Il y a un peu moins de deux semaines, Jimmy Butler compilait 47 points, 9 rebonds, 8 passes et 4 interceptions à Boston, dans le Game 6 de la finale de la conférence Est, pour sauver Miami et forcer un Game 7. Presque dix ans plus tôt, toujours au TD Garden et dans le Game 6 de la finale de la conférence Est, LeBron James compilait quant à lui 45 points, 15 rebonds et 5 passes pour sauver Miami et forcer un Game 7 contre Boston.
Même si de nombreuses similitudes peuvent exister entre ces deux performances XXL, il existe néanmoins une différence de taille entre elles : le contexte autour de ces deux matchs n’était pas, mais alors pas du tout identique.
Déjà, parce que le Heat était le favori légitime de cette série en 2012, avec ses « Three Amigos » en pleine force de l’âge, son statut de finaliste NBA en titre et sa deuxième place acquise à l’Est, en saison régulière.
Ensuite, parce que LeBron James jouait ni plus ni moins qu’une grande partie de son héritage le jeudi 7 juin de cette année-là. Sous le feu des critiques depuis l’été 2010, et son départ rocambolesque de Cleveland vers Miami, le « King » l’était encore davantage depuis la défaite du Heat lors des Finals 2011, avec cette performance indigne de son rang face aux Mavericks (seulement 17.8 points de moyenne).
Héritage en jeu dans un environnement hostile
En clair, le natif d’Akron (Ohio) n’avait tout simplement plus le droit à l’erreur, lors de l’exercice 2011/12. Car, s’il ne parvenait toujours pas à gagner une bague avec sa « superteam » floridienne, on ose à peine imaginer la réaction de la presse et de l’opinion publique.
Pire : une élimination prématurée des joueurs de South Beach aurait pu entraîner la fin des « Three Amigos »…
« Si nous avions perdu, Pat Riley aurait pu tout casser et je ne voulais pas ça », racontera le futur Hall of Famer, en 2020, au sujet de sa mentalité en amont de ce Game 6. « Ça aurait pu être la séparation la plus rapide de l’histoire. Non seulement il aurait pu tout casser, mais en plus mon héritage en aurait pris un énorme coup, si je n’avais pas livré une performance de légende. »
Autant dire que LeBron James, alors dans sa neuvième saison NBA, se retrouvait plus que jamais dos au mur, avant de se déplacer dans ce TD Garden hostile, qui ne lui réussissait historiquement pas en playoffs : seulement deux victoires en onze matchs, avant cette soirée du 7 juin 2012.
« Dans un environnement comme celui-ci, vous souhaitez toujours livrer un grand match », expliquera après coup le principal intéressé.
Justement : la force des plus grands réside dans le fait qu’ils arrivent à se sublimer dans les moments où tout est contre eux. Et quelle meilleure opportunité pour un joueur que de sortir un match de légende dans un tel contexte ? D’autant plus quand tout un tas de personnes attendent ta chute et quand tu te fais surnommer le « Chosen One » (l’Élu, ndlr) depuis maintenant une décennie (ou quasiment)…
Le message parfait
Ainsi, la tension était palpable dans le Massachusetts. Champions en 2008 et finalistes NBA en 2010, eux aussi avec un « Big Three » qui a fait jaser, les Celtics arrivent en fin de cycle mais restent menaçants. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Paul Pierce, Kevin Garnett, Ray Allen et consorts ont réussi à jouer les yeux dans les yeux avec le Heat jusqu’au Game 4, avant de carrément chiper le Game 5 à l’AmericanAirlines Arena, au bout du suspense.
En position de force devant leur public, un an après avoir été éliminés par Miami en demi-finale de conférence, les joueurs de Boston possèdent une occasion en or de rejoindre les Finals, où se trouvent d’ores et déjà leurs homologues du Thunder, bourreaux des Spurs la veille. Inexpérimentée, la troupe de Kevin Durant, Russell Westbrook et James Harden est un adversaire dangereux, mais pas imbattable. Typiquement le genre de matchup idéal pour décrocher une nouvelle bague…
Sauf que LeBron James a également envie de rallier les Finals pour y débloquer son palmarès collectif (hors sélection nationale). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que celui qui vient d’être élu MVP pour la troisième fois ne va pas faire les choses à moitié, afin d’envoyer un message retentissant au reste de la ligue.
En 45 minutes, le « King » compile en effet la bagatelle de… 45 points, 15 rebonds et 5 passes décisives, le tout à 19/26 aux tirs, 2/4 à 3-pts et 5/9 aux lancers-francs !!!
« Il n’avait peur de rien, absolument rien, et c’était contagieux. Personne n’aime se faire salir et être face contre le sol avant même d’être mort. Il a fait preuve d’une grande détermination », réagira son propre coach Erik Spoelstra, qui ne pouvait forcément que souffler après la rencontre.
Une mi-temps de légende
Royal, tyrannique ou divin : choisissez le terme qui vous convient, mais chacun illustre à merveille la domination de LeBron James sur ce Game 6 de tous les dangers. Domination qui n’a d’ailleurs pas mis bien longtemps à se faire ressentir.
« Il a incroyablement bien joué, il était concentré dès les premières secondes du match, je n’avais jamais vu ça de sa part auparavant », ajoutera à ce propos Dwyane Wade, auteur de 17 points, 8 rebonds, 4 passes et 3 interceptions dans l’ombre de son coéquipier et ami.
Précis à la création et omniprésent au rebond, l’ailier All-Star du Heat se montre en prime particulièrement agressif au scoring. Entre gros dunk en transition, réussites au poste et à mi-distance, « coast-to-coast » rondement mené et 3-pts en sortie de dribble, il marche sur les Celtics dans les douze premières minutes : 14 points, à 6/7 au shoot, pour un avantage de +10 pour son équipe (26-16).
À ce moment-là, il n’y a qu’à observer le visage de LeBron James pour comprendre qu’il est parti pour un carton offensif. Dans le second quart-temps, il se met ensuite à martyriser Rajon Rondo, Paul Pierce ou encore Mickaël Piétrus à mi-distance. C’est chirurgical et le seul moyen de l’arrêter (tout est relatif…) est de l’envoyer sur la ligne des lancers-francs. Car, même quand il est à deux doigts de perdre la balle ou que son bandeau lui en tombe, le joueur d’alors 27 ans parvient à s’en sortir avec des actions de grande classe.
À la pause, « LBJ » plane littéralement sur ce Game 6, comme le prouve sa terrible claquette au rebond offensif devant Kevin Garnett, et il pointe déjà à… 30 points et 12/14 au shoot (!) à la pause. Tirant surtout tout Miami vers le haut (55-42), sans avoir donné l’impression de forcer un instant…
Quand le Prince devient Roi…
Techniquement, LeBron James semble plus fort et plus juste que jamais. Les défenseurs de Boston ont beau se relayer ou venir en aide sur lui, personne n’est en mesure de le ralentir. L’entreprise de démolition du « King » peut donc se poursuivre tranquillement au retour des vestiaires et les tirs à mi-distance ou à 3-pts s’accumulent, à mesure que le chrono défile. L’écart au score se stabilise, lui, autour de la dizaine d’unités (74-61 après 36 minutes).
Si Rajon Rondo tente autant que possible de répondre à la superstar du Heat, il se fait aussi cibler à outrance en défense à cause de sa petite taille. Du pain béni pour un basketteur du calibre de LeBron James, qui affiche pas moins de 41 points au bout de trois quarts-temps, en alignant un sublime 17/22 au shoot…
Le dernier acte verra LeBron James boucler son entreprise de démolition des Celtics. En effet, c’est lui qui porte le coup de grâce aux joueurs du Massachusetts, avec ses passes décisives à destination de Dwyane Wade ou avec ses énièmes paniers à mi-distance et près du cercle. Le TD Garden est éteint et ses petits protégés doivent finalement déposer les armes (98-79) devant cette performance de légende.
« Je voulais être là pour mes coéquipiers, peu importe ce qui se passait tout au long de la partie. C’était un vrai test pour nous et c’est bien de voir que l’on a su rebondir après la défaite à domicile du Game 5 », expliquera l’ancien franchise player des Cavaliers, dans la foulée de son immense Game 6.
Le déclic dont il avait besoin pour devenir champion
Comme un symbole, 26 ans après les 63 points de Michael Jordan, c’est à Boston que LeBron James signe à son tour la plus grande prestation de sa carrière. Celui-ci avait besoin de réussir une telle sortie pour « grandir » définitivement et il n’a pas manqué son rendez-vous avec l’histoire, au grand dam de ses adversaires.
« Il était à l’aise durant toute la soirée, nous ne sommes pas entrés dans sa zone de confort », avouera Rajon Rondo, alors que Doc Rivers se montrera un peu plus élogieux à son égard. « J’espère désormais que vous [les journalistes, ndlr] arrêterez de parler de LeBron et de dire qu’il ne répond pas présent dans les grands matchs, car il a été plutôt bon. »
Outre Michael Jordan, les Magic Johnson, Shaquille O’Neal, Kareem Abdul-Jabbar, Larry Bird, Tim Duncan, Kobe Bryant, Elgin Baylor, Wilt Chamberlain, Bill Russell et autres Hakeem Olajuwon possédaient tous un match référence en playoffs (si ce n’est plusieurs, pour certains). Pour LeBron James, il est évident que cette soirée du 7 juin 2012 se situe dans son propre Mont Rushmore. Sans doute au-dessus de celles du 31 mai 2007 (48 points à Detroit, dont les 25 derniers de Cleveland) ou des 13-16-19 juin 2016 (comeback de 1-3 à 4-3 face aux Warriors).
Côté statistiques, on retiendra en tout cas une chose : avant « LBJ », seul Wilt Chamberlain (1964) avait compilé 45+ points, 15+ rebonds et 5+ passes dans un match de playoffs. Depuis, seuls Russell Westbrook (2018) et Kevin Durant (2021) ont intégré ce cercle ultra fermé.
Enfin, histoire de renforcer comme il se doit la légende de cette prestation… de légende, LeBron James ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Au contraire : il s’est permis d’achever les Celtics lors du Game 7 (31 points, 12 rebonds) puis, lors des Finals, il a guidé le Heat vers le titre et décroché son premier trophée de MVP des Finals (avec quasiment 29 points, 10 rebonds, 7 passes et 2 interceptions de moyenne). Inoubliable.
LeBron James | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
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Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
2003-04 | CLE | 79 | 40 | 41.7 | 29.0 | 75.4 | 1.3 | 4.2 | 5.5 | 5.9 | 1.9 | 1.6 | 3.5 | 0.7 | 20.9 |
2004-05 | CLE | 80 | 42 | 47.2 | 35.1 | 75.0 | 1.4 | 6.0 | 7.3 | 7.2 | 1.8 | 2.2 | 3.3 | 0.7 | 27.2 |
2005-06 | CLE | 79 | 43 | 48.0 | 33.5 | 73.8 | 0.9 | 6.1 | 7.0 | 6.6 | 2.3 | 1.6 | 3.3 | 0.8 | 31.4 |
2006-07 | CLE | 78 | 41 | 47.6 | 31.9 | 69.8 | 1.1 | 5.7 | 6.7 | 6.0 | 2.2 | 1.6 | 3.2 | 0.7 | 27.3 |
2007-08 | CLE | 75 | 40 | 48.4 | 31.5 | 71.2 | 1.8 | 6.1 | 7.9 | 7.2 | 2.2 | 1.8 | 3.4 | 1.1 | 30.0 |
2008-09 ★ | CLE | 81 | 38 | 48.9 | 34.4 | 78.0 | 1.3 | 6.3 | 7.6 | 7.2 | 1.7 | 1.7 | 3.0 | 1.1 | 28.4 |
2009-10 ★ | CLE | 76 | 39 | 50.3 | 33.3 | 76.7 | 0.9 | 6.4 | 7.3 | 8.6 | 1.6 | 1.6 | 3.4 | 1.0 | 29.7 |
2010-11 | MIA | 79 | 39 | 51.1 | 33.0 | 75.9 | 1.0 | 6.5 | 7.5 | 7.0 | 2.1 | 1.6 | 3.6 | 0.6 | 26.7 |
2011-12 ★ | MIA | 62 | 38 | 53.1 | 36.2 | 77.1 | 1.5 | 6.4 | 7.9 | 6.2 | 1.5 | 1.9 | 3.4 | 0.8 | 27.1 |
2012-13 ★ | MIA | 76 | 38 | 56.5 | 40.6 | 75.3 | 1.3 | 6.8 | 8.0 | 7.2 | 1.4 | 1.7 | 3.0 | 0.9 | 26.8 |
2013-14 | MIA | 77 | 38 | 56.7 | 37.9 | 75.0 | 1.1 | 5.9 | 6.9 | 6.3 | 1.6 | 1.6 | 3.5 | 0.3 | 27.1 |
2014-15 | CLE | 69 | 36 | 48.8 | 35.4 | 71.0 | 0.7 | 5.3 | 6.0 | 7.4 | 2.0 | 1.6 | 3.9 | 0.7 | 25.3 |
2015-16 | CLE | 76 | 36 | 52.0 | 30.9 | 73.1 | 1.5 | 6.0 | 7.4 | 6.8 | 1.9 | 1.4 | 3.3 | 0.6 | 25.3 |
2016-17 | CLE | 74 | 38 | 54.8 | 36.3 | 67.4 | 1.3 | 7.3 | 8.6 | 8.7 | 1.8 | 1.2 | 4.1 | 0.6 | 26.4 |
2017-18 | CLE | 82 | 37 | 54.2 | 36.7 | 73.1 | 1.2 | 7.5 | 8.6 | 9.1 | 1.7 | 1.4 | 4.2 | 0.9 | 27.5 |
2018-19 | LAL | 55 | 35 | 51.0 | 33.9 | 66.5 | 1.0 | 7.4 | 8.5 | 8.3 | 1.7 | 1.3 | 3.6 | 0.6 | 27.4 |
2019-20 | LAL | 67 | 35 | 49.3 | 34.8 | 69.3 | 1.0 | 6.9 | 7.8 | 10.2 | 1.8 | 1.2 | 3.9 | 0.5 | 25.3 |
2020-21 | LAL | 45 | 33 | 51.3 | 36.5 | 69.8 | 0.6 | 7.0 | 7.7 | 7.8 | 1.6 | 1.1 | 3.7 | 0.6 | 25.0 |
2021-22 | LAL | 56 | 37 | 52.4 | 35.9 | 75.6 | 1.1 | 7.1 | 8.2 | 6.2 | 2.2 | 1.3 | 3.5 | 1.1 | 30.3 |
2022-23 | LAL | 55 | 36 | 50.0 | 32.1 | 76.8 | 1.2 | 7.1 | 8.3 | 6.8 | 1.6 | 0.9 | 3.2 | 0.6 | 28.9 |
2023-24 | LAL | 71 | 35 | 54.0 | 41.0 | 75.0 | 0.9 | 6.4 | 7.3 | 8.3 | 1.1 | 1.3 | 3.5 | 0.5 | 25.7 |
2024-25 | LAL | 5 | 34 | 48.7 | 38.5 | 76.9 | 0.2 | 6.6 | 6.8 | 6.6 | 2.0 | 0.2 | 3.4 | 0.6 | 21.2 |
Total | 1497 | 38 | 50.6 | 34.8 | 73.6 | 1.2 | 6.3 | 7.5 | 7.4 | 1.8 | 1.5 | 3.5 | 0.7 | 27.1 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.