Avant de remonter dans la hiérarchie de l’Est avec Joel Embiid et Ben Simmons, Philadelphie a collectionné les défaites durant plusieurs saisons, au nom du « Process », avant de voir sa jeunesse à l’œuvre. Au point de flirter avec un record absolu de médiocrité en 2016, que leurs aînés avaient établi des décennies auparavant.
Bilan saison 2015 – 2016
10 victoires – 72 défaites (pourcentage de victoires : 12,2%)
Effectif
Jahlil Okafor, Ish Smith, Robert Covington, Nerlens Noel, Isaiah Canaan, Hollis Thompson, Carl Landry, Jerami Grant, Nik Stauskas, Tony Wroten, T.J. McConnell, Richaun Holmes…
Un auto-sabotage assumé
« TRUST THE PROCESS !!!! » Mi-novembre 2014, sur Twitter, un certain Joel Embiid ne semble pas s’inquiéter de la 10e défaite de suite concédée par les Sixers. C’est l’une des premières fois que la formule, passée à la postérité depuis, est utilisée en public. Le pivot, drafté quelques mois plus tôt en 3e position, ne s’imagine sans doute pas n’effectuer ses débuts dans la grande ligue que deux ans plus tard.
Au moins, le Camerounais semble faire confiance à l’homme derrière ce « process » : Sam Hinkie. Cet adepte des statistiques avancées, arrivé en mai 2013, s’est mis en tête de reconstruire la franchise à coup de tours de Draft. Son premier fait d’arme est d’échanger le All-Star local, Jrue Holiday, pour récupérer Nerlens Noel lors de la Draft 2013.
À partir de là, le dirigeant échange à tout va, y compris Michael Carter-Williams qu’il avait pourtant drafté et qui était auréolé de son titre de Rookie de l’année en 2014. Difficile de voir toujours très clair dans cette stratégie qui se traduit par des résultats sportifs chaotiques (19 victoires en 2014, puis 18 l’année suivante).
Cette vaste opération « tanking » qui ne porte pas son nom s’étale ainsi sur plusieurs années. Avec à la clé donc, de très hauts choix de Draft : Joel Embiid (3e pick en 2014), Jahlil Okafor (3e pick en 2015)… À l’entame de cette saison 2015-2016, puisque le premier cité est parti pour connaître une nouvelle saison blanche à cause de son pied, le second, en qui Brett Brown voit le potentiel d’un Tim Duncan, suscite de maigres espoirs pour cette équipe destinée à vivre un enfer de plus.
Les frasques de Jahlil Okafor
Capuche sur la tête, un grand gaillard s’extirpe du bar de nuit pour naviguer dans les rues de Boston. Il n’est pas seul. Quelques individus chambreurs gravitent autour de lui. Ça crie, ça se provoque, ça s’insulte. Le géant finit par perdre patience en allant frapper et mettre au sol plusieurs d’entre eux. La scène aurait tout d’une banale altercation de fin de soirée éméchée si son principal protagoniste ne s’appelait pas… Jahlil Okafor.
Fin novembre 2015, le rookie des Sixers n’a que quelques matches NBA dans les jambes et il défraie la chronique en se retrouvant impliqué dans plusieurs événements extra-sportifs. « Je ne veux pas être une distraction pour l’équipe », plaide pourtant l’intéressé, suspendu deux matches par son équipe. C’est raté.
Après un mois de compétition, les Sixers rentrent déjà par la petite porte de l’histoire. Eux qui avaient réussi à démarrer leur saison précédente avec 17 défaites de suite font encore pire avec un revers de plus. Ils égalent le record du pire démarrage détenu depuis quelques années par les Nets.
Sans surprise, Philadelphie est beaucoup trop tendre. L’expérience et le talent manquent à tous les niveaux, à l’instar du poste de meneur où Brett Brown doit jongler entre Isaiah Canaan et le rookie T.J. McConnell, en attendant le retour de l’un des plus grands « voyageurs » de la ligue, Ish Smith. Kendall Marshall, qui s’est vu offrir un étonnant contrat de quatre ans, est lui bloqué à l’infirmerie tout comme Tony Wroten, annoncé comme titulaire.
Pire, ce qu’on pensait être la raquette de l’avenir des 76ers ne fonctionne pas. Ainsi Nerlens Noel puis Jahlil Okafor perdent chacun leur tour (par séquence) la place de titulaire pour faire de la place à l’autre. On ose encore à peine imaginer ce qu’il adviendra de cette étrange cohabitation avec les débuts attendus de Joel Embiid…
Début décembre, l’excitation s’empare du Wells Fargo Center. Les fans saluent comme il se doit la dernière venue de l’enfant du pays, Kobe Bryant. Et en oublient presque que leur équipe vient de débloquer son compteur à victoire en battant des Lakers, embarqués eux dans une tournée d’adieux peu enviable. Cette seule victoire permet déjà à Brett Brown de prolonger son bail à la tête des Sixers pour au moins deux ans.
Un cadeau empoisonné, pensent certains, alors que l’équipe poursuit sa plongée dans les abysses : 30 défaites après 31 rencontres jouées. « J’ai fait un tas d’erreurs et je suis sûr que j’en ferai d’autres », concède alors l’architecte en chef, Sam Hinkie, qui compte désormais Jerry Colangelo comme consultant. Alors que d’autres dirigeants de la ligue semblent s’agacer de l’attractivité en chute libre d’un marché de la taille de Philadelphie, le GM reste contre vents et marées fidèle à sa philosophie : « Nous plantons des graines pour obtenir un verger. »
Une embellie de courte durée
En attendant, les Sixers restent les bonnes pommes de la ligue si bien qu’un ancien de la maison, Larry Brown, en appelle à ce que Allen Iverson vienne rebooster les troupes. Mais c’est plutôt sous l’impulsion d’Ish Smith, revenu pour Noël, que l’équipe parvient à remonter la pente avec un bilan honorable sur quinze matches (6 victoires – 9 défaites). À la même période, Philly a la bonne d’idée d’injecter des hommes d’expérience sur son banc, avec un Elton Brand aux portes de la retraite et un Mike D’Antoni qui veut retrouver des couleurs en tant qu’assistant, après son passage mitigé aux Lakers.
Cette embellie est de courte durée. La paire Noel – Okafor continue d’interroger au point que le nom du dernier arrivant, dont l’investissement défensif est déjà pointé du doigt (Boban Marjanovic et les autres s’amusent avec lui…), est même cité parmi les rumeurs de transfert, à quelques heures de la « trade deadline ». Et voilà que le père du rookie critique Brett Brown pour l’avoir sorti du cinq tandis que le paternel de Kendall Marshall reproche au coach des choix de rotation basés sur la couleur de peau… Ambiance.
Sur le terrain, les Sixers repartent pour des séries de 13 puis 12 défaites de rang. Ils redeviennent de sérieux candidats au pire bilan de l’histoire de la ligue sur 82 matches détenu par leurs aînés durant la saison 1972 – 1973 (9 victoires – 73 défaites, notre prochain volet).
Le 6 avril 2016, alors qu’il reste une poignée de matches à jouer, coup de tonnerre : Sam Hinkie démissionne ! Dans sa lettre longue de… 13 pages, dans laquelle il cite une flopée de grands décideurs (Warren Buffett, Jeff Bezos, Elon Musk…), il assure notamment ne plus se sentir « en confiance pour prendre de bonnes décisions, vu tous les changements apportés à l’organisation ». Une référence à la présence de plus en plus imposante de Bryan Colangelo. En plus de mentionner l’arrivée prochaine de Dario Saric, le dirigeant espère avoir fait le bon choix en draftant Joel Embiid. Ne pas savoir à l’époque lui donne « mal à la tête »…
Au même moment, l’équipe parvient à décrocher sa 10e victoire de sa saison. Malgré 29 défaites sur leurs 31 derniers matches, Philadelphie évite ainsi le pire.
L’axe Ben Simmons – Joel Embiid constitué
« Je croiserai les doigts pour vous le soir de la ‘lottery’ » Ainsi terminait Sam Hinkie sa lettre de démission. Un vœu exaucé car Philly hérite du premier choix de Draft 2016. La médiocrité des 76ers a encore une fois « payé ». Brandon Ingram et surtout Ben Simmons sont les deux hommes les plus cités comme cible potentielle. Les 76ers jettent finalement leur dévolu sur l’Australien.
Avec lui, Dario Saric et les grands débuts (même écourtés) de Joel Embiid, Philadelphie présente une toute autre allure la saison suivante. Saison durant laquelle Nerlens Noel sera échangé, avant d’être suivi par Jahlil Okafor. C’est bien avec la paire Embiid – Simmons que la franchise fera son retour en playoffs. « Trust The Process »…