Dire qu’il est une superstar NBA pas comme les autres relève du doux euphémisme.
Dans le « show business » de la Grande Ligue américaine, Nikola Jokic est une OVNI. Un immense joueur à la personnalité des plus attachantes. Pour l’occasion, BasketUSA s’est replongé dans ses archives pour vous proposer un portrait très grand format. Normal pour le champion des champions cette année en NBA !
Jockey avant d’être Joker
Cette photo en a repris pour un tour du globe durant, et après les Finales. Avec sa bonne bouille et son sourire de biais, le tout jeune Nikola Jokic, torse nu avec ses parents et ses frangins, a d’abord été un « petit gros » avant de devenir le double MVP et champion NBA qu’il est maintenant. Comme quoi, il ne faut jamais jurer de rien…
Né dix ans après son premier grand frère, Nemanja, et treize après l’aîné de la fratrie, Strahinja (« J’étais probablement une erreur ! » se marre Jokic), l’actuelle superstar des Nuggets a vécu une enfance paisible dans son cocon familial de Sombor. Une éducation chaleureuse mais aussi à la dure, avec deux grands frères plutôt turbulents !
« Une fois, [mon grand frère aîné Strahinja] m’a retenu les bras et puis il a lancé des couteaux tout autour de ma tête, c’était un peu dingue ! » Tout ça pour ne pas avoir voulu grimper dans un arbre durant un innocent pique-nique familial…
Gamin paisible et calme à l’opposé de ses frères, ainsi qu’il nous le racontait en 2016, Nikola Jokic ne se destinait pas forcément au basket. Il y jouait, c’est vrai, mais il aimait aussi le foot et le water polo, le volley… et la course de chevaux, qu’il a découvert lors d’une foire à l’âge tendre de douze ans, avec ses parents.
« J’allais dans les écuries. C’était ma vie »
À vrai dire, Nikola avait l’habitude de pleurer avant d’aller à l’entraînement de basket. C’est son père qui l’a convaincu de continuer à y aller. À raison !
« J’ai toujours aimé le basket, mais quand j’étais gosse – jusqu’à 13 ou 14 ans, j’allais aux courses de chevaux. » raconte-t-il dans le Players’ Tribune. « Je ne m’entraînais même pas tellement au basket. J’allais dans les écuries, pour être un garçon d’écurie. C’était ma vie. Je faisais des courses. Pas en professionnel, mais en amateur. J’ai même fini quatrième une fois. C’était une passion sympa. »
Avant de devenir le gigantesque athlète de 2m11 et 129 kg, qui bouge très bien pour sa taille, le petit Nikola grimpait donc sur son sulky dans des courses à folle allure. Il a même réussi à finir quatrième d’une course entre amateurs, pour des débuts encourageants. Mais ça, c’était avant sa poussée de croyance…
Il faut dire que le jeune Jokic n’avait pas un régime des plus diététiques à base de trois litres de Coca et de « bureks » (une pâtisserie salée, au fromage en l’occurrence) en guise de petit déj’…
« J’étais vraiment gros et je n’avais pas encore grandi quand j’ai commencé le basket. Je jouais un peu partout, de pivot à meneur. On s’amusait. J’ai commencé à m’entraîner au basket tous les jours à partir de 15 ans. Quand j’ai eu 16 ans, je pensais que je pouvais vraiment bien jouer. Et c’est là que j’ai quitté Sombor pour Novi Sad. »
Un talent inné
Comme à chaque étape de sa carrière, semble-t-il, c’est par une sorte de coup du hasard que Nikola Jokic se fait découvrir par ses premiers agents (qui le sont encore à l’heure de ces lignes). Le destin, sans doute…
« En Serbie, on joue pour un club et on joue pour son école. Ce n’est pas comme aux États-Unis, où on ne joue que pour l’école », détaille Nikola Jokic. « Chaque année, il y a un tournoi entre toutes les écoles du pays. Avec mon école de Novi Sad, on a gagné le tournoi. Mes deux premiers matchs dans la ligue supérieure, en junior, j’ai très bien joué. Le club de Belgrade, le KK Mega Leks, m’a vu et ils m’ont contacté par la suite. On est resté en contact et la saison suivante, j’y suis allé. »
De son côté, c’est effectivement en feuilletant un journal local que son futur agent, Misko Raznatovic, a découvert le premier joueur serbe double MVP et MVP des Finales. Par le plus grand des hasards. En repérant d’abord une ligne de statistiques qui sautent aux yeux : 29 points et 26 rebonds !
« J’ai fait ‘wow’ mais sans plus. Le samedi suivant, je lis à nouveau le journal : ‘Tiens, regardons encore’. Là j’ai vu 30 points et 15 rebonds. […] C’est le premier et dernier joueur en 27 ans d’histoire de l’agence qu’on a signé sans que personne ne le voit ! »
Forcément piqué dans sa curiosité, le fondateur de l’agence BeoBasket décide de se renseigner en passant un coup de fil à son scout.
« Je n’ai eu qu’un silence en retour : il ne le connaissait pas, ce qui était pour moi la surprise de l’année, sachant qu’il connaît tous les gamins de dix ans ! Pour moi, il était évident qu’il jouait pivot, à cause des 26 rebonds. ‘Passe un coup de fil et vérifie ! Est-ce que ce gars prend autant de rebonds parce qu’il est plus grand, plus costaud que les autres ou parce qu’il est polyvalent ?’ Il m’a rappelé trois minutes plus tard et m’a dit : ‘Non, non, non, il n’est pas costaud, il est même en léger surpoids, mais il est très complet, rusé et talentueux.’ »
« En Europe, mais peut-être pas en NBA »
Intégré à la rentrée 2012 dans la structure professionnalisante du Mega Leks (maintenant Mega Basket) – la pépinière où sont également passés Ivica Zubac, Goga Bitadze, Nikola Jovic, Vassilje Micic et nos Frenchies Timothé Luwawu-Cabarrot et Alpha Kaba, Nikola Jokic a peu à peu compris qu’il pouvait faire de la balle orange son gagne-pain.
« En Europe, mais peut-être pas en NBA », pensait-il à l’époque. Mais après une première saison en junior, puis une deuxième de découverte en pro (11 points, 6 rebonds, 3 passes), il est un leader dans sa troisième (et dernière) campagne au Mega Leks. À 19 points, 11 rebonds et 3 passes de moyenne pour sa deuxième véritable année (complète) en Ligue serbe, Nikola Jokic était donc prêt à franchir l’Atlantique dès la fin de la saison 2014-15.
Un titre de MVP de la Ligue Adriatique dans la besace, le jeune pivot taillé à la Serbe connaît donc une ascension régulière et constante…
Non sans un accroc avec un grand d’Europe, le Barça, qui aurait bien voulu servir de tremplin au pivot serbe.
« On était pratiquement d’accord, on n’avait plus qu’à fignoler les derniers détails », narre Misko Raznatovic. « Mais durant ce voyage pour venir le voir jouer en match, il a été horrible ! Vraiment affreux. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point il a été mauvais. Ils ont demandé plus de temps pour réfléchir… »
De son côté, Nikola Jokic y a vu un signe du destin. Un autre. « J’ai fini avec 4 points et 3 rebonds et j’avais été nul en défense. Mais c’était un signe [que j’allais finir à Denver]. »
Arrivé avec 136 kg sur la balance quand il signe à Mega, Nikola Jokic s’affûte peu à peu durant les trois ans qu’il passe à Belgrade. Mais, comme toujours avec lui, la notion de plaisir est essentielle. Primordiale même !
« Il ne pensait qu’à s’amuser », se souvient son frère Nemanja dans Sports Illustrated. « La première fois que je l’ai vu jouer, il envoyait des passes derrière le dos que personne n’aurait tenté. Et tout le monde le laissait faire. On ne lui a jamais dit qu’il ne pouvait pas le faire. Ils savaient qu’il avait un talent unique. »
Le spectre de Darko
N’ayant connu que des expériences en ligue serbe et en ligue Adriatique, sans le moindre passage en Euroleague, Nikola Jokic est loin d’être une valeur sûre à son arrivée en NBA. Au contraire, d’autres pivots serbes avant lui ont laissé des souvenirs mi-figue mi-raisin, à l’image d’un certain Darko Milicic.
Et ça tombe bien, car l’histoire de Darko est bien connue chez les Jokic. Et pour cause, le grand frère de Nikola, Nemanja, a bien connu Milicic, puisque ce dernier avait invité l’aîné des Jokic à venir habiter chez lui quand il évoluait lui aussi à Detroit, dans un club de ligue mineure.
« Ses frères ont l’air de mafieux, ils sont tellement différents de lui », en rigole Michael Porter Jr. « Ils sont prêts à se battre avec quelqu’un quasiment tous les deux matchs ! Ils sont connus en Serbie, mais ils sont si différents de Joker. Ils prennent tout simplement soin de leur petit frère. Ce sont des bons gars ! »
Pris en mains par ses grands frères, Nikola Jokic veut aussi rallier les États-Unis au plus vite pour une autre raison. Natalija, sa petite-amie de l’époque, qui est désormais sa femme (et la mère de sa fille, Ognjena), est alors joueuse de volley-ball dans une petite fac de l’Oklahoma (Seminole State College, entre 2013 et 2015).
« Ça a été comme ça toute ma vie », a-t-il révélé en marge des Finales. « Ma famille, ma mère et mon père m’ont toujours soutenu, surtout mon père. Il a toujours pensé que je pouvais viser plus haut, comme Jamal Murray [avec son père], qui a toujours voulu viser plus haut. Ensuite, quand j’ai déménagé, mon frère aîné a pris ce rôle et a vécu avec moi, puis nous sommes venus aux États-Unis, et ça a été mon frère, Nemanja, qui vit ici depuis neuf ans. Ça fait 15 ans qu’on est ensemble, et c’est juste une belle aventure. Pour être honnête, lorsque je suis arrivé aux États-Unis, j’étais surtout heureux de pouvoir être avec eux. Quand on est enfant et qu’on est le petit, on veut toujours être avec ses grands frères. J’étais plus heureux d’être près d’eux que d’être en NBA. »
« Le gars n’avait aucun muscle apparent »
Après Strahinja, son autre grand frère, qui est arrivé à Belgrade pour s’occuper du petit, notamment pour surveiller ce qu’il mange et qu’il aille bien en salle de musculation, c’est donc Nemanja qui prend le relais outre-Atlantique. En ayant recours à des objets pointus s’il le fallait !
« Nikola n’a pas vraiment le choix : on sera toujours autour de lui. Il est intelligent et j’ai confiance en lui pour ne pas se déconcentrer à ce stade. Mais c’est un moment tellement important que je veux qu’il ait le soutien que je n’ai pas eu. Je lui dis toujours : tu vis mon rêve, ne le prends pas pour argent comptant, ne fais pas les mêmes erreurs que moi ! »
Les doutes s’envolent cependant rapidement autour de Nikola Jokic. Doublure de Jusuf Nurkic à son arrivée dans les Rocheuses, le pivot serbe est finalement élu dans le meilleur cinq des rookies NBA, après une première saison à 10 points, 7 rebonds, 2 passes, 1 interception et quasiment 1 contre par match.
L’ancien de Mega Leks a même damé le pion au premier choix de Draft des Nuggets, Emmanuel Mudiay, sélectionné en 7ème position en 2015… et finalement dans le second cinq rookie seulement !
« Il y avait un préjugé direct par rapport à son physique », déclare tout de go un GM resté anonyme. « Le gars n’avait aucun muscle apparent. Il ne pouvait pas sauter. » Peu à peu endurci par le rythme infernal du calendrier NBA, Nikola Jokic va mettre du temps à faire oublier sa « période grasse ».
En témoigne cette anecdote rapportée lors de ses années serbes, quand il se définissait lui-même comme « un meneur gras » qui a notamment manqué une semaine avec son club de Mega, blessé au poignet. Une tendinite causée, tenez-vous bien, parce qu’il avait signé trop d’autographes !
La suite ce soir…
Nikola Jokic | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
2015-16 | DEN | 80 | 22 | 51.2 | 33.3 | 81.1 | 2.3 | 4.7 | 7.0 | 2.4 | 2.6 | 1.0 | 1.3 | 0.6 | 9.9 |
2016-17 | DEN | 73 | 28 | 57.8 | 32.4 | 82.5 | 2.9 | 6.9 | 9.8 | 4.9 | 2.9 | 0.8 | 2.3 | 0.8 | 16.7 |
2017-18 | DEN | 75 | 33 | 49.9 | 39.6 | 85.0 | 2.6 | 8.1 | 10.7 | 6.1 | 2.8 | 1.2 | 2.8 | 0.8 | 18.5 |
2018-19 ☆ | DEN | 80 | 31 | 51.1 | 30.7 | 82.1 | 2.9 | 8.0 | 10.8 | 7.2 | 2.9 | 1.4 | 3.1 | 0.7 | 20.1 |
2019-20 ☆ | DEN | 73 | 32 | 52.8 | 31.4 | 81.7 | 2.3 | 7.5 | 9.7 | 7.0 | 3.0 | 1.2 | 3.1 | 0.6 | 19.9 |
2020-21 ★ | DEN | 72 | 35 | 56.6 | 38.8 | 86.8 | 2.8 | 8.0 | 10.8 | 8.3 | 2.7 | 1.3 | 3.1 | 0.7 | 26.4 |
2021-22 ★ | DEN | 74 | 34 | 58.3 | 33.7 | 81.0 | 2.8 | 11.0 | 13.8 | 7.9 | 2.6 | 1.5 | 3.8 | 0.9 | 27.1 |
2022-23 ☆ | DEN | 69 | 34 | 63.2 | 38.3 | 82.2 | 2.4 | 9.4 | 11.8 | 9.8 | 2.5 | 1.3 | 3.6 | 0.7 | 24.5 |
2023-24 ★ | DEN | 79 | 35 | 58.3 | 35.9 | 81.7 | 2.8 | 9.5 | 12.4 | 9.0 | 2.5 | 1.4 | 3.0 | 0.9 | 26.4 |
2024-25 ☆ | DEN | 70 | 37 | 57.6 | 41.7 | 80.0 | 2.9 | 9.9 | 12.7 | 10.2 | 2.3 | 1.8 | 3.3 | 0.6 | 29.6 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.