Dire qu’on n’attendait pas ces deux équipes en finale de l’Eurobasket est un doux euphémisme. Avec une foule d’absents de part et d’autre, l’Espagne et la Lituanie ont néanmoins réussi à atteindre le stade de la finale avec une énorme force de caractère et une équipe soudée de bout en bout.
Du coup, il est bien difficile de détacher un favori dans cette rencontre très ouverte. La défense lituanienne aura fort à faire pour contenir le golgoth ibère, Pau Gasol. Inversement, les joueurs de Sergio Scariolo vont devoir batailler pour trouver des solutions offensives face à la citadelle balte.
ESPAGNE
FORCES
Un Pau Gasol intenable
26 points, 8 rebonds, 2 contres par match, le temps n’a pas d’emprise sur l’immense Pau Gasol. Professionnel jusqu’au bout des ongles, le pivot des Bulls s’est préparé à l’abri des regards pour ce rendez-vous qu’il attendait depuis la chute de sa Roja l’an passé lors de la Coupe du Monde organisée en terres espagnoles. Pau manigançait sa revanche et elle fut magistrale, avec une sortie à 40 points face à nos Bleus pris au dépourvu. Face à Jonas Valanciunas, Gasol devrait rencontrer un féroce adversaire, reste à voir si le jeune Raptor pourra tenir le Bull expérimenté.
Une confiance inébranlable
En ballotage défavorable en phase de poule, les Espagnols n’ont jamais paniqué. Battus par l’Italie et par la Serbie, les vétérans ibères ont fait le dos rond pour mieux se rebeller en phase finales. Objectivement moins forte que l’an passé avec un cinq majeur (ou quasiment) forfait, la Roja n’en a pas moins gardé sa légendaire cohésion collective, même quand ses joueurs étaient touchés par les pépins physiques. La marque d’une très grande équipe. Comme l’a dit Mirotic, l’équipe va disputer ce soir sa « 4e finale » de la semaine.
Un coach au sommet de son art
Face à Sergio Scariolo, les Bleus se sont toujours cassés les dents. Le coach gominé des Espagnols avait fait un break avec la sélection mais son retour coïncide avec un retour au premier plan… et le retour des petites piques médiatiques qui font mal. Mieux préparés et plus roublards que jamais, les joueurs espagnols ont été parfaitement briefés pour faire tomber la France. Et on imagine bien que le stratège italien aura élaboré un nouveau plan machiavélique pour faire tourner en bourrique les Lituaniens. Le cas Jonas Maciulis (qui évolue en Espagne, au Real) aura ainsi certainement reçu une attention toute particulière…
FAIBLESSES
Une rotation toujours aussi courte
L’Espagne joue sur ce tournoi avec huit joueurs. Hernangomez, Aguilar, Vives, voire Claver et San Emeterio sont plus généralement assis au bout du banc à encourager leur équipe que sur le terrain à aider la cause nationale. Avec son noyau dur de vétérans, coach Scariolo limite au maximum les rotations et ça peut finir par casser avec des joueurs qui tirent beaucoup sur la corde, Pau Gasol en premier lieu. Le dos de Rudy Fernandez pose également question même si les Espagnols ont eu la chance d’avoir un jour de repos supplémentaire vis-à-vis de leur adversaire.
Qui derrière Pau Gasol ?
Lors de la demi-finale face à la France, c’est Sergio Rodriguez qui a fait office de second lieutenant mais l’Espagne aura probablement besoin de tous ses vétérans pour se défaire des griffes de la défense balte. Les Llull, Reyes et autre Fernandez devront certainement hausser le ton si la Roja veut tenir le choc. Pau Gasol ne pourra peut-être pas réaliser un autre exploit, deux jours, après son 40 – 11 face à la France.
Pas d’alternative dans leur jeu
Habituellement, la sélection espagnole aime le jeu rapide, utilise au maximum ses lévriers pour épuiser ses adversaires. Mais, cette année, la Roja opère autrement. Avec de nombreuses absences, aussi bien sur les postes intérieurs qu’extérieurs, coach Scariolo a remis au goût du jour le jeu sur demi-terrain. Les Llull et Rodriguez qui sont connus pour leurs remontées de balle express sont désormais cantonnés à jouer le jeu posé, pour nourrir la pieuvre Gasol et peser le plus possible sur la défense adverse. Face à la Lituanie qui n’attend que ça, peut-être manquera-t-il cette dimension à l’Espagne…
LITUANIE
FORCES
Une défense intraitable
On l’a vue à l’oeuvre face à la Serbie. Meilleure attaque du tournoi jusqu’alors, les Serbes se sont littéralement cassé les dents sur le mur construit par les Lituaniens. Miroslav Raduljica s’était baladé face à la Finlande puis la République tchèque car ces deux équipes étaient sous-équipées en intérieurs costauds, mais face à Jonas Valanciunas, le pivot serbe n’a pas pu influencer le sort du match comme il (et son équipe) l’aurait souhaité. La Lituanie pousse ses adversaires à la faute et les arrières espagnols devront ainsi résister à une forte pression défensive.
Une équipe sans pression
La Lituanie ne fait jamais les grands titres, et pour cause, c’est un tout petit pays; mais la Lituanie est présente aux Jeux Olympiques depuis son indépendance en 1991. Le basket est une véritable religion dans ce territoire longtemps dominée par l’ex-URSS, et la balle orange a même été un vecteur de résistance politique, comme l’a souvent répété la légende locale, Arvydas Sabonis. Outsider sous-estimé, l’équipe balte débarque dans cette finale avec la certitude de glaner une nouvelle breloque, et pourquoi pas de faire tomber l’ogre espagnol. C’est que du bonus !
La révélation Mindaugas Kuzminskas
Avec sa petite tête blonde, on lui donnerait le Bon Dieu sans confession, mais Mindaugas Kuzminskas est un vrai démon sur le terrain. Hyper-actif, l’ailier polyvalent de Malaga s’est révélée pour la Lituanie lors de cette phase finale lilloise. Avec ses 13 points et 9 rebonds face à la Serbie, et une prestation défensive énorme sur Bogdan Bogdanovic, Kuzminskas (25 ans) arrive peu à peu à maturité. Son shoot extérieur et sa capacité à driver (et finir la tête dans le cercle) seront un atout énorme pour les Lituaniens.
FAIBLESSES
Pas de véritable go-to-guy
Jonas Valanciunas serait le choix tout indiqué avec ses 17 points et 8 rebonds de moyenne, mais le pivot NBA n’est pas encore un produit fini. Ses mouvements offensifs sont robotiques, ses déplacements défensifs sont plus que suspects. Jonas Maciulis serait le choix le plus raisonnable. L’ailier madrilène est une force de la nature et son shoot de loin est très précis (59% sur le tournoi) mais il s’est craqué sur la demie. On pourrait également citer Mantas Kalnietis, le meneur expérimenté ou Mindaugas Kuzminskas, la révélation, mais non, la Lituanie n’a pas ce joueur transcendant comme pouvait l’être Sarunas Jasikevicius par le passé.
Une attaque poussive
C’est avec la 9e attaque du tournoi seulement que la Lituanie a réussi à passer tous les obstacles jusqu’à la finale. Face à la tour Gasol qui a détruit l’équilibre tricolore, les joueurs de Jonas Kazlauskas auront un défi immense à relever en défense mais également en attaque. Si Jonas Valanciunas est l’option numéro 1, face au monstre catalan, il faudra trouver des options offensives à côté de lui. Avec 35% à trois points sur le tournoi, les shooteurs lituaniens auront certainement un rôle à jouer pour contrarier les plans ibères.
Limiter les déchets
Aussi vaillant soit-il, capable de dunker sur ses pénétrations, Mantas Kalnietis n’est pas un véritable meneur de métier. Le joueur de Kaunas commet souvent quelques boulettes sur ses montées de balle et tourne actuellement à 4 balles perdues par rencontre. Avec plus de 14 turnovers en moyenne, les Lituaniens ont une fâcheuse tendance à mettre la charrue avant les boeufs en attaque, lançant souvent des passes impossibles. Face à la Roja, il faudra être beaucoup plus précautionneux. Comme on le dit souvent à ce niveau de compétition, ce sont les petits détails qui font les grandes différences…