En sortant de son chapeau de nouvelles règles contre le Hack-a-Shaq, la NBA espère éradiquer cette pratique de ses rencontres, qui plombe le spectacle et ralentit le rythme des matches.
Néanmoins, cette tactique met en lumière l’impressionnante faiblesse des intérieurs sur la ligne des lancers-francs. Depuis le début de la NBA, des immenses joueurs ont éprouvé les pires difficultés à seulement shooter à plus de 60 % de réussite : Bill Russell, Wilt Chamberlain, Shaquille O’Neal, Dennis Rodman, Tim Duncan, Alonzo Mourning, Ben Wallace, etc.
Mais comment expliquer une telle tendance ? La réponse la plus évidente revient sans cesse : ces joueurs ne travaillent pas. Les autres explications évoquent aussi la grande taille des mains des pivots. Dans un excellent article, ESPN prouve que la vérité est un peu plus complexe.
La taille des mains ? Un faux débat
« Imaginez-vous shooter avec une balle de handball ou de tennis ! ». L’argument a été usé pour défendre Shaquille O’Neal et ses immenses mains. Comment expliquer alors que Kawhi Leonard, qui possède les mêmes mains que le quadruple champion NBA, affiche, lui, 87 % de réussite en carrière ? Arvydas Sabonis et Yao Ming n’ont pas non plus de petites paluches et le lancer-franc n’était pas un cauchemar pour eux.
ESPN avance les recherches effectuées sur une base de données de 118 joueurs ayant shooté au moins 100 lancers-francs dans leur carrière. Aucune corrélation n’est affirmée entre la taille des mains et l’efficacité. Andrew Nicholson présente les plus grandes mains de cette recherche, il tire à 78 % en carrière…
Une question d’angle
Avec des spécimens comme Kevin Durant ou Dirk Nowitzki, l’excuse de la taille ne tient pas non plus. Même si 75 % des plus mauvais shooteurs de l’histoire aux lancers-francs font plus de 2m10. Enfin, si elle n’explique pas l’inefficacité, elle l’a fait grandir.
Les plus grands vont avoir tendance à shooter avec plus d’angle (entre 50 et 55 degrés), logiquement la balle va monter plus haut et ainsi prendre plus de vitesse lors de sa descente vers le cercle. Plus de vitesse, donc plus de puissance, donc un rebond plus fort sur le cercle. Dès lors, un rebond contre le cercle va, mathématiquement, provoquer une marge d’erreur plus forte.
La souplesse et le toucher permettent d’apprivoiser le cercle. Un ballon qui arrive trop vite, s’il ne rentre pas directement, peut affronter le cercle. Et à ce petit jeu, ce dernier gagne souvent.
L’aspect mental détermine la réussite
Un travail technique pour obtenir l’angle parfait serait suffisant pour permettre à des joueurs de 7 pieds de briser le Hack-a-Shaq ? Là encore, la réalité est plus contrastée. Surtout avec le dernier élément, le plus capital dans cet exercice : le mental.
Interrogé par ESPN, le docteur Christian Marquardt, psychologue du sport à Munich, a trouvé une belle analogie. L’action de boire son café est effectuée sans réfléchir, par pur mécanisme. Remplaçons le café par une boisson brûlante : l’action sera moins fluide, plus prudente, l’angle avec laquelle on approche la tasse à sa bouche va changer. On va alors anticiper la douleur, le fait de se brûler la langue.
Pour un mauvais shooteur de lancer-franc, la logique est la même. Il sait qu’il a plus de chances de le rater que de le réussir, difficile alors de se mettre dans de bonnes conditions mentales et psychologiques. Quand on s’imagine déjà échouer avant même d’essayer, le taux de réussite diminue mécaniquement.
« On commence à penser aux conséquences de notre échec », résume Marquardt.
Les joueurs eux-mêmes ont souvent raconté le calvaire de rater des lancers-francs dans un match où des millions de personnes sont devant leur écran.
« Tous les regards sont sur vous », explique DeAndre Jordan. « Dans un match, il y a plein de choses à regarder. Le lancer-franc est le seul moment où le match s’arrête. Tout le monde est 100 % concentré sur un seul joueur. »
Travailler plus pour douter plus
Théoriquement, le travail et la répétition au quotidien réduisent la marge d’erreur. Mais pour les lancers-francs, la logique est perverse. Aux Lakers, Dwight Howard s’était infligé 500 lancers-francs à l’entraînement. Le pivot en avait inscrit 465, soit 93 % de réussite !
Malheureusement, il n’y a eu aucune conséquence positive dans les rencontres qui ont suivi.
« Sur les deux ou trois matches d’après, j’étais bloqué. Je commençais à réfléchir et à manquer. J’avais tellement travaillé pour ne plus manquer et je les ai tous ratés. Cela nous force à trop réfléchir. »
La pression est double : on sait qu’on est mauvais dans l’exercice donc cela devient une épreuve ; puis quand on travaille et qu’on réussit à l’entraînement, alors on n’a plus d’excuse pour se manquer.
« Le lancer-franc, c’est mental », conclut le pivot des Hawks. « Avant les matches et à l’entraînement, je ne loupe rien. En match, j’entends les gens dirent que je vais manquer. Donc cela rentre dans ma tête. »