La légende raconte que les experts pour provoquer un passage en force se font de plus en plus rares. Les stats sur ce sujet n’ont été comptabilisées que sur le tard, difficile donc de se faire une vraie idée. Pour DeMarcus Cousins, c’est même devenu « un art qui se perd », un comble alors que le basket moderne fait la part belle au jeu rapide.
En place en NBA depuis 30 ans, Gregg Popovich fait le même constat.
« On peut compter le nombre de « charges » prises sur les 5-10 derniers matchs sur les doigts d’une main, dans certaines situations », a récemment déclaré le stratège des Spurs. « On en voit beaucoup plus à l’université qu’en NBA. Peut-être qu’ils protègent leurs contrats, qu’ils ne veulent pas être blessés, je ne sais pas. Il n’y en a pas beaucoup, ça c’est sûr. »
« Les joueurs font de plus en plus l’erreur de tomber avant l’impact »
Il faut en effet quelques prédispositions pour maîtriser l’art de provoquer un passage en force. Le sens de l’anticipation d’abord, afin d’avoir les deux talons solidement ancrés sur le parquet avant l’impact, le sens du timing, pour ne pas feindre le contact et tomber avant le choc. Et comme le suggère Pop, il ne faut pas avoir peur de prendre des coups et savoir tomber !
« Tu peux vraiment te faire mal si tu ne sais pas comment en provoquer un. Même si tu sais de toute façon, tu peux te faire mal », expliquait Anthony Tolliver, un des spécialistes du genre, à qui il est arrivé de recevoir un coup de genou de Steven Adams sur la poitrine pour obtenir le juste coup de sifflet. « Si tu te jettes en arrière dès le moindre contact, l’arbitre peut interpréter que tu n’as pas pleinement absorbé le contact. Les joueurs font de plus en plus l’erreur de tomber avant l’impact (…). Quand vous regardez un joueur comme Marcus Smart, il essaie parfois de le vendre un peu trop en faisant des vagues, mais il n’y a pas que lui. DeMarcus (Cousins) aussi, et par conséquent, il n’obtient pas certains coups de sifflet qu’il devrait recevoir, parce que les arbitres essaient de prendre une décision en se demandant : est-ce qu’il a été touché, ou est-ce qu’il essaie juste de me faire un sale coup ? »
Cette campagne de playoffs semble toutefois réhabiliter les maîtres en la matière. C’est un meneur qui n’a pas froid aux yeux, Kyle Lowry, qui domine actuellement la catégorie avec 11 passages en force provoqués depuis la mi-avril. Dans son sillage, les Raptors mènent la danse avec 16 « charges », à égalité avec les Warriors.
Même si pour l’heure, Toronto n’est pas au mieux, ce côté guerrier plaît au « head coach » Nick Nurse.
« C’est l’une des choses dont je suis super fier, le fait que notre défense se tienne debout, le fait qu’on prenne des coups et qu’on provoque des passages en force. Je n’ai pas les chiffres mais je ne pense pas qu’on soit loin d’être la meilleure équipe sur ce point, en playoffs ou en saison régulière. »
Ersan Ilyasova, le big boss
Sur la saison régulière, les Raptors sont en effet dans le peloton de tête (8e avec 56 « charges » provoquées), non loin des Celtics, des Rockets, des Warriors et des Bucks, leur adversaire en finale de conférence (deuxième derrière Dallas avec 61 passages en force cumulés). Milwaukee a du répondant dans ce secteur avec le maître ultime de la discipline en la personne d’Ersan Ilyasova, facteur X du Game 2 face à Toronto en finale de conférence. Le Turc a fait de la polyvalence sa plus grande qualité au cours de sa carrière NBA et provoquer des passages en force à répétition fait partie de son arsenal. Il en compterait plus de 500 en carrière !
Sur la saison 2016-2017, il en a compilé 63. Cette saison, playoffs confondus, il en est à 56, très loin devant Kyle Lowry (34). Une certaine idée du fameux « Q.I. Basket » d’un point de vue défensif.
« J’essaie juste d’être malin, de choisir mes spots. Un joueur comme Ersan Ilyasova arrive vraiment à être agressif là-dessus. Il va sauter devant un joueur à chaque fois », poursuit Anthony Tolliver. « Neuf fois sur dix, les gars savent qu’Ilyasova va essayer de prendre les choses en main, alors ils s’y habituent et se rapprochent de son épaule pour essayer de minimiser l’impression de contact. Mais garder un attaquant sur la pointe des pieds peut vous rendre plus efficace. »
Voici un aperçu de son œuvre cette saison, à montrer dans toutes les écoles de basket. On peut y voir le sens du timing exceptionnel d’Ersan Ilyasova, à se jeter dans les pattes de son adversaire direct comme personne !