait une idée de l’étendue du talent de Joe », m’a dit Saunders. « Joe pouvait littéralement tout faire sur un terrain, s’est souvenu Dick Weiss. Et il avait la capacité de jouer à tous les postes. Il savait manier le ballon, il pouvait jouer à l’intérieur, il avait toutes les armes offensives. Il y avait du Magic Johnson dans son jeu. Je ne dis pas qu’il était Magic mais il maîtrisait les cinq postes. Donc, avant Magic (ndlr : qui débarquerait sur la scène à la fin des années 1970), Joe Bryant avait le même style. Il était très bon balle en main en transition, il faisait jouer les autres et il créait des situations où il enflammait la foule avec son arsenal. » Des journalistes aux coaches en passant par les joueurs adverses, tout le monde pensait que Jelly Bean était en route vers les sommets. Il aurait pu aller où bon lui semblait mais il voulait rester près de chez lui. Il savait qu’il était un héros chez lui à Philly, il se complaisait dans son statut de célébrité locale, il voulait jouer dans le Big Five (2) de Philadelphie. Au final, il a dû choisir entre Temple et La Salle. Et Jelly bean a choisi La Salle parce que c’était là qu’un de ses héros, Kenny Durrett, avait joué. Le coach de La Salle, Paul Westhead, avait mis en place un jeu de transition rapide qui lui semblait très alléchant.

Le coup de massue de la NCAA

« La Salle avait une très bonne réputation de pépinière de talents, m’a expliqué Dick Weiss. Elle l’avait héritée de Tom Gola, fin des années 1940, début des années 1950. Joe était censé être le prochain grand joueur. En fait, 1972 a vraiment été une année spéciale concernant le basket lycéen à Philly parce que Joe Bryant, Mike Sojourner – qui a atterri à l’université d’Utah – et Mo Howard étaient tous de la même année et qu’ils formaient un « Big Three. C’était les trois joueurs que tout le monde s’arrachait. » Paul Westhead m’a confirmé que Joe était supposé être leur future grande vedette. A cette époque, les coaches ne scrutaient pas vraiment les joueurs avant la fin de leur cursus de lycéen. « Je ne l’ai pas suivi quand il avait 12, 13 ou 14 ans. Aujourd’hui, il serait sur le radar des coaches d’université dès l’âge de 12 ans. Ils se diraient : « Il y a un gamin à West Philly qui peut devenir vraiment bon. » Quand je me suis impliqué pour la première fois auprès de Joe, il était en Terminale. Il avait un magnifique don naturel. Et il aimait jouer, alors il travaillait son jeu. Ce n’était pas du tout un garçon paresseux. Absolument pas. Parce qu’il aimait le basket. Le basket semblait le définir tout entier. C’était une chose qu’il savait faire. Aucun problème là-dessus », m’a expliqué Westhead.

Tandis que Joe avait opté pour La Salle, Mo Howard avait signé à « l’UCLA de l’Est », comme le coach Lefty Driesell appelait son programme à Maryland. Leur décision prise, les deux amis ont passé le printemps et l’été à arpenter les terrains de la ville. Howard m’a fait partager ce souvenir en souriant : « En Terminale, Joe Bryant et moi avons quasiment tout fait ensemble. Je passais le chercher après les cours. Je prenais la voiture, pour aller de mon lycée au sien, et j’allais le chercher. Il montait dans la bagnole et on allait voir où on pouvait faire des matches. Dans toute la ville, dans les recreation centers (3), sur les playgrounds. Il y avait plusieurs ligues en banlieue. On était des lycéens et on jouait contre des adultes mais on les massacrait, mon gars. On les massacrait ! » Ce que Mo et Joe ne pouvaient pas massacrer, c’était la National Collegiate Athletic Association. L’institution qui gère encore aujourd’hui le sport universitaire avait de nouveau changé ses règles d’éligibilité. Cette fois, c’était pour « prévoir » la réussite des nouveaux athlètes aux examens. La nouvelle formule signifiait que ni Bryant, ni son copain Howard ne serait éligibles en tant que freshmen, étudiants de première année.

La lucidité de Paul Westhead

Howard est quand même parti à Maryland et Joe Bryant a passé la majeure partie de son temps chez Gilbert Saunders, durant ce qui est devenu une année perdue. Il a joué des matches internes à La Salle et a beaucoup fréquenté ses anciens lieux de prédilection : les playgrounds. Toujours incroyablement mince pour un sophomore (4) universitaire (il pesait moins de 90 kg), il a joué pour la première fois avec les La Salle Explorers durant la saison 1973-74 et leur a immédiatement apporté un plus en termes de talent. Paul Westhead, qui avait déjà acquis une réputation d’expert concernant William Shakespeare, dirigeait ses matches avec des allures de savant universitaire, en pull à col roulé et en veste.

Jelly Bean joua donc son rôle dans ce qui semblait être une version basket des pentamètres iambiques (5) chers à Shakespeare. Une publication étudiante de La Salle le décrivit comme un « génie flamboyant ». « Ce n’était pas juste sa taille qui faisait la différence, s’est rappelé Westhead. C’était un joueur tellement fluide dans ses mouvements ! Il ne connaissait pas le mot « statique », ça ne voulait rien dire pour lui. Il était toujours en mouvement, poste haut, poste bas, sur les ailes. Son jeu était tout en rebonds. Et c’était vrai aussi d’un point de vue défensif, il était toujours en train d’essayer d’intercepter la balle. » Jeune coach, Westhead adorait le jeu rapide en transition, donc son équipe faisait beaucoup de presse afin de bénéficier d’un maximum de relances en transition. En premier lieu, Bryant pouvait prendre un rebond défensif et grâce à sa qualité de dribble, il n’était pas obligé de transmettre la balle au meneur. « C’est le genre de gars qui pouvait prendre un rebond défensif et faire un « coast to coast » (6) en dribble, m’a expliqué Westhead. Dans les années 1970 et ensuite, vous ne voyiez pas cela si souvent. » Cinq ans plus tard, Magic Johnson, 2,06 m, deviendrait célèbre pour cette faculté. Et pour avoir mené Michigan State au titre de champion national. Plus tard, il porterait les Los Angeles Lakers vers cinq titres NBA. En 2015, Draymond Green contribuerait à faire gagner le titre NBA aux Golden State Warriors en étant un facilitateur de jeu particulièrement puissant, capable de lancer les contre-attaques. Mais un « big man » avec les qualités d’un meneur, c’était pratiquement du jamais-vu en 1974.

« Joe Bryant l’a fait avant que tout le monde pense que c’était possible ou avant qu’on vous laisse le faire », m’a précisé Westhead. La présence de Jelly Bean a contribué à installer le tempo rapide que Westhead souhaitait. « Il pensait qu’il fallait prendre l’adversaire de vitesse, m’a expliqué Thompson. S’il n’avait pas marqué 50 points à la mi-temps, il était contrarié. » « Westhead était un coach adepte du « run and gun » » (7), a commenté Gilbert Saunders.

L’intéressé l’a formulé d’une autre manière : « Je pense que j’ai décelé et reconnu son talent. Et je l’ai laissé s’épanouir. Je ne le faisais pas jouer meneur mais pendant un match, il arrivait qu’il fasse un peu tout. Ce n’était pas comme si Joe était partout sur le terrain, à faire tout ce qu’il voulait. Joe était le genre de gars qui trouvait un moyen de faire son truc, particulièrement quand il avait le ballon. J’essayais de réduire notre attaque demi-terrain. J’essayais de pousser le tempo. On jouait toujours à un rythme plutôt élevé. »

  1. Un « seven footer » est un joueur qui mesure sept pieds (« seven feet ») ou plus, soit 2,13 mètres ou plus.
  2. Le Big Five de Philadelphie désigne les cinq établissements que sont l’université de Pennsylvanie et les universités La Salle, Saint Joseph’s, Temple et Villanova.
  3. Equivalent des maisons de quartier ou des MJC en France.
  4. Etudiant en deuxième année à l’université.
  5. Type de vers les plus fréquents dans les pièces de William Shakespeare.
  6. Action de traverser le terrain d’un panier à l’autre.
  7. Le « run and gun » est le fait de jouer sur un tempo élevé, de courir et de prendre beaucoup de tirs.

A suivre…

Paru chez le même éditeur

Phil Jackson, « Un coach, onze titres NBA » (14 mai 2014)

Roland Lazenby, « Michael Jordan, The Life » (17 juin 2015)

Jack McCallum, « Dream Team » (8 juin 2016)

Kent Babb, « Allen Iverson, Not a game » (9 novembre 2016)

Jackie MacMullan, « Larry Bird-Magic Johnson, quand le jeu était à nous » (31 mai 2017)

Julien Müller et Anthony Saliou, « Top 50 : Les légendes de la NBA » (10 octobre 2018)

Marcus Thompson II, « Stephen Curry, Golden » (31 octobre 2018)

Julien Müller et Elvis Roquand, « Petit quiz basket » (28 novembre 2018)

George Eddy, « Mon histoire avec la NBA » (6 mars 2019)

Jackie MacMullan, « Shaq sans filtre » (3 juillet 2019)

 

Talent Editions : https://www.talenteditions.fr

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