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Comment le Canada est devenu un pays de basket

canada-nbaPour la première fois de son histoire, le All-Star week-end ne sera pas organisé sur le sol américain mais à Toronto, ville-hôte du tout premier match NBA il y a 70 ans. Un événement emblématique pour le Canada, dont le contingent de joueurs NBA ne cesse d’augmenter et où la culture basket grignote chaque année plus de terrain sur celle du hockey. 

L’équipe la plus dominatrice de l’histoire du basket nord-américain n’est pas située à Oakland en 2016, ni à Chicago en 1996, ni même à Boston dans les années 1960, mais à Edmonton, au Canada, il y a un siècle de cela. Pendant une période qui s’étale sur plus de vingt ans, les joueuses des « Grads » ont gagné 502 matches sur 522, dont une série inégalée de 147 victoires d’affilée. Elles ne se sont pas contentées de régner sur le basket canadien : elles ont affronté et battu des équipes américaines, ont été invitées en Europe, où elles ont dominé des équipes françaises, britanniques, italiennes et hollandaises.

Les filles d’Edmonton ne pouvaient ni fumer, ni boire : leur coach, John Percy Page, le leur interdisait. Si l’une d’entre elles se mariait, elle était immédiatement congédiée du groupe. A une époque où le basket était un sport amateur n’ayant pas encore fait son entrée aux Jeux olympiques, les Graduates s’entraînaient comme des professionnelles. Au total, elles ont remporté 108 titres provinciaux, nationaux et continentaux. Quand la Fédération Sportive Féminine Internationale les a déclarées « championnes du monde » en 1924, elles le sont restées 17 années de suite, jusqu’à leur dissolution forcée par la guerre.

L’inventeur du basket est… Canadien

L’épopée des Graduates d’Edmonton prouve que les racines canadiennes du basket sont profondes. Son inventeur, James Naismith, est né et a grandi dans l’Ontario, puis a fait ses études à Montréal avant de rédiger les 13 premières règles de la discipline dans le Massachusetts en 1891. La sélection canadienne a joué la finale du premier tournoi olympique de basket, en 1936 – une défaite où ils n’ont marqué que huit points, en extérieur, sous la pluie. Ce qui est considéré comme le premier match de l’histoire de la NBA, dix ans plus tard, n’a pas été joué aux Etats-Unis mais dans le superbe Maple Leafs Garden de Toronto.

Faut-il pour autant considérer le Canada comme un pays de basket? Il n’est pas ancré dans sa culture, dans l’ADN du pays, contrairement aux Etats-Unis où il est même partie intégrante de son histoire raciale et socio-économique. Chez le voisin d’au-dessus, le sport-roi est le hockey, qui compte plus de joueurs licenciés au Canada que dans n’importe quel autre pays. Il y a aujourd’hui plus de hockeyeurs canadiens que de basketteurs français, alors qu’il s’agit d’une discipline beaucoup plus astreignante (peu de patinoires, technique exigeante, matériel et licence coûteux – plus de 1500 dollars par an en moyenne). Mais les lignes bougent.

Le nombre de basketteurs licenciés au Canada augmente désormais plus rapidement que le nombre de footballeurs et de hockeyeurs. Il s’agit du pays qui délivre à la NBA le plus de représentants internationaux cette saison (12), devant la France (« ce n’est pas comme si les joueurs canadiens étaient un ou deux : ils sont partout », souffle Gregg Popovich). L’équipe nationale de basket, qui a échoué à se qualifier pour les Mondiaux 2014, a les Jeux 2016 dans le viseur, et son vivier de jeunes talents la pousse à ambitionner une médaille en 2020. Cent ans après la création des Grads d’Edmonton, la « génération dorée » canadienne et son porte-étendard, Andrew Wiggins, ont pris le relais.

« Quand je suis arrivé au Canada, peu de personnes jouaient au basket, se souvient Sam Mitchell, coach des Toronto Raptors de 2004 à 2008. “Tout ce que l’on voyait, c’était des buts de hockey et des crosses. Le hockey était la seule occupation digne de ce nom. Aujourd’hui, il y a des paniers de basket dans les arrière-cours de toutes les maisons. »

En 1978, la loi qui a tout changé

Pour comprendre les origines de cette évolution, il faut effectuer un retour en arrière de quarante ans. A la fin des années 70, la NBA est vérolée par les problèmes de drogue et violence : c’est une ligue en manque d’identité et d’audiences, au point que certaines Finales ne sont diffusées qu’en différé à la télévision américaine. A cette même période, au Canada, est votée une nouvelle Loi sur l’immigration, qui entre en vigueur en 1978. Elle déclare l’égalité pour tous et stipule, en substance, qu’il n’est désormais plus question d’empêcher des catégories de personnes toutes entières – les ressortissants non-Européens notamment – de s’installer dans le pays. Des nouvelles « classes d’immigrants » sont créées, au sein desquelles tout être humain, quelle que soit son origine, peut se retrouver.

Cette nouvelle législation provoque une hausse massive de l’immigration au Canada, notamment en provenance de l’Afrique, de l’Asie et des Caraïbes. Le pays devient rapidement un modèle de diversité ethnoculturelle : des millions d’immigrants et de réfugiés obtiennent le statut de résident permanent. En 2011, la part de la population canadienne née à l’étranger franchissait la barre des 20%, soit la plus forte proportion parmi les pays du G8. Aujourd’hui, le pays continue d’accueillir chaque année 250 000 immigrés rien qu’en provenance de Chine et des Philippines – pays où le basket est le sport numéro un.

De cette première génération d’immigrés naîtront notamment Andrew Wiggins (sa mère est originaire de la Barbade), Cory Joseph (son père est né à Trinité-et-Tobago) et Tristan Thompson (de parents jamaïcains).

« De la même manière que le basket s’était présenté comme une porte de sortie pour les enfants des quartiers déshérités aux Etats-Unis, le basket est devenu comme un exutoire pour les jeunes issus des minorités vivant dans les grandes villes canadiennes », éclaire l’historien Christopher Moore.

Plus de 10% de licenciés en plus chaque saison

La discipline aurait pu se ghettoïser, rester l’apanage des minorités visibles sans jamais se faire une place dans la culture populaire, mais l’arrivée de la NBA à Toronto et Vancouver, en 1995, se charge de propulser le basket canadien dans une nouvelle dimension. La capitale de l’Ontario possédait déjà une équipe NBA en 1946, mais cette dernière n’avait duré qu’une saison, plombée par de lourds déficits financiers.

Cinquante ans plus tard, en pleine ère Michael Jordan (synonyme de boom économique) et David Stern (synonyme d’expansion à l’international), la grande ligue annonce sa volonté de créer deux nouvelles franchises. John Bitove Jr., un businessman de Toronto, aligne la somme record de 125 millions de dollars pour accueillir les Raptors. Cinq mois plus tard, le propriétaire des Canucks (NHL), Arthur Griffiths en fera de même à Vancouver.

« C’est le tournant majeur,” juge Ken Urbach, président d’Ontario Basketball. “La venue du basket professionnel, et notamment des Raptors à Toronto (les Grizzlies déménageront de Vancouver à Memphis en 2001, ndlr), a généré un énorme intérêt. A la fin des années 1990, le nombre de licenciés a augmenté de plus de 10% chaque saison dans la région. »

Pour les jeunes fans canadiens, tout change. Les matches NBA sont désormais diffusés à la télévision de manière quasi-quotidienne, alors qu’il n’y avait qu’un ou deux rendez-vous hebdomadaires auparavant, souvent tard, après 23h.

« Pour la première fois, le basket s’invite dans les ménages canadiens parce que les Raptors passent à la télévision, soutient Jay Triano, l’actuel sélectionneur national. Cette nouveauté fait naître un espoir : le Canada peut être une nation de basket. »

A la fin des années 1990, Michael Jordan, Charles Barkley, Shaquille O’Neal, Karl Malone et les autres grands noms du Championnat passent régulièrement la frontière. Shareef Abdur-Rahim et Mike Bibby sont les premières stars des Grizzlies, Damon Stoudamire et Doug Christie celles des Raptors.

« Que tu sois dans la Sprite Zone (les places les moins chères) ou près du parquet, qu’importe : ce qui compte, c’est que tu es là, tu fais partie de tout ça, raconte Cory Joseph, qui avait neuf ans quand Toronto a joué pour la première fois les playoffs, en 2000. Moi, en tout cas, j’avais l’impression d’en faire partie. Ces gars-là m’inspiraient, me motivaient. Je voulais être comme eux. »

Dixon et Allen, les précurseurs

Toronto est l’épicentre du séisme qui secoue le basket nord-américain. La métropole se révèle être une mine d’or : avant Andrew Wiggins, Anthony Bennett, Tristan Thompson, Cory Joseph, Andrew Nicholson, Nik Stauskas, Kelly Olynyk et Dwight Powell, tous originaires de la ville, se sont succédés plusieurs prodiges devenues légendes urbaines. Il y a eu Phil Dixon (« Docteur Dix »), considéré comme le meilleur lycéen canadien de l’histoire, qui à la fin des années 1980 compilait 40 points, 15 rebonds et 12 passes de moyenne en high school. Il y a eu Bobby Allen, l’homme qui s’est approché des 50 points de moyenne durant sa dernière année pré-universitaire, puis qui a côtoyé Steve Nash en sélection nationale. Sans oublier Denham Brown, auteur un jour de 111 points en un match.

https://www.youtube.com/watch?v=P7Tg7dWmZI4

Ces joueurs surdoués se sont en revanche révélés incapables de franchir le cap professionnel. Phil Dixon, victime d’une très grave blessure à la jambe en NCAA, n’a jamais joué en NBA. Bobby Allen non plus : non-drafté, il a fait sa carrière aux Philippines, au Liban et en Indonésie. Quant à Denham Brown, auteur d’un joli passage à l’université du Connecticut, il a joué deux matches de pré-saison à Seattle avant d’enchaîner D-League, Vénézuela, Ukraine, Argentine et Roumanie.

« Un gars comme Denham a joué contre des joueurs canadiens pendant toute sa jeunesse”, soulève Mike George, l’agent d’Anthony Bennett. “Il n’a affronté des joueurs américains qu’à de rares occasions. C’est ce qui le différencie des Canadiens en NBA aujourd’hui : eux, ils ont affronté des Américains au plus haut niveau durant toute leur adolescence, de janvier à décembre. Ils sont habitués à ce type de basket. Regardez Anthony (Bennett) : il a mis 22 points dès son premier match universitaire. Il n’a pas eu besoin de se faire au jeu américain. Il était déjà prêt. »

Les programmes qui ont forgé Wiggins, Bennett et Thompson

Ce changement ne s’est pas fait tout seul. Il a fallu structurer la formation des jeunes joueurs canadiens afin de leur faciliter la route vers les Etats-Unis – et donc vers la NBA. Au début des années 2000, Wayne Dawkins fonde avec Ro Russell, un célèbre coach de l’Ontario, un programme rassemblant plusieurs équipes de jeunes basketteurs, « Grassroots Canada ». Il raconte :

« Nous avons créé des programmes sportifs destinés aux jeunes, nous les avons développés partout dans le Grand Toronto (l’aire urbaine entourant la métropole). La question n’était pas de trouver les jeunes talents de demain : ils étaient déjà là. Certains jouaient même déjà dans ces centres. Mais personne ne faisait rien pour eux. Ils ne pouvaient pas se permettre d’intégrer les programmes provinciaux, les plus réputés, qui de toute façon accueillaient un nombre limité de jeunes. Ces gamins végétaient là, dans ces centres communautaires, sans avenir. »

Russell et Dawkins font le tour de ces centres pour repérer les talents canadiens de demain : « Grassroots » les enrôle, les forme, puis les envoie dans les tournois amateurs américains les plus cotés, sur le circuit AAU. Au fil des compétitions, le programme se forge une réputation et envoie ses joueurs dans les tournois américains les plus côtés, sur le circuit AAU.

« Vous allez me trouver arrogant, mais Ro et moi avons tracé la route, et tout le monde nous a suivi, poursuit Dawkins. La sélection nationale canadienne est le premier bénéficiaire des programmes que nous avons créé. En aidant ces jeunes à être détectés, puis à jouer et à progresser aux Etats-Unis, nous avons ouvert la voie. »

En quelques années, le programme voit naître des dizaines de concurrents : « Hoops Canada », « Canada Elite », « Brookwood Elite » ou encore « CIA Bounce », lequel a joué un rôle-clé dans le développement d’Andrew Wiggins, Anthony Bennett ou Tyler Ennis. Même la légende des playgrounds canadiens Phil Dixon a fondé son programme, « Mississauga Wolverines », dans la banlieue de Toronto.

« Repérés plus jeunes, formés dans de bons programmes et envoyés dans des tournois aux USA, les jeunes joueurs canadiens ont été désensibilisés au fait de jouer contre des Américains”, confirme Bill Pangos, l’ancien coach de l’université de York, à Toronto. “Il n’y a pas ce choc qu’éprouvent parfois les autres joueurs internationaux. La transition vers la D-League ou la NBA est, par conséquent, plus facile. »

Un documentaire de CBC, en 2012, mettra en lumière les abus de cette organisation. Ro Russell, au coeur de la polémique, sera ainsi accusé d’avoir directement encaissé l’argent tendu par les parents de certains jeunes talents, convaincus de payer – via « Grassroots »  – l’école de leur fils. La mère d’un de ces joueurs, Xavier Rathan-Mayes, témoignera avoir vendu sa maison pour payer les frais de scolarité de son fils, alors qu’en réalité ce dernier était à peine pris en charge sur le plan académique.

“S’ils viennent, c’est pour trouver des stars”

La réussite de ces programmes n’en est pas moins évidente : les joueurs canadiens sont désormais immergés pleinement dans le système de formation et de détection américain. Tristan Thompson, Cory Joseph, Dwight Powell et Nik Stauskas, quatre protégés de Ro Russell, ont tous été draftés en NBA. Et Xavier Rathan-Mayes, malgré ses déboires (il a été déclaré inéligible pour sa première année NCAA), est annoncé au premier tour d’une des deux prochaines loteries.

« Il y a 25 ans, pour recruter, personne ne venait voir ce qui se passait au Canada”, souligne Stu Jackson, l’ancien GM des Vancouver Grizzlies. “Puis les écoles américaines y ont jeté un oeil, pour trouver des joueurs capables de compléter leurs effectifs. Aujourd’hui, s’ils viennent, c’est pour trouver des stars. »

En parallèle au développement de ces programmes, les jeunes basketteurs canadiens ont pu admirer leurs aînés découvrir la NBA à tâtons. Leo Rautins est le premier canadien drafté au premier tour, en 1983. Ses successeurs s’appellent Rick Fox, Jamaal Magloire, puis Steve Nash, évidemment. Au début des années 2000, les gamins de Toronto n’avaient d’yeux que pour Vince Carter (« c’est lui qui m’a fait tomber amoureux du jeu », assure Tristan Thompson), avant que Chris Bosh ne prenne le relais. Il y a cinq ans, ils s’identifiaient à DeMar DeRozan, Sonny Weens et Amir Johnson, rassemblés sous l’appellation « Young Onez »: les trois joueurs avaient leur propre groupe de fans et se targuaient de représenter « le coeur et l’âme de la ville ».

Aujourd’hui, Derozan a été rejoint par Kyle Lowry, Terrence Ross… et Cory Joseph. L’arrière canadien, issu de « Grassroots » et l’un des symboles de cette génération dorée, ne pouvait espérer meilleur point de chute, après son titre à San Antonio, que Toronto, sa ville natale. Il participe ainsi pleinement à l’opération relooking des Raptors : nouvelle identité visuelle, nouveaux maillots, la franchise a bénéficié d’un sérieux coup de jeune et surfe à merveilles sur ses bons résultats. La campagne « We The North » est symptomatique de cette évolution. Sid Lee, l’ambitieuse agence de publicité à l’initiative de cette opération, donne le ton : il s’agit de « transformer les fans en fanatiques » ; « d’unir les gens autour d’un même état d’esprit patriotique » ; de « déclencher une véritable croisade ».

Si Toronto demeure d’abord la ville du Hockey Hall of Fame et que le Canada rural reste davantage attaché au palet et à la crosse, le basket s’y est fait une place significative. Il est entré dans la culture populaire – Drake, conseiller de luxe des Raptors, n’y est pas étranger (« I get a ring / and I bring it home like I’m Cory Joseph ») – et le vivier de prospects canadiens n’a jamais été aussi impressionnant. L’organisation du All-Star week-end NBA dans l’antre des Maple Leafs est riche en symboles. Et ce n’est sans doute qu’un début.

« J’ai toujours été fier de mes origines, et je le suis encore plus aujourd’hui, conclut Cory Joseph. Avant, on me demandait : ‘C’est où, le Grand Toronto, ça joue à la balle là-haut?’ Aujourd’hui, les gens considèrent que c’est une vraie ville de basket. »

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