Le fameux épisode de l’étranglement de PJ Carlesimo par Latrell Sprewell au cours d’un entraînement des Warriors le 1er décembre 1997 reste, malgré les années, un des moments les plus étranges de l’histoire de la Ligue.
Pour remettre les choses en contexte, il faut se souvenir que les Warriors étaient à une victoire pour treize défaites à ce moment de la saison. L’arrière All-Star était donc déjà extrêmement frustré par la situation.
De plus, et comme l’a récemment rappelé son coéquipier de l’époque, Brian Shaw, PJ Carlesimo avait une façon d’agir bien à lui, en tant que coach. Ce qui irritait également Spree, mais aussi certains autres vétérans du vestiaire…
« Je ne t’aime pas ! Moi, non plus « !
« Ce qu’on ne sait pas vraiment dans cette affaire, c’est que le juge nous avait interdit d’en parler publiquement », rappelle Brian Shaw dans le podcast de Paul George. « La situation s’est progressivement aggravée entre les deux. PJ Carlesimo est un super gars, en dehors du terrain, dans la vie en général. Il vous donnerait sa chemise. Mais, en tant que coach, c’était une autre histoire ! Par exemple, il avait pour habitude d’appeler tout le monde ‘motherfucker’. Moi, je venais tout juste d’arriver dans un transfert d’Orlando. Quand je suis arrivé et que j’ai vu qu’il parlait comme ça, j’ai demandé si c’était normal. Spree était un All-Star à l’époque, il avait représenté les Warriors. PJ arrivait lui de Portland, et avant ça de Seton Hall. Il avait coaché à l’université et il avait ramené un peu de ça en NBA. Mais c’est le genre de trucs qui ne passe pas en NBA. »
Arrière percutant drafté en 24e choix en 1992, élu All-Star dès sa deuxième saison (ainsi que dans le meilleur cinq de la Ligue en 1994) et membre éminent de Knicks qui sont allés jusqu’en finale NBA (en 1999) et de Wolves jusqu’en finale de conférence (en 2004), Latrell Sprewell est malheureusement pour lui passé à la postérité pour plusieurs écarts de conduite, et autres déclarations aussi retentissantes que ridicules.
Esprit libre qui vivait à son propre rythme, Spree n’était vraiment pas le genre de joueurs qu’appréciait PJ Carlesimo. Au contraire, il était typiquement celui qui lui tapait sur les nerfs.
« [Carlesimo] avait des problèmes avec Spree par rapport au code vestimentaire. Spree s’habillait comme il voulait, il avait ses tresses. Mais c’était un bosseur, il faisait le boulot et il était productif. Personne ne pouvait remettre en cause son éthique de travail. Mais, quand on se déplaçait, il était souvent en jogging et en sandales, avec ses écouteurs sur la tête. Ça énervait PJ, qui lui faisait toujours des remarques sur ses vêtements et ses cheveux. Une fois, Spree a enlevé son casque et lui a dit : ‘Ecoute, j’ai parlé à mon agent. Vous pouvez me mettre à l’amende 500 dollars par match si je ne respecte pas le code vestimentaire. Ça fait 41 matchs à l’extérieur, faites le calcul et retirez la somme de ma prochaine paye et foutez moi la paix une bonne fois pour toutes ! Je vais m’habiller comme je veux’. Et il a remis son casque. Il écoutait tout le temps Wu Tang, en chantonnant : ‘You don’t wanna fuck with a soldier’ [rires]. »
Régulièrement rappelé à l’ordre par son coach pour son accoutrement, Spree le défiait en permanence.
Lors d’un temps mort, alors que Golden State prend une rouste face aux Lakers, on peut sentir des signes avant-coureurs quand Latrell Sprewell se marre ouvertement et PJ Carlesimo le traite tout bonnement d’imbécile.
Une toute autre décision
La tension montait donc lentement… jusqu’à ce 1er décembre et cet exercice de passes avec Muggsy Bogues.
« On était à l’entraînement. Muggsy Bogues, moi, et Spree, on shootait sur un panier. PJ débarque et crie sur Spree : ‘Tu dois me donner plus que ça !’ Lui n’a rien répondu, il a continué à faire ses shoots. PJ revient à nouveau vers nous et il s’en prend encore à Spree : ‘Si tu ne veux pas en faire plus, alors dégage de mon gymnase !’ Spree lui a alors répondu : ‘Ecoute moi bien, si tu me dis encore un truc, je vais te défoncer’. On était tous répartis sur tous les paniers et le voilà qui revient encore. Spree a posé son ballon au sol et il s’est dirigé vers PJ. Il l’a attrapé par le cou. Et honnêtement, vu comment il lui parlait, les autres joueurs ont un peu laissé faire car il l’avait un peu cherché. Mais les assistants et le staff sont rapidement intervenus pour séparer Spree de PJ. Il était dans une rage folle à ce moment-là et il filait des coups de pied aux assistants qui venaient aider PJ. Ils ont enfin réussi à les séparer et la sécurité est arrivée pour clore l’affaire. »
Coupé par Golden State quelques jours plus tard, puis carrément suspendu par la Ligue, Latrell Sprewell va être érigé en exemple de cette NBA violente, gangrenée par la culture hip-hop. David Stern lui réservera pour le coup une sanction exemplaire avec une saison entière sans jouer, et vingt millions de dollars partis en fumée.
Mais, en coulisses, et juste après l’incident, les dirigeants des Warriors avaient pris une toute autre décision. Une punition bien plus clémente, qu’avaient acceptée les vétérans du vestiaire, dont Brian Shaw.
« On a eu une réunion entre nous juste après. J’étais là, déjà en tant que vétéran de l’équipe, avec Muggsy Bogues qui était là aussi. PJ et Garry St Jean, qui était le GM, nous ont dit : ‘Cet incident est arrivé en interne, on doit le garder en interne !’ Personne n’en parle à personne. Et puis, on a discuté d’une punition adaptée pour Spree. On a décidé de dix matchs de suspension, plus des cours de gestion de la colère. On était tombé d’accord là-dessus, ça allait être la sanction. Bon, j’habitais à Oakland. L’entraînement se termine, la réunion. Je rentre chez moi, l’espace de dix minutes. J’allume la télé et je vois une photo de PJ avec son cou marqué d’empreintes. Les Warriors ont dû donner leur version des faits mais comme on n’avait pas le droit d’en parler publiquement… Au final, Spree a été suspendu toute la fin de saison. Il a perdu de nombreux contrats, avec Converse notamment. Il a été dépeint comme le méchant. Évidemment, on ne cautionne pas son acte mais il y a toujours deux versions différentes de l’histoire. On lui a d’ailleurs montré notre soutien lors de sa conférence de presse, en se tenant derrière lui. Moi, Bimbo Coles, Joe Smith, Felton Spencer, Robert Horry, son ancien coéquipier d’Alabama aussi, Duane Ferrell. Spree s’excuse publiquement et on tourne la page. »
Le grand ménage des Warriors
Et pour cause, les Warriors vont rapidement tourner la page. En faisant table rase !
« Deux semaines plus tard, quelqu’un frappe à la porte de ma chambre d’hôtel, c’est PJ Carlesimo. On est à Portland. Il vient m’annoncer que moi et Joe Smith, on vient de se faire échanger à Philadelphie contre Clarence Weatherspoon. Et au final, tous les gars qui étaient derrière Spree à sa conférence de presse ont soit été transférés, soit carrément coupés ! [rires] Comme Dickey Simpkins qui a été coupé. On l’avait croisé à l’aéroport. Mais qu’est-ce que tu fais là, toi ? Ils t’ont transféré aussi ? Non, moi, ils m’ont coupé ! [rires] »
Quand deux fortes têtes en viennent aux mains, c’est ce qui peut arriver. Les Warriors ont fait leur grand ménage au cours de cette saison 1997/98. Mais PJ Carlesimo a lui été limogé à son tour en début de saison 1999…
« Il y avait tout un tas de choses qui ont fait que cet incident est arrivé mais l’équipe ne marchait pas bien. Et PJ était dur avec l’équipe », conclut Brian Shaw. « Il se comportait comme les coachs pouvaient le faire à l’époque. Et ça, Spree ne l’a jamais accepté. »
Latrell Sprewell | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
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Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
1992-93 | GOS | 77 | 36 | 46.4 | 36.9 | 74.6 | 1.0 | 2.5 | 3.5 | 3.8 | 2.2 | 1.6 | 2.6 | 0.6 | 15.4 |
1993-94 | GOS | 82 | 43 | 43.3 | 36.1 | 77.4 | 1.0 | 3.9 | 4.9 | 4.7 | 1.9 | 2.2 | 2.8 | 0.9 | 21.0 |
1994-95 | GOS | 69 | 40 | 41.8 | 27.6 | 78.1 | 0.8 | 2.9 | 3.7 | 4.0 | 1.6 | 1.6 | 3.3 | 0.7 | 20.6 |
1995-96 | GOS | 78 | 39 | 42.8 | 32.3 | 78.9 | 1.6 | 3.3 | 4.9 | 4.2 | 1.9 | 1.6 | 2.9 | 0.6 | 18.9 |
1996-97 | GOS | 80 | 42 | 44.9 | 35.4 | 84.3 | 0.7 | 3.9 | 4.6 | 6.3 | 1.9 | 1.7 | 4.0 | 0.6 | 24.2 |
1997-98 | GOS | 14 | 39 | 39.7 | 18.8 | 74.5 | 0.5 | 3.1 | 3.6 | 4.9 | 1.9 | 1.4 | 3.1 | 0.4 | 21.4 |
1998-99 | NYK | 37 | 33 | 41.5 | 27.3 | 81.2 | 1.1 | 3.1 | 4.2 | 2.5 | 1.8 | 1.2 | 2.1 | 0.1 | 16.4 |
1999-00 | NYK | 82 | 40 | 43.5 | 34.6 | 86.6 | 0.6 | 3.7 | 4.3 | 4.1 | 2.2 | 1.3 | 2.8 | 0.3 | 18.6 |
2000-01 | NYK | 77 | 39 | 43.0 | 30.4 | 78.3 | 0.6 | 3.9 | 4.5 | 3.5 | 2.1 | 1.4 | 2.8 | 0.4 | 17.7 |
2001-02 | NYK | 81 | 41 | 40.4 | 36.0 | 82.1 | 0.7 | 3.0 | 3.7 | 3.9 | 2.0 | 1.2 | 2.8 | 0.2 | 19.4 |
2002-03 | NYK | 74 | 39 | 40.3 | 37.2 | 79.4 | 0.6 | 3.2 | 3.9 | 4.5 | 1.8 | 1.4 | 2.3 | 0.3 | 16.4 |
2003-04 | MIN | 82 | 38 | 40.9 | 33.1 | 81.4 | 0.7 | 3.1 | 3.8 | 3.5 | 1.2 | 1.1 | 1.9 | 0.3 | 16.8 |
2004-05 | MIN | 80 | 31 | 41.4 | 32.7 | 83.0 | 0.8 | 2.4 | 3.2 | 2.2 | 1.6 | 0.7 | 1.6 | 0.3 | 12.8 |
Total | 913 | 39 | 42.5 | 33.7 | 80.4 | 0.8 | 3.2 | 4.1 | 4.0 | 1.9 | 1.4 | 2.7 | 0.4 | 18.3 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.