Médaillé d’argent aux Jeux Olympiques 2000 à Sydney, de bronze aux Championnats d’Europe en 2005, Fred Weis fut un cadre de l’équipe de France de basket durant huit ans, entre 1999 et 2007. L’ancien joueur du Limoges CSP et de Malaga cumule 100 sélections à son compteur. Aujourd’hui retraité, il reste un observateur très avisé du basket français et européen. Il est notre consultant tout au long de cet Eurobasket 2015.
Une victoire de 27 points face à la Bosnie, cela confirme le sursaut que tu attendais après le match face à la Finlande ?
Oui et encore une fois, on a vu que lorsque nos pivots étaient plus dominateurs, bien dans la raquette, on pouvait faire mal à n’importe qui. Évidemment, Kikanovic et Bavcic ne sont pas les pivots les plus durs mais on sent que nos pivots étaient plus présents en défense et dans la finition offensive. La Bosnie était faible sur le papier mais il faut tout de même réussir à mettre 27 points à une équipe en championnat d’Europe. Sur le dernier quart-temps, c’était en roue libre. On fait un troisième quart-temps exceptionnel et après, ça déroule. Vincent Collet fait des changements inhabituels ce qui prouve que, ce soir, le coach était vraiment tranquille. On peut se dire que s’ils continuaient à accélérer, il y en avait 50 à la fin. En championnat d’Europe, il faut le faire.
« Joffrey Lauvergne est un joueur impressionnant »
On savait déjà Joffrey Lauvergne adroit mais en équipe de France, il montre une constance nouvelle : il fait beaucoup de bien à la sélection avec son tir extérieur, visiblement stabilisé.
C’est vraiment intéressant. Honnêtement, c’est un joueur impressionnant, capable d’aller au rebond, de défendre sur des postes 5, de s’écarter pour prendre un tir, de dribbler du milieu du terrain pour dunker à la conclusion de sa course ! Quelque part, la mauvaise nouvelle de la blessure d’Alexis Ajinça permet à Joffrey Lauvergne d’avoir plus de temps de jeu et de responsabilités. Je le trouve vraiment impressionnant. Entre Gobert et lui, on voit une paire d’intérieurs à toute épreuve.
Après la Finlande, tu étais convaincu d’une réaction à court terme de Léo Westermann. Hier, il a repris confiance en relais de Tony Parker.
Quand il est rentré, le match n’était pas encore décidé. C’était la première mi-temps et si l’on menait, on n’avait pas fait le plus gros écart. Il a pris des tirs, il n’a pas hésité sur ses positions, il a fait ce qu’il fallait faire dans la gestion de l’équipe et elle n’a pas baissé de ton quand il était sur le terrain, au contraire.
Il y a aussi l’impact de Charles Kahudi. Alors que Mickaël Gelabale est en souffrance avec son tir, Charles Kahudi est en confiance. Ce sont deux joueurs similaires en termes de profil, est-ce qu’il n’y a pas une sorte de transition ?
Les joueurs l’appellent « L’Homme », moi, je l’appelle « L’Animal ». Son impact physique, son sens du contact, il va au rebond, il défend dur, il est capable de mettre des tirs, il pénètre, c’est impressionnant. On le connaissait comme ça en championnat de France mais à ce niveau-là, c’est une révélation. Dans l’esprit, il ressemble en effet à Mickaël Gelabale mais en plus dur au mal, c’est fou.
« Nando De Colo est libéré »
Plus globalement, le banc s’est révélé. Vincent Collet a pu s’appuyer dessus, c’est forcément intéressant pour la suite.
J’ai trouvé que c’était une très bonne gestion de l’équipe par Vincent Collet. Il a vu le match assez rapidement plié, il a vite fait ses changements pour reposer les titulaires et cela a en effet donné « un match du banc », qui a tenu la dragée haute à la Bosnie. Quand tu as un banc de ce niveau, c’est vraiment bien.
Parmi les bémols, Evan Fournier est toujours à la peine en attaque. Est-ce inquiétant ou peut-on s’attendre au contraire à une montée en régime progressive ?
Je crois qu’il a essayé d’imposer un gros rythme défensif, il a été très vite sanctionné et ça l’a sorti de son match. Je pense que c’est ça : après, il était moins dans le match, il a perdu un ballon sur une pénétration. À cause des coups de sifflet, il est sorti de son match mais on lui avait demandé d’être actif et il l’a été.
On savait Nando De Colo excellent : MVP en France, un très beau parcours à Valence, il sort d’une énorme saison à Moscou. Cette fois, il a aussi pris la main sur l’équipe de France et s’impose comme l’autre patron.
Il fait un très gros travail, cette année à Moscou lui a donné énormément de confiance. Après, en équipe de France, c’est difficile de cohabiter avec un Tony Parker qui prend beaucoup d’espace. Pour trouver sa place, ce n’est pas toujours évident. Je me répète mais son séjour en Russie l’a libéré et on sent qu’il peut apporter du leadership alors qu’auparavant, on ne le voyait pas forcément dans ce cas de figure.
« La France est un ton au-dessus »
Ce soir, ce sera une physionomie de match totalement différente. Peut-on redouter un relâchement après la large victoire face à la Bosnie ?
Ce sera un match complètement différent, c’est certain mais on ne peut pas penser qu’ils seront relâchés. Hier, ils ont continué de défendre dur et ils ont tenu le score jusqu’à la fin alors qu’ils menaient de 30 points. Si une équipe est concentrée et sait où elle va, je ne redoute pas vraiment un relâchement de leur part. Ensuite, l’équipe d’en face sera plus solide, c’est évident.
Il y a eu de gros matchs depuis le début de la compétition, notamment hier entre la Grèce et la Croatie. Malgré ton pronostic d’une France championne, il y a t-il une méfiance plus grande ?
Franchement, non. Il faut continuer de jouer comme nous le faisons : confiant mais sans excès. Je continue de penser que la France est un ton au-dessus. J’ai vu jouer Israël aujourd’hui (ndlr : l’adversaire de la France jeudi), c’est vraiment une équipe atypique avec peu de jeu dos au panier, ils sont très agressifs donc ça risque de nous déranger un peu. Mais au niveau du talent, de l’engagement, on est très au-dessus. Normalement, cela devrait se passer correctement mais ce ne sera pas aussi facile que la Bosnie, plus dans nos standards.
Propos recueillis par Jérémy Le Bescont