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Le Thunder, Cholet, son tir, la dépression… La grosse interview d’Andre Roberson

NBA – L’ancien joueur du Thunder Andre Roberson tente de renouer avec sa carrière en France, à Cholet, après des années de galère.

Andre Roberson avec le Thunder

Sous le cercle de la Meilleraie, à prendre le rebond et redistribuer le ballon pendant que ses coéquipiers enchaînent les tirs, Andre Roberson passerait presque inaperçu. Il n’est pourtant pas banal de retrouver en France un joueur aux quelques 300 matchs NBA, dont 269 comme titulaire et pas n’importe où. Joueur important du Thunder entre 2013 et 2018, retenu dans le deuxième cinq défensif de la saison 2016-2017, Roberson a connu une rupture brutale dans sa carrière avec une grave blessure au genou en janvier 2018.

Depuis, le joueur de 32 ans lutte pour redevenir lui-même et s’est confié à BasketUSA sur son parcours jusqu’à sa signature à Cholet Basket il y a un mois, comme « simple » pigiste médical (19 d’évaluation moyenne en deux rencontres de Betclic Elite). Un contrat qu’il espère être un tremplin pour revenir toquer à la porte de la NBA.

Comment vous sentez-vous tout d’abord après un mois ici à Cholet ?

Ca se passe bien ! Je m’acclimate et je m’adapte au basket européen, comme vous le savez, c’est la première fois que je joue en Europe. C’est très différent de ce à quoi je suis habitué, mais je prends cette expérience et ces défis à bras ouverts. Je me sens bien, je sens que je progresse chaque jour, à part un petit contre-temps (Andre Roberson est préservé depuis mardi suite à une alerte à l’adducteur, ndlr). J’essaie de me fondre dans les systèmes et de me laisser porter par ce que l’équipe a construit. J’essaie de faire ça et d’être bon individuellement à la fois. Cela fait du bien.

Lequel de ces défis est le plus difficile que ce soit dans le jeu ou de vivre dans un nouveau pays ?

Oh vous savez, dans un sens, Cholet est un peu comme Oklahoma City, c’est une petite ville où tout le monde se connaît et a le basket ancré en lui. J’ai l’habitude de ce genre d’atmosphère, c’est agréable. Je m’habitue à comment le basket est joué ici, les rotations toutes les cinq minutes, sortir du banc, une nouvelle équipe, de nouvelles règles… Sur mes premiers matchs, j’ai pris pas mal de marchers (il sourit), donc je me fais à poser un dribble d’abord. C’est un autre basket. Même en défense, qui est une de mes forces, j’ai dû faire des petits ajustements pour comprendre le jeu sous une autre perspective. J’essaie juste de faire de mon mieux. C’est une expérience sympa jusque-là.

Votre signature à Cholet a surpris beaucoup de monde. Racontez-nous comment cela s’est déroulé.

J’ai changé d’agent. Et puis… Dans la vie, des choses arrivent. J’ai eu des offres de pas mal d’endroits, mon nouvel agent m’a bien vendu celle de Cholet, que c’était un bon club. Dieu ne fait pas d’erreurs, je suis arrivé ici pour une raison. Et je me sens bien ici. C’est cool de rendre un peu ici, de nombreux joueurs NBA viennent d’ici, c’est bien que quelqu’un fasse le chemin inverse pour nous représenter (rires). C’est vraiment génial de pouvoir donner ça aussi aux supporters.

Vous saviez que des Rudy Gobert, Nando De Colo, ou Tidjane Salaün étaient passés ici en signant ?

Non pas du tout, je l’ai appris en arrivant. Je connais Killian Hayes un peu, et j’ai joué contre Kévin Séraphin quand j’étais à la fac. On était venu avec Colorado à Paris pour une tournée de matchs donc on se connaissait déjà quand il est arrivé aux Wizards. Le monde est petit hein ?

 J’ai traversé une dépression, des hauts, des bas.

Revenons en 2018, et votre blessure au tendon rotulien, qui n’est pas aussi fréquente que celles aux ligaments par exemple. Votre rééducation a pris bien plus de temps que ce qui était imaginé, il y a une explication à cela ?

Je ne veux pas balancer qui que ce soit sous le bus. C’était un problème chirurgical, la procédure, en tout cas la manière dont elle a été faite. Mon corps a rejeté une grande partie de ce qui a été fait ou implanté dans mon genou, et j’ai encore des points de suture aujourd’hui pour ça. La première fois, c’était en enlevant des points de suture. La deuxième fois, ma rotule était enflée de liquide de Synovie que mon corps produisait parce qu’il rejetait les fils de suture. Il en fabriquait beaucoup trop, on pensait que c’était simplement enflé mais ce n’était pas ça, simplement beaucoup de fluide qui s’était accumulé. Et à la suite de ça, mon tendon rotulien s’est déchiré. La façon dont cela s’est produit est peu commune, mais j’ai ma théorie là-dessus… C’est ainsi. Je suis en bonne santé maintenant et je veux rendre au jeu que j’aime tant. Parfois les choses ne se passent pas de la manière dont vous souhaitez qu’elles se produisent. Vous devez juste encaisser les coups, apprendre de vos erreurs, du passé et continuer à avancer. Cela fait partie de mon histoire maintenant et cela m’a amené à être ici aujourd’hui et à être qui je suis aujourd’hui. C’était un mal pour un bien.

Vous n’avez aucun regret sur cette période ?

Si, quelques-uns avec le recul, surtout en 2020 (André Roberson a rejoué ses premiers matchs après deux ans d’absence dans la bulle, ndlr). Tout ce que je sais maintenant, je le dois à ce que j’ai dû traverser. J’ai eu des grosses entorses de la cheville par le passé, que je faisais strapper et cela a fini par limiter la mobilité de l’articulation de mon genou et accentuer la tendinite que j’avais parce que le genou encaissait davantage de force. J’aurais aimé savoir ce genre de choses alors. Et puis, tout simplement se reposer plus et mieux gérer. Aujourd’hui, vous voyez de nombreux joueurs manquer des matchs, faire du « load management » et à part les Spurs qui le faisaient beaucoup, personne ne le faisait à cette époque. J’étais un jeune joueur qui arrivait en NBA, dans ma tête je devais juste continuer à me battre, c’est comme ça que j’ai été éduqué. Il y a toujours de choses que vous auriez voulu ne pas faire ou différemment, mais on le voit grâce au recul qu’on a ensuite.

Avez-vous eu des doutes sur le fait de rejouer un jour au basket ?

Durant ma rééducation, j’ai beaucoup réfléchi, trop réfléchi même, je suis passé par beaucoup d’émotions. J’ai traversé une dépression, des hauts, des bas. J’ai beaucoup appris sur moi-même et mon corps à cette période, ces trois ans.

Je suis dans une sorte de « revenge tour ».

Vous avez le sentiment que c’était un processus plus physique ou psychologique ?

C’est bien plus une question de mental que de physique. Ne pas être capable de fonctionner comme je le faisais avant, même quand j’étais autorisé à rejouer, mon genou n’était pas lui-même et c’était quelque chose que j’avais constamment en tête. Aujourd’hui, tout est normal dans une certaine mesure. Mais il y a des moments où j’ai vraiment pensé arrêter de jouer. J’en étais arrivé à un point où l’année dernière, j’ai eu besoin de couper, de prendre du temps pour moi, même si mon corps allait bien, pour savoir si je voulais revenir sur le terrain et prendre le risque de me blesser à nouveau. Cela m’a pris une longue et bonne année pour moi-même, passer des bons moments, voir mes petites sœurs grandir, devenir des superstars elles-mêmes (Aaiyah joue à TCU en NCAA, Arianna est internationale américaine U18 et a rejoint Duke cette saison, ndlr). Et finalement, je veux juste redonner à ce jeu et ne pas laisser une blessure définir ma carrière. La flamme brûlait toujours en moi, à 100%. C’est pour ça que j’ai joué le TBT, pour monter en régime et c’est ce pourquoi je suis ici. Je veux revenir au meilleur niveau que ce soit l’Euroligue, ou même revenir en NBA.

Parlons de ce qu’il y a eu de bon alors, quels sont vos meilleurs souvenirs en NBA ?

Les relations que j’ai pu nouer avec le temps, clairement. Jouer au meilleur niveau possible aussi. J’ai vécu plein de bons moments sur le parquet, mais ceux que je chéris le plus, ce sont les relations humaines à Oklahoma City. Que ce soit avec des joueurs, les entraîneurs, le staff médical, les dirigeants… Tout le monde est spécial et des gens bien. C’est un des aspects fantastiques de cette franchise, du haut de l’organigramme en bas, tout le monde est génial. Je suis toujours en contact avec presque tout le monde, pas forcément au quotidien, mais on se donne de nouvelles, les liens sont très forts dans cette organisation. On vous traite comme de la famille, un peu comme ici d’ailleurs.

Rejouer en NBA, c’est le but ultime ?

Bien sûr. Je pense toujours être dans les 500 meilleurs joueurs du monde, peut-être les 450 meilleurs. Défensivement, je suis clairement dans cette catégorie. Je suis un compétiteur, c’est dans ma nature. J’ai le sentiment d’avoir encore beaucoup à prouver, pas seulement d’un point de vue basket, mais au sens large, à moi-même, à ma famille, et au monde finalement. Je n’aime pas vraiment la façon dont j’ai quitté la NBA, mais c’est ce qui me motive aujourd’hui. Je suis dans une sorte de « revenge tour ».

Vous accepteriez de revenir en NBA peu importe les conditions, votre rôle, votre temps de jeu ?

C’est la NBA ! Vous devez vous trouver votre rôle, comprendre ce dont l’équipe a besoin et vous adapter à cela du mieux que vous le pouvez. Je pense que je comprends bien ce jeu de ce point de vue. Beaucoup de gens ont notamment remis en question ma capacité à tirer de loin. Maintenant, je veux jouer et prouver que je peux shooter et jouer à haut-niveau. Mon jeu l’était, pas mon tir. Je veux avoir un jeu plus complet.

J’étais un shooteur toute ma vie avant d’arriver en NBA.

On a l’impression que vous avez changé des choses sur votre tir non ?

C’est plus une question de confiance, et redevenir moi-même. Je me suis juste dis « j’emmerde toutes ces critiques », j’étais un shooteur toute ma vie avant d’arriver en NBA. Je n’étais pas si mauvais à l’université, autour des 38% à trois-points, mais à 60% aux lancers-francs. Le problème, c’est qu’on a changé mon geste de tir par rapport à ce dont il avait l’air, pas pour les pourcentages. Aujourd’hui, je pense qu’il ne faut pas modifier tant de choses que ça sur le shoot d’un joueur, juste de légers ajustements. Ca se joue surtout là-haut (il pointe sa tête). Il y a plein de joueurs qui ont des gestes un peu bizarres mais le ballon rentre. Le tir ne ressemble peut-être pas à ce que vous voudriez qu’il soit, mas tant que ça tombe dedans, qu’est-ce qu’on en a à faire ? Regardez Tyrese Haliburton, son geste part de travers mais ça rentre, pourquoi vouloir le corriger ? Une grande part est mentale, pas technique. J’ai grandi comme un shooteur, c’était la première qualité de mon jeu ! Jusqu’à ce que j’atteigne deux mètres, je jouais « guard ». J’ai une rancune en quelque sorte, de la manière dont j’étais perçu, et pas toujours respecté.

Vous parlez de jouer arrière, Cholet Basket avait annoncé votre arrivée comme ailier-fort, un poste auquel vous n’avez jamais joué en NBA. C’est votre nouveau rôle ?

(Il sourit) Non, c’est simplement comme quand vous êtes au lycée ou à l’université. Ici, je suis un des joueurs les plus grands sur le terrain. Quand j’étais au Thunder, je jouais avec Russ’, j’étais arrière, Kevin était ailier à plus de 2m10, Serge Ibaka un intérieur contreur de 2m08 et Steven Adams qui fait 2m10. Ici, c’est très différent, donc c’est juste de savoir où est-ce que je peux m’intégrer. Je peux jouer là où il y a des besoins, du poste 2 au poste 5, où j’avais joué quelques matchs avant ma blessure. Après ma blessure, j’étais plus ailier. Je veux juste jouer, être polyvalent des deux côtés du terrain, et m’adapter à ce que le jeu demande. C’est ce qui vous rend important.

Russell Westbrook, Kevin Durant et Andre Roberson avec le Thunder

Vous avez joué en plein pendant la période où Steph Curry et les Warriors ont changé le jeu de plus en plus vers l’extérieur. Que pensez-vous de l’évolution du jeu ces dernières saisons ?

J’ai une relation entre l’amour et la haine avec la façon dont le jeu est joué. Ce n’est pas toujours du beau basket, et à la fois, il permet à certains joueurs de mettre en avant leurs qualités et leur talent. C’est plus rapide, plus attrayant pour les spectateurs. Mais quand vous arrivez vraiment aux choses sérieuses en playoffs, vous avez besoin d’intérieurs et vous devez être plus complets. Ce que je ne partage pas, c’est de tirer constamment à trois-points pour marquer le plus vite possible. Vous devez donner de l’importance à votre possession, peu importe ce que les stats avancées disent, « en tirant vite vous aurez deux tirs au lieu d’un ». Si vous avez un bon tir et que de l’autre côté, vous défendez bien, alors vous aurez deux bonnes possessions et vous aurez un différentiel de cinq points en empêchant un tir de loin pour mieux marquer ensuite. C’est comme ça que je vois les choses, au lieu d’envoyer un tir 1,50 mètres derrière l’arc pour avoir plus vite ton prochain ballon. Beaucoup d’équipes exploitent ça et l’ont poussé à l’extrême. C’est du basket irréfléchi dans un sens. Mais tout le monde est concentré à marquer. Vous avez dix joueurs qui tournent à 30 points aujourd’hui alors qu’il n’y a pas longtemps, c’était difficile d’en marquer 20. Marquer 20 points tous les soirs et vous étiez un scoreur prolifique, un All-Star quasi automatiquement. Maintenant, cinquante gars mettent 20 points.

La défense est devenue un art oublié en NBA.

Dans un sens, c’est une qualité, c’est comme ça que le jeu a changé avec les Warriors, du jeu rapide, plus sur les qualités individuelles, et tourné vers l’attaque. Ces équipes ne défendent plus aujourd’hui, ça m’agace. La défense est devenue un art oublié. Et quand on parle de défense, on pense tout de suite aux qualités athlétiques, pas à l’intelligence, la compréhension et la lecture du jeu. Même les meilleurs entraîneurs défensifs sont passés à changer sur tous les joueurs, vous n’avez plus d’affrontements directs, et c’est une approche fainéante à mes yeux. C’est aussi ce qui rend les playoffs intéressants, cela devient un jeu d’échecs et d’ajustements. C’est ça le basket, et c’est là que audiences s’envolent d’ailleurs. Le basket de saison régulière m’ennuie, ce n’est que du spectacle, pas de la compétition. Tout le monde est juste content d’être là.

En parlant de playoffs, vous voyez comme beaucoup de monde le Thunder comme un favori cette saison ?

Oh oui ! C’est une équipe encore jeune comme ils l’ont montré la saison dernière. Mais ils ont les pièces en place pour le faire s’ils parviennent à garder cette équipe ensemble. Ils préparent quelque chose de spécial, dans l’esprit d’une dynastie. Ils ont clairement leurs chances, même si l’Ouest est toujours aussi dense. Une des choses qui fait d’OKC un candidat presque chaque année, c’est que la franchise fait les choses de la bonne manière. Cela démarre par le propriétaire, par Sam Presti et jusqu’au terrain.

Cela ne me dérangerait pas du tout de rester, Cholet fait partie de moi maintenant.

Vous avez signé pour deux mois à Cholet Basket, vous pourriez envisager de rester si l’opportunité se présente ?

Oui, on verra. Ce que le club m’a dit, c’est de venir pour deux mois et qu’on verrait alors si l’on a aimé ce que l’on a vu après ça (rires). Et ils m’ont dit ça après à peine deux semaines, alors que je devais m’acclimater à tout. Non, c’est vraiment un super endroit, les gens sont tops, l’organisation aussi, et ça n’a pas de prix. Même si le but serait de jouer au meilleur niveau possible, surtout à ce stade de ma carrière. Mais cela ne me dérangerait pas du tout de rester, Cholet fait partie de moi maintenant. Nous verrons bien, c’est une option.

Quelles sont vos premières impressions sur le championnat français ?

C’est pas mal ! Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre, c’est pour ça que je suis venu (rires). Rien qu’en regardant les Jeux olympiques, vous voyez qu’il y a de bons joueurs en France, des bons entraîneurs. C’est une des raisons qui m’a poussé à venir ici. Et j’adore ce que Cholet par exemple fait pour les jeunes joueurs dès très jeune.

Vous jouez déjà les vétérans ?

Oui, j’ai fait un entraînement avec eux, juste partager un peu d’expérience avec eux. Comme je l’ai dit, je trouve vraiment que les choses sont bien faites ici. Et cela me permet de redonner à ce jeu, d’essayer de le pousser toujours vers l’avant.

Propos recueillis à Cholet

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