Plus d’une heure avant la rencontre entre les Wizards et les Warriors, l’ambiance est légère dans le vestiaire de Washington. Malgré 33 défaites en 39 matchs, le groupe vit bien. Sur la demande de Tristan Vukcevic, l’un des kinés des Wizards fait office de DJ et enchaine les morceaux de reggaeton. De l’autre côté, les noms de Bilal Coulibaly et d’Alexandre Sarr sont affichés côte à côte.
Et alors que nous attendons l’arrivée des deux Français, un mystérieux tupperware est placé sur le siège de l’ancien joueur de Levallois. À son arrivée, Bilal Coulibaly secoue la tête et se met à rigoler. « Tout ça parce que je suis Français ? Qui a fait ça ? » dit-il en direction du vestiaire. Personne ne répond mais les rires sont de mise. Bilal Coulibaly nous montre qu’il s’agit tout simplement d’un pain au chocolat.
De la légèreté, il en faut forcément pour aider les Wizards à ne pas baisser la tête. C’est ce que nous explique le médaillé d’argent olympique pour décrire cette saison et continuer à se concentrer sur ses progrès individuels mais également sur l’avenir d’un collectif qui ne peut que progresser en vue de la saison prochaine.
Bilal Coulibaly, vous jouez votre 40e match de la saison ce soir contre Golden State. Sur le plan personnel, quel bilan tirez-vous de cette première partie de saison ?
Je dirais que c’est une première partie de saison solide. Il y a eu des hauts et des bas mais je suis à peu près correct sur les objectifs que je m’étais fixés donc c’est un début de saison plutôt solide.
Est-ce que vous pouvez nous partager ces objectifs ?
Non non (il rigole), je les garde pour moi.
Vous avez plus de responsabilités en attaque, notamment davantage le ballon en main. Comment jugez-vous vos progrès dans ce domaine par rapport au début de saison ?
Je m’y attendais un peu d’avoir plus la balle dans les mains parce que le coach m’en avait parlé en fin de saison dernière. Du coup, j’ai bossé sur ça tout l’été et mes progrès, ce sont simplement les fruits du travail que j’ai fourni. Je ne suis pas forcément surpris de cette évolution et je suis particulièrement content d’avoir cette opportunité et aussi que ça se traduise sur le terrain.
L’assistant coach qui est en charge de votre développement est David Vanterpool. Il a eu ce rôle avec Damian Lillard et C.J. McCollum à Portland, avec Anthony Edwards à Minnesota. Qu’est-ce qu’il vous apporte au quotidien ? Et quels sont les axes de progression sur lesquels vous travaillez avec lui ?
Il m’apporte énormément parce que comme tu le dis, il a eu des super joueurs dans le passé, Dame notamment, et il me raconte toujours des anecdotes donc ça m’aide beaucoup dans mon évolution de basketteur. On travaille énormément sur mon dribble. La lecture du jeu c’est quelque chose que j’ai déjà en moi parce que j’ai joué meneur quand j’étais plus jeune donc je suis plutôt à l’aise sur ça. Mais par contre, on travaille énormément sur mon dribble pour que je me sente de plus en plus à l’aise, et que je continue à progresser.
Il y a quelques mois, vous aviez évoqué l’impact physique d’avoir des responsabilités des deux côtés du terrain. Depuis le début de saison, quel travail faites vous pour pouvoir encaisser une charge de travail plus importante ?
Déjà aux entrainements, je me donne à fond tout le temps et je fais en sorte que les conditions d’entrainement soient encore plus dures que les matchs, histoire qu’en match je me sente vraiment bien et que je sois habitué à jouer des deux côtés. Et puis je fais aussi énormément de soins, de récupération, je dors beaucoup, enfin toutes les choses nécessaires qui permettent à ton corps de se régénérer.
Bien gérer un gros temps de jeu
Même si j’imagine que vous vous attendiez à ce que votre dépense d’énergie augmente, est-ce que vous avez été surpris par cet impact physique au début ?
Quand je jouais 40 minutes en début de saison et que c’était vraiment ma première fois où j’avais beaucoup plus la balle et que je devais aussi défendre sur le meilleur joueur adverse, c’était un peu surprenant par rapport à l’impact que ça avait sur mon corps. Maintenant, je suis un peu plus habitué donc ça va.
Aujourd’hui, j’imagine que vous allez passer beaucoup de temps sur Stephen Curry. Comment est-ce que vous vous êtes préparé à défendre sur un joueur aussi unique que lui ?
Je fais comme d’habitude, c’est à dire beaucoup de vidéos. Par exemple, j’ai regardé leur dernier match contre les Wolves (ndlr : match diffusé sur la télévision du vestiaire des Wizards pendant notre échange). Et puis, Steph Curry, j’ai grandi en le regardant jouer donc je connais assez bien son jeu. Et j’entame le match en essayant de lui rendre tout plus compliqué pour essayer de le limiter. Je sais qu’il va mettre des tirs compliqués, mais c’est son jeu donc je vais tout faire pour contester ses tirs et puis on verra.
On dit souvent que Stephen Curry est encore plus dangereux une fois qu’il lâche la balle. Tout le monde sait qu’il bouge énormément sans ballon et pourtant ça reste difficile à défendre. Pouvez-vous nous expliquer la rigueur qu’il faut avoir pendant le match pour ne pas tomber dans ce piège ?
(Il rigole) Ouais, c’est très compliqué. Par moment, il lâche la balle et tu dis ‘ouf je peux me relâcher un peu’ et en fait pas du tout. C’est là qu’il bouge partout. Dès que tu tournes la tête, tu vas te rendre compte qu’il est parti à l’opposé. Faut vraiment être concentré pendant les 24 secondes de possession sinon il punit direct, comme il l’a fait à la fin du match contre Minnesota.
Collectivement, quel bilan tirez-vous de cette première partie de saison ?
Ce n’est pas terrible, hein… On a perdu beaucoup de matchs mais c’est quelque chose à laquelle on s’attendait parce qu’on est jeune, on est en reconstruction, on apprend beaucoup. On progresse quand même, malgré tout. On a eu une grosse série de défaites et depuis je nous trouve meilleurs. Les matchs sont plus serrés qu’en début de saison. Il y a une meilleure gestion de la balle, on joue mieux ensemble, défensivement il y a du mieux également. Donc, faut continuer dans cette voie.
La « French Connection » de Washington
La saison dernière, je vous avais demandé votre approche par rapport à l’enchainement des défaites et vous m’aviez répondu que vous vous focalisiez sur les petites victoires. Est-ce que vous avez une approche similaire cette saison ?
Ouais, c’est ça… Mais cette année j’ai un peu plus envie de gagner parce qu’on a déjà vécu ça l’année dernière, et je sais que c’est dur à encaisser. Surtout quand t’es rookie et que tu arrives et que tu enchaines les défaites. Donc je fais en sorte qu’ils ne s’y habituent pas forcément et qu’ils ne pensent pas que ce soit quelque chose de normal parce que l’année prochaine on va devoir progresser. Et surtout on veut avoir un état d’esprit de gagnant.
En parlant de rookie, comment jugez-vous le début de saison d’Alexandre Sarr ?
Il progresse de match en match. Je le vois bosser dur tous les jours donc je ne suis pas surpris par sa progression. C’est vraiment beau à voir. Il gagne en confiance, il prend ses tirs sans se poser de question, il n’hésite pas. C’est de bon augure pour la suite.
À quel point c’est utile pour lui de pouvoir compter sur vous et votre expérience rookie de la saison dernière, mais également sur Alexis Ajinca qui fait partie du coaching staff, pour s’adapter non seulement au jeu NBA mais également à la vie NBA ?
Cela l’aide un peu. Avoir des Français dans l’équipe, c’est toujours plus simple. S’il a un truc à dire ou une question, il sait à qui s’adresser. On vient tous les trois de la même culture donc on sait ce qui est bien, et ce qui ne l’est pas parce que tout est différent avec les Américains. Donc le fait qu’il puisse compter sur moi, sur Alexis, c’est un plus.
Avec les Bleus, Bilal Coulibaly veut des responsabilités
Pour finir, parlons équipe de France, avez-vous eu l’occasion de parler avec Fred Fauthoux depuis sa nomination à la tête de l’équipe ?
Oui oui, on a déjà un peu échangé par texto. On s’est dit qu’on allait s’appeler et on s’est parlé un peu. Pendant sa première campagne, je l’ai félicité pour sa première victoire. Et puis, c’est quelqu’un avec qui j’ai toujours été en contact toute façon donc c’est naturel.
Après avoir goûté à l’équipe de France A pour la première fois l’été dernier, quels sont vos objectifs pour l’Euro et pour la suite de votre carrière en équipe de France ?
C’est dans la lignée de ma progression et de mon évolution avec les Wizards. Montrer que je mérites de jouer balle en main, montrer ma volonté de défendre sur le meilleur joueur adverse, et simplement avoir des responsabilités.
Propos recueillis à San Francisco.