Le voilà donc le brigand du désert, le truand des cactus, le voleur de séries de Phoenix. Il rit jaune et pourpre le Butch Cassidy de l’Arizona, avec son ton psalmodiant de premier de la classe ou de j’menfoutiste, au choix, et sa tronche d’enfant de choeur à la peau buriné par la fourberie.
L’ennemi numéro un de la Cité des anges, le Jacques Mesrine du Staples Center franchit le rubicon. Il passe de l’autre côté de la frontière, par la grâce insistante de Kobe Bryant lui-même.
Pour retrouver sa couronne, la franchise aux 16 titres joue la carte de l’amnésie et du pardon.
Est-ce le casse du siècle ?
Un « trade » gagnant-gagnant ?
Pour mieux oublier la détestation d’une salle et de la moitié d’une ville pour un joueur aujourd’hui présenté comme levier de rédemption, voilà donc Steve Nash sous le maillot des Lakers et le steal est aussi joli qu’une interception du double MVP, qui reste donc près de ses enfants. Cette proximité avec ses trois rejetons, le quintuple meilleur passeur de la ligue en faisait sa priorité au moment de quitter Phoenix. En acceptant un contrat sur trois ans de presque dix millions de dollars inférieur à celui proposé par les Raptors, le futur Hall of Famer a fait de sa famille le premier facteur de décision. Pour les Suns, finalement accepter de lâcher sa star à l’honni rival lui permet de récupérer la trade exception acquise par les Lakers dans le transfert de Lamar Odom l’hiver dernier, en plus de quatre choix de draft. Finalement, de cette braderie inattendue chacun sort gagnant non ?
Les Lakers gagnent le 2ème meilleur passeur de la ligue sans perdre un joueur
En ne cédant aucun joueur sous contrat en échange de Nash, les Lakers réalisent une fantastique affaire. Jimmy Buss peut se frotter les mains. Nash tournait à 53% de réussite aux shoots la saison passée, la deuxième meilleure moyenne de sa carrière. Deuxième meilleur passeur il plantait encore 13 points de moyenne et était du All Star Weekend à Orlando. Pas mal pour un presque quadragénaire.
Avec Nash à la baguette, la gonfle sera mieux répartie, l’attaque plus en mouvement et capable de rivaliser avec le rythme du Thunder ou des Spurs. Avec Nash à la direction des opérations, Kobe est soulagé de ses énormes responsabilités, surtout dans le money time. Avec Nash pour commander le navire, le jeu des Lakers sera moins prévisible et plus varié, et Pau Gasol (s’il reste) en profitera. Surtout, avec Nash à bord LA possède un argument de taille pour convaincre Dwight Howard.
Pourquoi ? Parce que Superman a toujours refusé de signer un long bail aux Lakers par peur du monopole de Kobe sur le cuir. Là, la donne change et Nash a rendu plus fort tous les intérieurs avec lesquels il a joué. Mais c’est Bynum qui en profitera sans doute…
Phoenix et Nash se quittent bons amis
En rejoignant LA et non pas New York si Toronto, Nash s’offre un baroud d’honneur pour le sacre, pas seulement pour l’argent ou les paillettes. Après 16 ans d’une carrière exceptionnelle, le Canadien né en Afrique du Sud n’a jamais connu l’adrénaline d’une finale NBA. Un double MVP qui n’a jamais connu mieux que la finale de conférence, c’est rare et ça fait mauvaise figure.
Et les Suns dans tout ça ? Ils récupèrent deux premiers tours et deux seconds, ainsi que la « trade exception ». Après avoir rapatrié l’ancien back-up Dragic pour 34 millions de dollars, puis Michael Beasley, ils disposent d’un sympathique tandem pour l’opération reconstruction. Marcin Gortat peut déjà se dire que la fête du pick and roll est terminée pour lui, mais si Eric Gordon pose ses valises dans l’Arizona, Alvin Gentry disposera alors d’un effectif crédible pour aller chercher les playoffs.
Nash devait partir, l’histoire d’amour aura duré dix ans. Le front office pour toujours se dire qu’en ayant mieux anticipé, il aurait pu récupérer un paquet plus alléchant en retour. Mais avec des si, Phoenix aurait déjà au moins deux titres à son palmarès et Nash une statue devant l’écrin de ses exploits.