Le sport américain et Donald Trump continuent leur guerre de mots. Après avoir traité les footballeurs américains qui protestaient pendant l’hymne de « fils de putes », le Président a attisé la colère des sportifs et même des propriétaires NFL, dont beaucoup l’ont pourtant soutenu et qui ont multiplié les communiqués pour condamner ses déclarations.
De son côté, Steve Kerr est lui revenu sur le retrait de l’invitation des Warriors à la Maison Blanche. Une longue réponse qui mérite d’être traduite en intégralité pour comprendre la pensée de l’entraîneur.
« Nous savions que ça allait venir.
Après que Steph ait pris la parole lors du Media Day vendredi, nous avons pensé que ce n’était qu’une question de temps avant que le Président ne réponde. Samedi matin, ma femme Margot m’a réveillé. Elle m’a dit : « Le voilà » et m’a montré le tweet de Trump. Notre invitation, écrit-il, « a été retirée » parce que « aller à la Maison Blanche est considéré comme un grand honneur pour une équipe de championnat » et « Stephen Curry hésite. »
Tout d’abord, je suis presque sûr que Steph n’hésitait pas. Il a dit clairement qu’il n’irait pas. Deuxièmement, comme je l’ai dit samedi, c’était comme si le Président essayait de rompre avec nous avant que nous ne le quittions.
Quoi qu’il en soit, c’est dommage. J’ai eu la chance de rencontrer les Présidents Reagan, Bush, Clinton et Obama. Je n’étais pas d’accord avec tous, mais il était facile de mettre la politique de côté parce que chacun d’entre eux avait un respect inhérent pour la fonction, de même que l’humilité qui accompagne le fait d’être fonctionnaire dans une position de pouvoir incroyable, représentant 300 millions de personnes. Et c’est le problème maintenant. Dans son tweet à Steph, Trump a parlé d’honorer la Maison Blanche, mais n’est-ce pas vous qui devez honorer la Maison Blanche, Monsieur le Président ? Et la façon d’ y parvenir, c’est par la compassion, la dignité et le dépassement de soi. Pas en mettant de l’huile sur le feu.
Est-ce qu’on serait allé à la Maison Blanche ? Probablement pas. La vérité, c’est que nous avons tous lutté avec l’idée de passer du temps avec un homme qui nous a offensé par ses paroles et ses actions à maintes reprises. Mais je peux vous dire une chose : ça n’aurait pas été pour la cérémonie traditionnelle, serrer la main et sourire aux caméras. En interne, nous avions discuté de la possibilité de faire cette visite en tant que simples citoyens et de tenir une discussion sérieuse sur certains des sujets qui nous préoccupent. Mais il a rendu difficile l’entrée à la Maison Blanche, parce que ce qui se passe n’est pas normal. C’est puéril : rabaisser les gens en les montrant du doigt. Alors, s’attendre à avoir un discours civil et sérieux ? Oui, ça n’arrivera probablement pas.
Je suis entraîneur de basket et ce que je fais est très limité, comparé à ce que fait le Président. Mais nos emplois sont similaires sur au moins un point : si vous voulez devenir entraîneur NBA, vous devez être prêt à être critiqué. On sait que ça va arriver. Si je coache mal et que nous perdons le match, j’en entends parler. Ce n’est pas grave. C’est vraiment là que nous, les entraîneurs, gagnons notre argent en acceptant les critiques et en faisant en sorte que le navire continue d’avancer. Il doit y avoir une compréhension inhérente de ce qui se passe quand on entre dans une position publique de pouvoir. Les gens vont vous faire des critiques et c’est à vous de les absorber. Peut-être que vous répondez diplomatiquement, mais vous maintenez un niveau de respect et de dignité. Ce que tu ne peux pas faire, c’est juste te fâcher. Qu’est-ce qui se passerait si je m’en prenais à tous mes critiques tous les jours, pour les rabaisser ? Je perdrais mes joueurs, j’embarrasserais les propriétaires, je me mettrais dans l’embarras. Rapidement, je serais au chômage. C’est une chose de base que l’on apprend en grandissant : les gens ne sont pas toujours d’accord avec vous. Et ce n’est pas grave.
Au lieu de cela, nous avons vu les commentaires de Trump ce week-end au sujet des joueurs de la NFL, les qualifiant de « fils de pute » pour s’être agenouillés pendant l’hymne. Ça m’a fait mal. Vraiment mal. Pensez à ce pour quoi ces joueurs protestent. Ils protestent contre la violence policière excessive et l’inégalité raciale. Ce sont de très bonnes choses contre lesquelles il faut lutter. Et ils le font de façon non violente. Ce qui est tout ce que Martin Luther King a prêché, n’est-ce pas ? Beaucoup de militaires américains vous diront que le droit à la liberté d’expression est exactement ce pour quoi ils se battent. Et c’est vraiment, vraiment bouleversant que le leader de notre pays demande que ces joueurs soient « virés ».
Le plus dur, c’est de savoir quoi faire maintenant. Margot et moi avons longuement parlé samedi matin de ce qu’il fallait dire en public. J’ai probablement été aussi critique de Trump que n’importe qui, mais il est peut-être temps de changer de cap. Pas besoin de se lancer dans une guerre de mots. Il s’agit d’essayer de conserver les valeurs qui sont importantes pour nous en tant qu’organisation, en tant que pays et, en fait, en tant qu’êtres humains.
Le fait est que nous vivons dans un pays extraordinaire, mais c’est un pays imparfait. Je me considère incroyablement chanceux d’habiter ici, alors s’il vous plaît épargnez-moi l’argument « Si vous n’aimez pas ça, vous pouvez partir ». J’adore vivre ici. J’aime mon pays. Je pense simplement qu’il est important de reconnaître que nous sommes loin d’être parfaits en tant que nation, et qu’il est de notre responsabilité d’essayer de l’améliorer. Et l’une des façons de le faire est de promouvoir la sensibilisation, la compréhension et l’acceptation. Non seulement l’acceptation, mais aussi l’acceptation de notre diversité, qui, une fois qu’on y arrive, n’est pas seulement ce que nous sommes, mais ce qui fait vraiment de nous de grands hommes. Mais ce n’est pas ce qu’il se passe.
Souvenez-vous, le Président travaille pour nous, pas l’inverse. Nous l’avons élu. Il ne travaille pas seulement pour ses électeurs et sa base. Il travaille pour chaque citoyen. Une fois qu’on prend ce poste, il faut faire ce qu’il y a de mieux pour tout le pays. Bien sûr, vous allez avoir des politiques qui s’alignent sur celles de votre parti, mais ce n’est pas le problème. Respectueusement, Monsieur Trump, le fait est que vous êtes le Président. Vous nous représentez tous. Ne nous divisez pas.
Rassemblez-nous. »