Il est de bon ton de râler sur cette 4e finale de suite entre les Cavaliers et les Warriors, ce qui n’est d’ailleurs jamais arrivé dans l’histoire. Même le boss de Golden State a reconnu qu’il en avait un peu marre de les retrouver. Mais marre de quoi ? On ne devrait jamais en avoir marre de défier LeBron James, le meilleur joueur de sa génération !
Car cette rivalité entre Cleveland et Golden State, c’est d’abord l’affrontement entre le meilleur joueur de ces dix (vingt ?) dernières années et la meilleure équipe de la décennie. Une formation dans laquelle on trouve deux MVP, Stephen Curry et Kevin Durant. Comme l’an passé, trois des cinq meilleurs joueurs de la NBA sont en finale. C’est inestimable.
Les grandes rivalités subliment un sport
Gamin, quand j’ai commencé à suivre la NBA, personne ne se lassait de retrouver les Lakers et les Celtics en finale. C’était l’affrontement des deux meilleures franchises de l’histoire, mais aussi des deux meilleurs joueurs : Larry Bird et Magic Johnson. Il y avait les pro-Magic et les pro-Bird, comme il y a aujourd’hui les pro-LeBron et les pro-Curry ou pro-Durant, ou les pro-Nadal et pro-Federer en tennis, et les pro-Ronaldo et les pro-Messi dans le football ou pro-Ali et pro-Frazier en boxe. Avant que Michael Jordan ne prenne les commandes, la NBA vivait au rythme de ce duel entre Bird et Magic.
Ce sont les grandes rivalités qui subliment le sport en général et qui ont fait la gloire de la NBA en particulier, et c’est cette récente rivalité qui lui a aussi permis de retrouver son âge d’or avec des revenus qui explosent, des audiences florissantes et un niveau de jeu emballant. Ce sont aussi les rivalités qui permettent d’avoir des repères dans le temps. Des sports, même majeurs, sont relégués au second plan sans grande rivalité. Boxe, tennis, athlétisme… L’intérêt du grand public se nourrit des rivalités. Le storytelling aussi. On se souvient peut-être davantage des affrontements entre Michael Jordan et les Pistons que des noms de ses adversaires en finale quelques années plus tard. C’est aussi parce qu’il a buté pendant des années sur les « Bad Boys » que « His Airness » est devenu une icône en gagnant six finales sur six ensuite.
Il n’y a rien de linéaire et d’écrit dans cette rivalité
Très franchement, pourquoi se plaindre de retrouver encore Golden State et Cleveland en finale ? C’est parce que les Warriors et les Cavaliers semblaient intouchables que les Rockets et les Celtics ont sorti l’artillerie lourde pour les faire tomber. Les rivalités tirent un championnat vers le haut, et tout le monde est ravi d’avoir eu des finales de conférence en 7 manches. Ce n’était pas arrivé depuis près de 30 ans !
D’autant que chaque année, cette rivalité s’enrichit de péripéties et de coups de théâtre supplémentaires. En 2016, il y avait la sulfureuse arrivée de Durant aux Warriors. En 2017, patatras, les Cavaliers transfèrent Kyrie Irving chez leurs adversaires numéro 1, Boston. En 2018, en pleine saison, rebelote, Cleveland fait péter son effectif en se séparant d’Isaiah Thomas. Il n’y a rien de linéaire et d’écrit dans cette rivalité. Au contraire, les surprises se multiplient comme dans toute bonne série TV.
Et puis, il y a LeBron. Le Goliath LeBron de la côte Est se transforme en David quand il arrive en finale. Maître incontesté de la conférence Est depuis huit ans, voire de la NBA, le voilà confronté pour la 4e fois à une équipe que personne ne voit perdre dans cette finale. Personne ne lui en voudra d’ailleurs de perdre une sixième finale. LeBron n’a plus de détracteurs (il en reste ?). Ce qu’il réalise cette saison dépasse l’entendement. C’est un héros, et comme tout bon héros grec, il a connu son lot de victoires, d’espoir, de surprises et de déception. Il est aussi immense dans la défaite que dans la victoire, et c’est aussi pour ça qu’il ne faut pas bouder notre plaisir.