On avait laissé les Bulls au début des playoffs 1998. C’est ici qu’on les retrouve, avec un premier match accroché contre les Nets. Les commentateurs de l’époque observent un Michael Jordan fatigué, qui rappelle celui de 1993. Retour dans la machine à remonter le temps, si utilisée depuis quelques semaines, pour revenir à l’été 1993.
Les Bulls, on l’a vu la semaine passée, viennent de remporter leur troisième titre de suite. Michael Jordan sait que c’est sans doute son dernier match. Cette décision a même été évoquée quasiment un an plus tôt, pendant les Jeux olympiques de Barcelone. C’est la mort de son père, tué en juillet 1993, qui va accélérer les choses.
Et comme pour continuer sur les tensions de la saison 1992-1993, rapidement des rumeurs fleurissent et veulent connecter le meurtre de James Jordan à la passion de Michael pour le jeu. La retraite entérinée en octobre 1993, de nouvelles suspicions émergent, laissant penser que David Stern a écarté Michael Jordan pour ses soucis de jeu (le golf, les cartes…) et que cette retraite n’est qu’une suspension déguisée. Deux théories toujours réfutées, et qui n’ont jamais été prouvées, mais qui restent bien vivaces.
Changement de décor : Michael Jordan se met au baseball. Cette coupure est salvatrice. Il retrouve son âme d’enfant et réalise le rêve de son père, qui était de le voir jouer au baseball.
Pendant ce temps-là, les Bulls vivent une saison sans leur meilleur joueur, avec Scottie Pippen en nouveau leader et avec un Toni Kukoc en apprentissage. Les deux homme sont au centre d’une tension pendant les playoffs 1994. Phil Jackson ayant offert le dernier shoot au Croate, plutôt qu’à Scottie Pippen, qui ne l’acceptera pas et refusera de rentrer en jeu pour les ultimes secondes. C’est du banc qu’il verra son coéquipier marquer le panier au buzzer.
Le prix de la victoire
Pour conclure cet épisode, on revient à 1998 et au comportement de Michael Jordan avec ses coéquipiers. Ils le disent : il inspirait la peur. Pendant de longs mois, il a tenté de bousculer Scott Burrell pour en faire sortir le meilleur. Mais il n’a jamais réussi, car son coéquipier était « trop gentil ». Néanmoins, Scott Burrell fera un bon match à New Jersey, pour éliminer les Nets. La parenthèse sur cet aspect de « MJ » est très intéressante, quoi qu’encore une fois trop courte. Il y justifie son comportement tyrannique, que Phil Jackson devait tempérer.
« Gagner et être un leader, ça a un prix », explique-t-il. Pour cela, le sextuple champion s’appuie sur son passé, sur les coups qu’il a pris, l’exigence qu’il s’impose au quotidien. Michael Jordan conclut ses propos sur sa mentalité les larmes aux yeux. Une séquence forte.
Ce feu intérieur, cette volonté de toujours pousser les autres, Michael Jordan l’utilise aussi pour se motiver. En demi-finale de conférence 1998 contre les Hornets, dans le Game 2, il voit son ancien coéquipier B.J. Armstrong chambrer les Bulls, après un bon match de sa part et une défaite de Chicago. « MJ » est touché. Cigare dans une main et batte de baseball dans l’autre, à l’entraînement, il annonce que les prochains matches seront différents. Qu’il faudra assumer. Ça a toujours été comme ça avec lui : si on le pousse, il faut attendre une réponse. Même quand on n’a rien fait pour l’énerver !
Tout est prétexte à trouver une motivation
La preuve : en mars 1993, LaBradford Smith inscrit 37 points face aux Bulls. Après la rencontre, il aurait glissé à Michael Jordan, « bon match, Mike ». Dans la foulée, Chicago se déplace à Washington et le star des Bulls détruit son adversaire, avec 36 points rien qu’en première mi-temps. Sauf que ce moment, ce fameux « bon match, Mike », n’a jamais existé. Michael Jordan l’a inventé pour se motiver, alimenter son feu intérieur. Les Hornets sont battus en cinq matches. On revient alors à 1995.
C’est le moment de son retour, abondamment documenté. On revient sur les premiers entraînements à Chicago, l’annonce et le légendaire « I’m Back », le premier match contre Indiana, les 55 points à New York, le ballon perdu contre Orlando dans le Game 1 de la demi-finale de conférence. Ensuite, c’est la préparation de la saison suivante, sur fond de tournage de « Space Jam », avec les matches d’entraînement où certains des meilleurs joueurs de la ligue se réunissent dans le « Jordan Dome » construit pour l’occasion.
La bagarre avec Steve Kerr est comme prévu évoquée, toujours pour illustrer la pression que Michael Jordan imposait à ses coéquipiers pour les faire gagner et les préparer pour le haut niveau. Enfin, nouvel exemple de la méthode : pendant les Finals 1996, il monte en épingle une anecdote avec George Karl, le coach des Sonics. Les deux se connaissent bien, mais un soir pendant les Finals, le coach l’ignore dans un restaurant. Pas besoin d’en dire ou d’en faire plus, Michael Jordan en fait dès lors une « histoire personnelle ».
Ultime moment savoureux de ces deux épisodes, la réaction étonnée et hilare de Michael Jordan aux propos de Gary Payton. Le meneur de Seattle avait commencé à défendre sur l’arrière à partir du Game 4 des Finals (les Bulls menaient 3-0) et cela va gêner « MJ » et remettre les Sonics dans la série. Que serait-il arrivé s’il avait commencé dès le début de la série ? Mais la conclusion de cette historique saison (72 victoires) est parfaite : les Bulls remportent le titre le jour de la fête des pères. L’hommage parfait pour James Jordan.