La dernière fois, je vous parlais de Kobe Bryant, ce “dernier vestige de cette NBA pré-réseaux sociaux, celle qui s’affiche dans sa totalité, dans son arrogance, celle qui peut offrir sa vanité à des millions de juges et qui se moque de leur verdict”. En lisant les 11 pages que lui consacre The New Yorker (et que je vous conseille de feuilleter, si vous tombez sur le magazine), j'y ai forcément repensé. Le “Black Mamba” évoque ainsi de nombreux sujets : du fait qu’il ne laisse pas gagner ses filles lorsqu’il les affronte à des jeux de société anodins, de son évolution, de Shaquille O’Neal…
Mais la partie qui m’a intéressé concerne son point de vue sur Richard Sherman, ce footballeur américain très critiqué pour s’être autoproclamé “meilleur cornerback” de NFL après un match et avoir chambré son adversaire direct, Michael Crabtree, en direct à la télévision. Afficher une telle confiance en soi, c’est gênant pour une bonne partie des téléspectateurs. Mais Kobe Bryant, qui regardait également le match, a lui compris.
“Ce que vous avez vu avec Richard Sherman, c’est la réalité des athlètes à un très, très, très haut niveau”, affirme-t-il.
Kobe Bryant rappelle également le discours d’introduction au Hall of Fame de Michael Jordan, un speech qui avait également soulevé beaucoup de critiques car “His Airness” en profitait pour régler quelques comptes. Pour ces grands sportifs, la compétition est permanente. Omniprésente. Obsédante.
“Ça a mis tout le monde mal à l’aise mais c’est juste lui, non ? Et quand Richard Sherman laisse tout sortir, c’est parce que c’est en lui depuis le premier jour”, assure Kobe Bryant. “C’est pour ça qu’il est le meilleur dans ce qu’il fait, parce qu’il pense l’être. Quand d’autres personnes voient ça, ça les effraie vraiment. Mais pour ceux qui comprennent, pour moi, je me dis juste que c’est ce que je ressens chaque jour”.
Quand Larry Bird demande qui finira second lors d’un concours à trois points ou quand LeBron James dit qu’il veut être le meilleur joueur de l’histoire, est-ce l’expression d'une arrogance insupportable ou de l’extrême confiance en soi dont les grands sportifs ont besoin pour réussir ?
“C’est l’horreur du génie”, explique Kobe Bryant.
Encore une fois, le “Black Mamba” met le doigt au bon endroit. Le public réclame en effet des athlètes qu'ils affichent leur excellence et leur constance sur le terrain mais il n’accepte pas qu’ils en aient conscience et l’exposent. Michael Jordan, Larry Bird, Magic Johnson, Isiah Thomas, Charles Barkley… Ils étalaient tous clairement “l’horreur de leur génie”, cette vanité dont ils avaient eux-mêmes besoin pour ne pas douter de leur réussite.
Est-il nécessaire de l’exposer pour triompher ? Sans doute pas, Tim Duncan étant un exemple probant. Mais le fait est que de plus en plus de joueurs tentent de cacher ce côté que le public ne veut pas voir. Pas Kobe Bryant.
Quand je vous dis qu'il va nous manquer.