Comment Nike a laissé filer Stephen Curry chez Under Armour

En 1984, Adidas laissait filer Michael Jordan chez Nike, faisant la fortune de la marque à la virgule. Trente ans plus tard, c’est Nike qui a fait une erreur similaire en ne retenant pas Stephen Curry, qui fait depuis le bonheur d’Under Armour.

Car si le MVP booste l’action de son équipementier actuel, il a démarré en NBA avec des Nike aux pieds. Mais en 2013, Stephen Curry a l’occasion de renégocier son contrat et l’agent de Kent Bazemore, testé par les Warriors, y voit une opportunité de jouer les intermédiaires. Alors que son joueur doit faire ses preuves auprès de Golden State, à l’été 2012, cet agent contacte Kris Stone, un dirigeant d’Under Armour, pour lui proposer un accord. Même si Bazemore a peu de chances de beaucoup jouer aux Warriors, il leur explique que le signer leur permettrait d’être présent sur la côte Ouest… tout en faisant la promo’ de la marque auprès de Stephen Curry et Klay Thompson, dont les contrats chaussures touchent à leur fin.

Le lobbying intensif de Kent Bazemore

Comme l’explique ESPN dans un long et passionnant article, l’arrière va alors devenir un vrai bonimenteur pour la petite marque, arrosé de chaussures et d’équipements en tout genre.

« Il était rookie pour nous et il avait plus de vêtements et de chaussures devant son casier que n’importe lequel d’entre nous », explique ainsi Stephen Curry.

Grâce à son accord, Kent Bazemore reçoit ainsi plus de 60 paires de chaussures par saison. De quoi impressionner Stephen Curry, dont Nike ne fait pas une priorité, d’autant que les deux hommes deviennent très vite amis.

« Je n’ai pas de honte quand on parle de marques », explique l’actuel Hawk. « Je parlais d’Under Armour, des marques auxquelles j’étais lié. J’en disais beaucoup de bien. Et Steph m’a dit qu’il devait renégocier son accord. Je lui ai dit de me rejoindre, d’avoir sa propre chaussure. Je n’avais parlé à personne à Under Armour de ça. Je lui faisais plein de promesses en lui disant qu’il aurait sa chaussure, qu’il était le nouveau visage de la ligue. Alors que ce n’était que des hypothèses ».

Mais le travail de sape fonctionne. Kent Bazemore recontacte Kris Stone et lui explique que Stephen Curry est intéressé. Dès lors, le dirigeant d’Under Armour appelle le rookie « trois ou quatre fois par jour » pour lui demander s’il a parlé à son coéquipier et ce que ce dernier compte faire par rapport à son prochain équipementier.

Nike donne la priorité à Kyrie Irving

Le problème, c’est que Nike a toujours la main et que même si Stephen Curry rejoint la firme adverse, la société de Phil Knight a toujours la possibilité d’égaler l’offre. Durant l’été, le meneur rencontre d’ailleurs des dirigeants de la marque, qui lui font une présentation pour le futur. Sauf que d’après Dell Curry, présent lors de la réunion, l’affaire avait été très mal préparée, un des participants appelant par exemple son fils « Stephon ».

« J’avais déjà entendu des gens mal prononcer son nom. Je n’étais pas surpris. J’ai été surpris qu’il ne se corrige pas ».

Surtout qu’une page de la présentation PowerPoint de Nike, sans doute réutilisée, contient encore le nom de Kevin Durant.

« À partir de là, j’ai arrêté de suivre », confirme l’ex-joueur. « Ils avaient déjà un trio. Ils avaient Kobe, LeBron et Durant, leurs trois gars principaux. S’il avait re-signé, nous aurions été derrière eux ».

Déçu par la présentation de Nike mais aussi par le fait que la marque semble accorder plus d’importance à Kyrie Irving (avec un camp d’entraînement, par exemple), Stephen Curry décide donc de signer avec Under Armour pour moins de 4 millions de dollars par an. Nike refuse alors de s’aligner sur cette offre et laisse partir le joueur de Golden State.

Riley Curry pour le mot de la fin

À la décharge de la marque, celui qui est désormais MVP venait de réaliser sa première grande saison (22.9 points, 4 rebonds et 6.9 passes), après quatre ans dans la ligue, alors que le meneur des Cavaliers affichait des stats équivalentes (22.5 points, 3.7 rebonds et 5.9 passes) dès sa deuxième année. En tout cas, grâce au lobbying intensif de Kent Bazemore (récompensé depuis par un contrat disproportionné par rapport à son rôle NBA), au manque d’intérêt de Nike et au fait que Stephen Curry souhaite une meilleure exposition, Under Armour a pu récupérer le gros lot.

Même si l’intéressé a une meilleure histoire pour expliquer son choix.

« Mon histoire préférée, c’est Riley », explique Stephen Curry, se rappelant le jour où il a montré une chaussure Nike, une chaussure Adidas et une chaussure Under Armour à sa fille d’un an, avant de faire son choix. « Elle prend la première chaussure, la Nike, et la jette derrière son épaule. Elle prend la deuxième chaussure et la jette derrière son épaule. Elle prend la troisième chaussure, marche et me la tend ».

C’était la Under Armour Anatomix Spawn.

« À ce moment-là, j’ai su ».