Passé en deux ans de la Pro B à la NBA, Timothé Luwawu-Cabarrot (4 points, 2 rebonds, 1 passe en 13 minutes de moyenne) grandit à vitesse grand V.
Le rookie tricolore des Sixers a vu son temps de jeu augmenter régulièrement depuis le début de saison. En février, il en était à 16 minutes en moyenne et en mars, c’est même monté à 21 minutes ! Loin de ses 6 pauvres minutes en novembre… Une courbe croissante des plus encourageantes pour le pur-sang de la Côte d’Azur.
Basket USA est allé à la rencontre de TLC pour un bilan de sa première campagne dans la Grande Ligue. Entretien…
« J’ai progressé dans la lecture du jeu »
Timothé, vous avez perdu face aux Blazers mais, honnêtement, c’était un superbe match à suivre. Beaucoup de rebondissements. Et s’il y a la défaite au bout, vous avez été très accrocheurs. Quel est votre ressenti à chaud ?
« On y a cru tout le match. C’était vraiment intense. On sentait qu’il y avait beaucoup d’intensité dans le match. Dès qu’on entrait sur le terrain, on savait qu’il fallait être physique, fallait défendre, fallait courir, fallait donner tout ce que tu as. C’était un gros match mais on l’a perdu. On va se rattraper. »
Malgré la défaite, il y a beaucoup de positif à retirer pour une jeune équipe comme la vôtre ?
« Oui. On les avait battus au match aller. Quand c’est comme ça, qu’on rencontre l’équipe que deux fois sur la saison, on se disait qu’on pouvait les battre chez eux. C’était un peu le même scénario qu’au premier match, qu’on avait gagné d’un point. Et aujourd’hui, ça se joue à cinq points… »
Quel bilan tirez-vous de votre première campagne en NBA ? Vous vous attendiez à mieux ? A pire ?
« Je ne me faisais pas vraiment d’idée. Quand je suis arrivé, je ne savais pas trop dans quoi je m’embarquais, en termes de minutes, des demandes du coach, la manière dont on allait s’entraîner, ou l’intensité des matchs… Cette première partie de saison a surtout été une phase d’adaptation. Et puis, comme je ne jouais pas, il fallait que je sois prêt pour rentrer, même si on perd de 20 ou 30 points pour tout donner sur ces quelques minutes qu’on me donne. Même si ce n’est pas terrible de rentrer pour cinq minutes après en avoir attendu quarante, il fallait que je sois prêt à rentrer et donner tout ce que j’ai pour prouver que je peux jouer. La saison n’est pas encore finie. On a fait un bilan joueur par joueur la semaine dernière, avec des entretiens individuels avec le coach. Il m’a dit ce sur quoi je devais travailler d’ici à la fin de la saison. Travailler la défense. [Hier], je pense avoir montré que je peux défendre. Etre meilleur à trois points et dans la prise de décision. »
Sur quel aspect de votre jeu pensez-vous avoir le plus progressé ?
« La lecture et la maturité dans le jeu. Je pense faire moins d’erreurs. Comme aujourd’hui, je n’ai pas beaucoup scoré mais je n’ai pas forcé non plus quand j’ai eu la balle. Le coach m’a laissé sur le terrain parce qu’il a aimé ce que j’apportais en défense. J’ai continué à faire ça. C’est comme ça que j’ai gagné mes minutes. Et c’est comme ça que ça va venir pour moi en cette fin de saison et pour l’année prochaine. »
Brett Brown nous disait ce matin au shootaround que c’était déjà très bien pour vous d’obtenir autant de minutes. C’était déjà une victoire en quelque sorte ?
« Je ne suis pas trop d’accord. Car peu importe l’équipe où je serais tombé, j’aurais travaillé et j’aurais montré assez au coach pour qu’il me fasse jouer. Après, dire que c’est une victoire, c’est pas tellement ça… Je ne suis pas venu ici pour rester sur le banc et pour aller jouer en D-League. Je suis venu ici pour bosser dur à l’entraînement, montrer que je peux être prêt quand il fait appel à moi. Et c’est ce que j’ai fait. Je pense que n’importe quel coach m’aurait fait jouer. »
« La régularité des gros joueurs NBA est impressionnante »
Avez-vous un mentor dans cette équipe ?
« Lui, là-bas dans le coin [nous montrant Gerald Henderson, ndlr]. Car c’est sur le même poste mais aussi parce qu’on s’entend très bien. On rigole bien ensemble. On est souvent ensemble. Quand on est en déplacement, on va manger ensemble. Il me donne beaucoup de conseils. Il me pousse toujours avant les matchs, de faire ci ou ça. Il me parle des joueurs. Il me pose des questions sur les joueurs qu’on va affronter, pour voir si je les connais ou si je ne les connais pas. Si je ne les connais pas, il me dit quelles sont leurs habitudes. C’est cool d’avoir un coéquipier comme ça. »
Qu’est-ce qui vous a surpris depuis votre arrivée en NBA ?
« La régularité des joueurs. »
Les superstars ?
Pas forcément que les superstars. Mais lui [désignant Dario Saric à côté de nous, ndlr]. Au début, c’est vrai qu’il a eu des hauts et des bas mais maintenant, il est super régulier. Il fait toujours le même taf. Il fait un taf énorme. Comme [Henderson] aussi. Tu sais toujours à quoi t’attendre avec ce type de joueurs. Il n’y a pas un jour où il va être en-dessous de ce niveau limite. C’est ce vers quoi je dois tendre. »
Vous avez fait la rapide expérience de la D-League, pour trois matchs seulement, comment ça s’est passée pour vous ? Quel est le niveau général ?
« [Belle grosse moue] C’était pas terrible… Il fallait que je passe par là. J’ai fait trois matchs, voilà. Tant mieux que je n’en ai pas fait plus. Je pense que c’est bien pour aller garder le cardio, travailler sur ce que tu fais aux entraînements et sur ce que toi, tu fais individuellement. Parce que, si tu ne joues pas en match, tout ce que tu fais sur le côté, ça sert à rien. Donc, ça peut être bien aussi d’aller en D-League et de jouer. »
Je vous demande ça car il y a plusieurs joueurs français qui essaient de passer par la D-League pour arriver en NBA, comme Axel Toupane, Damien Inglis ou Livio Jean-Charles. Il y a deux chemins. Vous, vous êtes arrivé en NBA par l’Europe mais vous avez connu la D-League. Est-ce que vous comprenez qu’on puisse essayer d’y arriver comme ça ?
« C’est vraiment respectable. Ce n’est pas facile. Après, Axel, il a ses minutes, il peut shooter, etc. Mais quand tu as goûté à la NBA, comme lui a pu le faire, et que tu redescends en D-League, c’est dur de revenir à l’échelon inférieur. Mais bon, si tu dois passer par là, tu dois passer par là. Si s’est un an, deux ans, dans une carrière qui dure quinze ans, c’est rien. Mais tu sais pourquoi tu le fais. De l’autre côté, quand tu joues en Europe et que tu veux essayer d’être drafté, au premier tour pour quelque chose de garanti, il faut vraiment envoyer. Par exemple, Clint Capela. Avant de se faire drafter par Houston, il a fait une grosse saison à Chalon. Il bat des records dans tous les sens. Et il s’est fait drafter en 25e position. Tu te dis que c’est très aléatoire aussi… Car si tu mets un universitaire américain à Chalon, il ne sera pas aussi bon que Clint. Par contre, si tu mets Clint en université américaine, là il défonce tout ! Ce n’est pas complètement équitable. »
« L’EuroBasket est un objectif mais je n’ai aucun contact »
Quel est l’adversaire le plus coriace que vous ayez affronté ?
« Isaiah Thomas. Son centre de gravité est tellement bas qu’il est trop rapide. Impossible de le tenir. Enfin. Il est petit donc tu lui laisses un peu d’espace. Il est gaucher aussi. Il est tellement petit [rires]. »
Votre favori pour le titre de MVP ?
« James Harden. »
Votre favori pour le titre ?
« Les Warriors vont le faire. On les sent un peu moins dominants que l’année dernière ou l’année d’avant. Mais quand les playoffs vont arriver… »
Qu’est-ce qui vous manque le plus de la France ?
« La nourriture. Et puis ma famille et mes amis évidemment. »
Quel est le highlight / le meilleur souvenir de votre saison ?
« C’est quand un de mes anciens coachs d’Antibes, Christian [Corderas] est venu me voir ici, aux Etats-Unis. Il est resté cinq jours et il est venu avec moi en déplacement. Il est venu avec nous à Charlotte, c’était vraiment cool. »
Vous êtes arrivé en NBA à 93kg et l’objectif annoncé était d’arriver à 102-103kg à terme. Où en êtes-vous à ce niveau-là ?
« Je ne me pèse pas tous les jours. Mais la dernière fois que je me suis pesé, je dirais que j’étais entre 204 et 206 pounds [soit 93,4kg, donc pas très différent, ndlr]. »
Nicolas Batum me disait que ce qu’il avait aimé dans votre jeu, c’est que vous jouez avec la tête. Il vous voit bien évoluer au poste 2 (dans une rotation incluant Ben Simmons et Dario Saric). Un tel compliment doit vous faire plaisir…
« Bien sûr ! Venant de Nico, ça fait forcément plaisir. Après, [pour la question du poste], je ne vois pas de très grande différence entre le poste 2 et le poste 3. C’est juste que le poste 3 doit être plus grand et plus costaud, pour évoluer dans ce rôle de 4 dans les cinq « small ball » que tout le monde aime utiliser maintenant. La différence est minime sinon, car les postes 3 et 2 doivent aussi bien savoir shooter. La seule différence, c’est le physique. Aujourd’hui, avec mon physique, je pense être davantage un poste 2. D’autant que je peux défendre sur les deux postes arrières. Et peut-être moins sur les postes 3. En ça, il a donc raison. »
En septembre prochain, il y aura un EuroBasket à jouer. Est-ce un objectif pour vous ?
« C’est un objectif. Mais je sais que si on ne m’appelle pas, ce sera une opportunité pour moi de bosser encore davantage et être appelé l’été suivant. »
Avez-vous eu des contacts avec la Fédération, que ce soit Vincent Collet ou Patrick Beesley ?
« Non aucun contact. »
Ils sont pourtant venus aux Etats-Unis à plusieurs reprises…
« Apparemment, ils ne veulent pas de moi cet été [rires]. »
Propos recueillis à Portland
https://www.youtube.com/watch?v=c-zZxkQFKwQ