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Les blogs de la rédaction

À notre place : la difficile redescente sur Terre

Par  — 

tony-parker2Mercredi soir, en quart de finale olympique, l’Espagne a rapidement anéanti les espoirs de médaille français et, d’une pierre deux coups, signé la fin de la « génération Parker ». En 17 confrontations depuis 2005, nos voisins européens l’ont remporté à 13 reprises : la rivalité penche très largement en faveur de notre rival ibérique.

L’Espagne de Pau Gasol, la seule nation dominante en Europe

Quelle que soit la conclusion de ces Jeux Olympiques, la « génération 80 » de Pau Gasol restera comme la grande nation dominante du basket européen de ces vingt dernières années et ce n’est pas un affront à nos Bleus, c’est un constat : l’Espagne était simplement plus forte et constante.

Entre 2001 et 2015, elle a amassé trois titres (2009, 2011, 2015) deux médailles d’argent (2003, 2007) et deux médailles de bronze (2001, 2013) à l’Eurobasket, un titre mondial en 2006 et deux médailles d’argent olympiques en 2008 et 2012. Sur la même période, son homologue français a collecté un titre (2013), une médaille d’argent (2011) et deux médailles de bronze (2005, 2013) à l’Eurobasket et une médaille de bronze mondiale en 2014.

La génération 82 française était magnifique. Depuis son aînée des années 1950, aucun groupe tricolore ne s’était placé aussi régulièrement sur les podiums internationaux. Mais elle n’a jamais été suffisamment armée pour concurrencer son ennemie espagnole. Nous avions bien un Tony Parker, petit surdoué déjà admis au Hall of Fame mais l’Espagne, elle, a deux Gasol ! Nous pouvions bien compter sur des joueurs aux qualités formidables, de Boris Diaw à Nicolas Batum en passant par Mike Gelabale ou le MVP de l’Euroleague en titre, Nando De Colo, mais les Espagnols ont aussi leurs joueurs NBA (Jose Calderon, Ricky Rubio, Nikola Mirotic ou Serge Ibaka) sans oublier leurs stars d’Euroleague, de Juanca Navarro (MVP en 2009) à Rudy Fernandez (trois fois All-Euroleague Team) en passant par Felipe Reyes (All-Euroleague First Team 2015), Sergio Rodriguez (First Team 2014) ou Llull (Second Team 2011). Et c’est sans compter sur leurs anciens : Raul Lopez, Carlos Jimenez ou Cabezas, Fran Vasquez ou Jorge Garbajosa, à l’époque, tous des pointures dans leur championnat et en Euroleague.

Comme l’a très bien souligné Claude Bergeaud, l’Espagne dispose d’un vivier de joueurs impressionnant, ne serait-ce que par son propre championnat.

« Les Espagnols revendiquent un championnat fort, c’est leur identité, certains de leurs meilleurs joueurs y jouent encore. »

Même lorsqu’elle fut victime de défections, la Roja n’a toujours eu que l’embarras du choix pour piocher des remplaçants de haut niveau. La France n’a jamais eu cette marge, cette densité. Sans leur manquer de respect, ni dénigrer leurs qualités individuelles, bien réelles ou leur motivation (au moins, eux étaient là), les Aymeric Jeanneau, Mamoutou Diarra (Mondial 2006), Yohann Sangare, Pape Badiane ou Cédric Ferchaud (Euro 2007), Andrew Albicy, Fabien Causeur voire Alain Koffi (Mondial 2010) étaient à ce moment de leur carrière des joueurs limités pour ces rendez-vous internationaux.

En raison de l’attention médiatique cristallisée par Tony Parker, Boris Diaw ou Nicolas Batum, nos espoirs ont sans doute trop souvent pris le pas sur notre lucidité. Au cours de ces quinze années, nous ne pouvions finalement espérer davantage que ce que cette génération nous a apporté, surtout face à l’incroyable armada espagnole, au moins vaincue à quelques reprises : hormis les Serbes au Mondial 2006 et les Américains aux Jeux Olympiques, nous sommes les seuls à avoir freiné leurs ardeurs impériales. Une performance déjà énorme en soi.

« Nos Bleus actuels ont réussi à vaincre de temps en temps ces Espagnols. Ils ont eu cette chance de battre de temps en temps leur bête noire et c’est quelque chose qui doit vraiment être chouette à vivre. Je n’ai pas eu cette chance et je le regrette. » nous confiait Fred Weis, en faisant référence à sa propre bête noire, serbo-monténégrine cette fois.

La France du basket, longtemps « la touriste » et éternelle perdante

Et comme le dit Mary Patrux, il faut se souvenir d’où la France partait pour mieux apprécier le palmarès récolté.

« Après la défaite (face à… l’Espagne, à l’Euro 99 en France), c’était exactement ce sentiment typique que l’on avait avec l’équipe de France, un goût d’inachevé perpétuel, ce moment où l’on se dit que ce n’est pas possible, qu’on ne va jamais y arriver. »

En effet, des années durant, l’équipe de France était cette éternelle perdante, toujours placée dans le ventre mou, jamais gagnante. Entre les « touristes » des Jeux Olympiques 1984 à la déception de 1999, l’équipe de France a brillé par son absence à toutes les olympiades (88, 92, 96) et trois Mondiaux (90, 94, 98), malgré du talent plein les mains. Mais entre les luttes de pouvoir au sein de la Fédération et les différentes querelles de clan successives parmi les joueurs, les pétards mouillés se sont enchaînés.

Et si la « génération Rigaudeau » fut enfin récompensée de ses efforts aux Jeux de Sydney en 2000, ce ne fut qu’une courte embellie précédant une traversée du désert entre 2001 et 2004. Encore une fois, l’intégration difficile de la génération 82, des problèmes d’ego avec certains joueurs labellisés NBA (Tariq Abdul-Wahad, Jérôme Moïso), des stars vexées par l’ingratitude de la fédération (la retraite d’Antoine Rigaudeau) ont engendré nombre de contre-performances de la sélection.

« Après les Jeux de Sydney, il y a eu deux embrouilles avec la Fedé, » nous raconte Fred Weis. « Déjà, on était vexés parce qu’ils n’ont rien fait médiatiquement, rien, alors qu’une médaille aux Jeux, c’était pas souvent. Même le rugby finit par nous damer le pion. Et puis, il y a cette affaire de prime : il faut savoir qu’en cas de médaille, le ministère donne de l’argent aux athlètes, c’est automatique. Mais nous avions aussi signé un contrat avec la fédération qui nous garantissait une prime pour une médaille. Or, une fois la médaille d’argent en poche, la Fédé nous dit qu’elle veut soustraire de notre prime le montant correspondant à l’argent donné par le ministère de son côté. Alors que ça n’avait rien à voir, il y a le ministère et notre contrat avec la Fedé. Franchement, on s’en fout de la somme, mais c’est le geste, on a trouvé ça mesquin d’autant que, comme je l’ai dit, une médaille française en basket, c’était pas si souvent. Et c’est pour ça qu’Antoine Rigaudeau prend sa retraite en 2001, il tenait au maillot mais ce comportement de la Fédé, ça donnait pas non plus envie de faire plus d’efforts. Honnêtement, après toutes ces années, je le comprends. »

Puis, il y a cette nomination incomprise en 2008 de Michel Gomez à la tête de l’équipe nationale pour prendre la suite de Claude Bergeaud. L’ex-coach du PAOK n’avait plus coaché depuis 2002, pour un intérim de deux matchs avec Orléans… en Pro B. Alors que la France doit passer par les qualifications pour participer au Championnat d’Europe 2009, nombre de joueurs déclinent l’invitation pour diverses raisons.

« Je sais que Tony a dit qu’il ne voulait plus de Michel Gomez de sa vie, » se souvient, hilare, Fred Weis. « Michel, c’est quelqu’un qui a une philosophie particulière et peu importe qui il a devant lui, il la met en avant. Ça peut être difficile à accepter. Et puis, c’était un vieux coach, un très bon coach hein, mais peut-être un peu dépassé et ce choix de la Fédé n’a probablement pas motivé tout le monde à venir. C’est normal, même si tout le monde aime représenter les couleurs, on a des vies à côté, parfois des contrats à signer et là, ce choix n’encourageait pas forcément à venir. »

La « génération Parker », une belle éclaircie loin d’être un acquis

Voilà d’où part l’équipe de France de Tony Parker. Avant lui et ses coéquipiers de génération, nos Bleus n’existaient pas, ou si peu, sur la scène internationale.

« Ce qu’on a réalisé, le fait de partir de si loin, de passer autant d’obstacles pour devenir des winners, je trouve que c’est encore plus gratifiant, » estimait Mary Patrux lors de notre entrevue.

Avant nos espoirs nés en 1982 ou 83, il nous était interdit de rêver d’un titre, seuls les fous s’accrochaient à cette vaine espérance. Or, la montée en puissance de notre génération dorée, son championnat d’Europe remporté en 2013, a sans doute créé une confiance irrationnelle.

Ce titre et les médailles successives glanées sont le fruit d’un groupe exceptionnel mais ne sont en rien significatifs de notre rang. Notre régularité parmi les trois meilleures nations continentales était une éclaircie, pas un acquis. Pour le comprendre, les mots de l’argentin Luis Scola sont sans doute les plus justes.

« La vérité est, que durant 50 ou 70 ans de notre histoire, nous étions quelque part entre les dixième et vingtième mondiaux, » a t-il dit après la défaite albiceleste face à Team USA. « C’était notre rang. Puis, tout ceci est arrivé et nous avons intégré les trois meilleurs pendant dix à treize ans. Vous savez, la réalité veut qu’il y a une bonne chance que nous revenions à notre statut d’avant, simplement parce qu’au regard de notre histoire, c’est là où nous sommes. Il s’avère que nous avons eu cette génération de très grands joueurs et nous nous sommes hissés au sommet. Est-ce que l’on voit des Ginobili ou des Nocioni parmi nos jeunes ? Non. Mais est-ce que les gens pensaient en 98 ou en 99 que nous gagnerions l’or en 2004 ? Non plus. Personne. Les gens auraient ri à cette idée. À cette époque, l’objectif de nos carrières était juste de faire les Jeux une fois. Pas de les gagner, pas de faire les quarts, les demis ou gagner une médaille : juste d’être là. Une fois. C’est tout ce que nous voulions. C’était en 99, pas en 81. Juste cinq ans avant que nous gagnions l’or. »

Comme l’Argentine, la France s’est longtemps appuyée sur un socle de talents dont elle n’avait jamais pu disposer auparavant. Et il en va finalement de même pour l’Espagne, placée seulement à quatre reprises sur un podium international entre 1935 et 1995 (argent aux J.O 1984, argent aux Eurobasket 1935, 73 et 83).

C’est pourquoi, aussi amère soit-elle, cette ultime défaite en quart de finale ne doit en rien faire oublier les joies apportées par cette génération. Elles ont certes été trop souvent tempérées par nos voisins pyrénéens mais il n’y a aucune honte à s’incliner devant plus fort que soi.

L’heure de la patience

Mercredi, l’Espagne nous a donc ramené à notre place, celle d’outsider, celle qui nous a toujours correspondu, celle où nous allons sans doute rester pendant un long moment. Il y a du talent en France mais seul, il ne suffit pas.

À ce sujet, notons que les rares contre-performances espagnoles se sont produites en l’absence de Sergio Scariolo tandis que la progression du groupe France s’est déroulée sous la tutelle de Vincent Collet. Une équipe nationale est un tout. Pour prétendre à des résultats réguliers, il faut que toutes les étoiles s’alignent au même moment et durablement et dans le cadre d’une équipe nationale, ces composantes sont nombreuses : disponibilité des joueurs, choix de l’entraîneur, compatibilité de tous ces éléments humains, synergie des niveaux individuels, volonté des instances supérieures au sein de la fédération…

Ainsi,  Tony Parker, Boris Diaw, Flo Piétrus, Mike Gelabale, Vincent Collet et consorts nous ont habitués à du caviar et si l’on ne peut que les en remercier, d’autant plus parce que nous n’en avions jamais goûté, l’heure est désormais venue pour la France de redevenir moins gourmande, plus humble et de laisser le temps au temps. Nos futurs succès n’en seront que plus savoureux.

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