Successeur surprise de Mike Malone il y a seulement cinq semaines, David Adelman va vivre dimanche soir son premier Game 7 comme « head coach ». Mais à 44 ans, l’entraîneur des Nuggets possède une expérience unique en son genre puisqu’il a été plongé tout petit dans la marmite du basket. En fait, tout a commencé dans les entrailles du Memorial Coliseum de Portland, alors qu’il n’était qu’un enfant.
Fils cadet de Rick Adelman, David passait ses journées à plier des serviettes, remplir des glacières et écouter les discours d’avant-match de techniciens comme George Karl ou Jerry Sloan. « Ballboy », il ne se contentait pas d’observer ; il apprenait, il absorbait. Dans cet univers peuplé de géants, de stars et de tension, David ne se sentait pas intimidé : il était chez lui dans un vestiaire.
Hospitalisé un an pour soigner une maladie rénale
Mais un jour, alors qu’il a 12 ans, ce sanctuaire devint le théâtre d’un événement déterminant. En tentant d’attraper une paire de chaussures du regretté Jerome Kersey sur une étagère trop haute, David tomba lourdement d’un tabouret. Une douleur fulgurante, du sang dans ses urines, une hospitalisation d’urgence. Ce n’était pas une simple chute : elle révéla un grave problème congénital au rein gauche. Moins de 36 heures plus tard, il subissait une opération qui allait bouleverser sa vie.
Pendant un an, raconte The Athletic, David va vivre entre les murs de l’hôpital pour enfants Doernbecher de Portland. Il partageait sa chambre avec de jeunes patients atteints de cancer. Il voyait leurs familles se battre contre l’inévitable. Il entendait les silences lourds, observait les regards résignés. C’est là qu’il comprit, très jeune, que chacun porte en lui une douleur invisible. Une leçon de vie qui deviendrait plus tard le fondement de son approche en tant qu’entraîneur : ne jamais oublier l’humain derrière le joueur.
Cette maturité précoce n’a fait que s’approfondir avec le temps, notamment à travers l’épreuve la plus déchirante de sa vie : la perte de son frère aîné, R.J. En 2018, R.J., ancien assistant de Rick à Houston et responsable du personnel aux Timberwolves, fut fauché par une voiture à 44 ans. Pour David, c’était bien plus qu’un frère : c’était un confident, un modèle, un complice. Malgré leur huit ans d’écart, ils partageaient tout, des concerts de Radiohead aux discussions passionnées sur les systèmes offensifs.
La mort de son grand-frère
Aujourd’hui encore, David pense à lui à chaque match. Pendant l’hymne national, il ferme les yeux. « C’est comme si j’avais perdu une partie de moi et elle ne repoussera jamais… », dit-il. « C’est la première personne à qui je pense… son absence… et c’est lourd… »Il regrette de ne pas pouvoir l’appeler après une victoire, ou lui demander conseil avant un match crucial, comme ce Game 7. Et pourtant, c’est bien l’esprit de R.J. qui l’accompagne sur le banc, chaque soir, et peut-être dimanche encore plus.
Mais au-delà de son histoire personnelle, ce qui définit le plus David Adelman, c’est son enracinement dans la famille. Chez les Adelman, le basket n’est pas qu’un métier : c’est un langage commun. Autour de la table, on parle défense de zone, gestion d’ego et lecture du jeu. Sa sœur Kathy est elle-même coach réputée à Portland avec deux titres d’Etat de l’Oregon au lycée. Son père Rick, coach infiniment respecté pour ses passages aux Blazers, aux Kings et aux Rockets, continue de le conseiller en toute discrétion, par SMS avant et après les matchs.
Lorsque David a été nommé entraîneur intérimaire après le limogeage de Michael Malone, son premier réflexe fut d’appeler son père. La réponse fut à l’image de Rick : sobre et pleine de sens. « C’est une belle opportunité », lui dit-il calmement. Pas d’explosion d’émotion, juste l’essentiel. Et David, en pleine tempête, a compris qu’il venait de recevoir exactement ce dont il avait besoin : du calme, du soutien, de la clarté.
L’humain avant le technique
Aujourd’hui, dans le tumulte des playoffs, David reste fidèle à l’héritage familial. Il entraîne comme son père : avec rigueur, mais aussi avec une attention sincère envers tous ses joueurs, titulaires ou remplaçants. Il se souvient de ce qu’il a vu dans les hôpitaux : l’importance de prêter attention à ceux qu’on ne voit pas.
Parce qu’il a grandi dans un vestiaire, connu la douleur physique et la perte irréparable d’un frère, David Adelman fait passer l’humain avant tout. Comme entraîneur, il laisse une grande liberté à ses joueurs, et on a vu, depuis sa prise de pouvoir, que Nikola Jokic ou Russell Westbrook pouvaient prendre la parole lors des temps-morts.
Et à chaque victoire, à chaque moment partagé, il honore ceux qui l’ont porté jusqu’ici. « Pouvoir dire un jour, plus tard, que j’ai fait ça, c’est vraiment un grand honneur, » confie-t-il. « J’ai plein d’amis et de membres de ma famille qui se moquent de moi et me chambrent quand on perd, donc je reste humble. Mais je suis aussi très conscient de l’honneur que représente cette fonction. »
Et sans doute que son formidable parcours en playoffs, que les Nuggets passent ou pas l’obstacle Thunder, lui permettra de s’inscrire sur le long terme sur le banc de Denver. Ou ailleurs.
« Quand on a battu Sacramento lors du premier match, la première chose à laquelle j’ai pensé une fois le match terminé, ce sont tous les excellents assistants qui n’ont jamais eu la chance de faire ça, » conclut Adelman. « C’est un honneur. Il n’y a que 30 postes comme celui-là, alors j’essaie de l’honorer du mieux que je peux. Et si je finis par obtenir ce poste, ou un autre plus tard, je veux garder ça en tête en permanence, chaque jour où je l’exerce. »