Après deux saisons chez les Sixers, Timothé Luwawu-Cabarrot a été envoyé à Oklahoma City. Peut-être avec l’idée de préparer le Français à un rôle à la Thabo Sefolosha, le Thunder tarde en tout cas à responsabiliser le jeune arrière/ailier qui s’impatiente.
Limité à 18 apparitions cette saison, « TLC » commence à se morfondre au sein du Thunder. À 32% aux tirs, dont 24% à 3-points, l’international tricolore n’est plus que l’ombre du joueur prometteur aperçu sous la tunique des Sixers.
Basket USA a fait le point avec le jeune Frenchy qui garde tout de même le moral : pourquoi il ne joue pas, comment il gère ces moments forcément délicats dans sa jeune carrière, quelles solutions trouver pour sortir de la panade… et même le point de vue de Billy Donovan sur le rôle et la place du Français dans l’effectif !
« Ils ne m’ont pas drafté donc je ne suis pas forcément leur chouchou »
Timothé, d’abord, comment ça va physiquement ?
“Physiquement, tout va bien. Il n’y a aucun souci. Je suis bien revenu de ma blessure de Philly l’année dernière, je suis en pleine forme. Je ne me suis jamais senti aussi bien.”
Vous n’avez plus vu le terrain depuis le 19 décembre dernier, comment tenez-vous le coup moralement ?
“[long silence] C’est compliqué, c’est frustrant forcément parce que je sais que je peux jouer, je sais que je suis un joueur NBA. J’ai mes qualités et je peux aider l’équipe. C’est frustrant d’être sur la touche, sur le banc. Mais tu ne peux pas contrôler tout ça. Tu peux juste contrôler ce que tu fais en match, à l’entraînement et en dehors des entraînements au quotidien, pour montrer que tu es un bosseur. Dans ces moments-là, tu ne peux que prendre ton mal en patience. Mais tout le travail que tu fais, ça va payer un jour. J’essaie d’être patient.”
Vous avez intégré un gros effectif à Oklahoma City, et vous êtes dans une situation similaire à celle de Guerschon Yabusele du côté de Boston, avez-vous pu en discuter tous les deux ?
“On discute de ça. C’est vrai qu’on a une équipe qui gagne, et une franchise qui marche bien depuis un moment et avec des choses qui vont dans le bon sens. Moi qui suis arrivé cet été, je n’ai pas été drafté ici donc je ne suis pas forcément leur “chouchou” si on peut dire. Maintenant, je suis ici et je sais que je peux aider l’équipe avec mes qualités. C’est frustrant. Mais on gagne, l’équipe marche bien. Le truc, c’est que je vois mon rôle dans cette équipe, je me vois dans cette rotation. Je ne comprends vraiment pas pourquoi je ne joue pas du tout. Je ne comprends vraiment pas. Mais ce sont les décisions du coach et il faut vivre avec.”
Il nous a pour le coup décrit votre rôle de manière un peu vague (lire ci-dessous)… Comment pouvez-vous gagner votre place en cours de saison, ça se passe à l’entraînement ?
“Ce n’est même pas une question d’entraînement parce que du 5-contre-5, on n’en fait jamais ! Même quand on est à domicile, on ne s’entraine pas souvent. C’est juste moi qui vais faire des extras sur le terrain, avec le coach ou tout seul. Pour montrer que tu es professionnel et que tu sais ce que tu fais. C’est sur cet aspect-là qu’il faut marquer des points maintenant. La saison est lancée donc on va plus du tout s’entraîner, donc c’est sur ces aspects-là qu’il faut gagner des minutes et du respect vis-à-vis du coach.”
« Je pense… je suis même sûr d’avoir saisi ma chance »
Pour essayer de comprendre, pouvez-vous nous expliquer pourquoi il n’y a pas eu de suite après trois bons matchs de votre part fin novembre ?
“Je suis pareil, je ne comprends pas. Ce n’est pas mon boulot de faire les rotations évidemment. Ils ont leurs raisons et ils font comme ça. Ils ont eu besoin de moi et j’ai répondu. J’ai pu montrer que dès qu’on faisait appel à moi, j’étais capable de répondre présent. Même si je ne joue pas pendant quinze matchs, si tu me fais rentrer, je pourrai marquer des points, défendre et jouer juste. C’est sur que c’est très frustrant de ne pas enchaîner sur ce type de dynamiques. C’est comme ça.”
Comment gérez-vous cette concurrence pour le coup ?
“Il faut vraiment saisir ses opportunités sur le terrain. Mais je pense que je l’ai fait. Et je suis même sûr de l’avoir fait. Il n’y a pas grand chose a dire, je ne vais pas me mettre à rager ou dire des trucs que je ne pense pas. Je continue a travailler.”
On vous sent bien intégré dans ce groupe du Thunder qui vit bien ensemble. Dans ces circonstances, comment travaillez-vous pour gagner des minutes ?
“J’arrive en général à bien m’intégrer dans les groupes. J’ai des facilités à créer des relations avec les joueurs. J’essaie de faire des trucs en plus au quotidien, tout simplement. Quand on a un shooting le matin, et qu’on va partir à 9h de l’hôtel, moi j’appelle mon coach et je lui donne rendez-vous à 8h pour shooter avant la session. Comme tu sais que tu ne vas pas jouer le soir, tu fais ça pour compenser. Pareil avant les matchs à 19h. J’arrive à 15h au lieu de 16h pour me faire un petit workout avant tout le monde. Dès que tu as un peu de temps, tu essaies de faire des petits trucs en plus.”
Combien de temps sans jouer vous donnez-vous avant de considérer le retour en Europe ?
“Je n’’y pense pas, je n’y ai pas pensé. Après, c’est vrai que si j’étais resté en Europe, j’aurais pu être dans une équipe où je jouerais 25-30 minutes. J’aurais peut-être un contrat similaire, et autant de choses sur mon CV. Je n’y pense pas pour le moment, car je sais que je suis un joueur NBA. J’ai largement ma place ici, je n’ai pas de doute là-dessus. Après, si ma situation reste la même et que je ne joue pas beaucoup, j’y penserai. Je sais que je peux être un bon joueur en Europe, mais je sais aussi que je peux l’être ici.”
« La Coupe du Monde ? Un objectif ! »
Vous ne vous sentez pas encore « en danger » en NBA donc ?
« Pas du tout. »
Pour finir, par rapport à l’équipe de France, pensez-vous à la Coupe du Monde qui arrive l’été prochain ?
« Bien sûr, c’est un objectif. L’équipe de France, c’est toujours un privilège de pouvoir y participer, c’est quelque chose de prestigieux. La Coupe du Monde, c’est une compétition où tu vas jouer les meilleures équipes, avec les meilleurs joueurs du monde, c’est un événement énorme. »
Qui pourrait pour le coup vous servir comme une sorte de tremplin aussi, non ?
“Oui, c’est sûr que ça pourrait me permettre de me montrer mais surtout de continuer à grandir. Car je pourrais être dans un groupe de gars dont certains ont connu des moments comme ceux que je vis actuellement. Ça me forgerait et ça m’aiderait beaucoup à grandir encore plus. Je me concentre encore sur ma saison, car elle est encore longue. On verra la présélection, puis la sélection.”
L’avis du coach, Billy Donovan
Quelles sont les perspectives pour la suite de la saison de Timothé ?
« Tim est un joueur qui est très facile à coacher, c’est un bon joueur et il a eu quelques opportunités en début de saison. Mais parfois, il faut savoir se limiter à 10 joueurs. Il arrive qu’on ne puisse pas faire jouer tout le monde. Mais je peux vous assurer qu’il se tient prêt. Il fait le boulot pour ça. La saison est encore longue. Des blessures, des problèmes de fautes, et des opportunités peuvent se présenter. Tout ce qu’on peut lui demander, c’est de rester prêt. »
Quels aspects de son jeu souhaitez-vous voir s’améliorer ?
« Il n’a aucune carence dans son jeu : c’est un bon shooteur, un attaquant complet. C’est un défenseur sous-estimé à mon avis. Mais sur les postes extérieurs, avec Paul George, Terrance Ferguson ou Alex Abrines plus tôt dans la saison, on a beaucoup de joueurs. On ne peut tout simplement pas faire jouer tout le monde. Mais je ne crois pas qu’il ait un aspect de son jeu qui soit en particulier à travailler. »
Propos recueillis à Portland