Entre la mort de George Floyd en mai, le fait que la quasi intégralité de la NBA était enfermée dans une « bulle » durant l’été et que l’élection présidentielle américaine de novembre pointait le bout de son nez, le contexte était parfait pour que la ligue puisse parler haut et fort, et d’une seule voix, sur les questions de justice sociale.
Le boycott pendant les playoffs et l’importance du mouvement « More Than A Vote », porté par LeBron James, ont encore davantage montré l’implication politique des joueurs durant ces mois de 2020.
Sauf que maintenant que la saison va reprendre avec un rythme habituel, avec des changements de ville réguliers, que l’élection présidentielle a livré son verdict et que la pandémie de Covid-19 est toujours aussi forte aux États-Unis, les joueurs vont-ils continuer d’être aussi présents sur ce terrain ?
« Ce sont des conversations qu’on va continuer d’avoir, de plus en plus même », assure Chris Paul, président du syndicat des joueurs (NBPA), à The Athletic. « Je pense que tout le monde s’est penché dernièrement sur la crise du Covid, afin que les joueurs s’acclimatent à leur nouvelle vie. Mais on a commencé la « Social Justice Coalition » et on y travaille. On est ouvert à toute idée. Ce n’est pas terminé parce que la bulle est terminée. Il peut encore se passer des choses, il faudra s’adapter et trouver une autre façon d’attirer l’attention. Mais ce n’est pas fini. »
« Le mouvement fut mondial et pas seulement national, voilà pourquoi cette dynamique ne peut pas s’arrêter »
Comment encore marquer les esprits comme ce fut le cas avec le boycott des Bucks, puis des autres équipes, pendant les playoffs ?
« Ça a fait le tour du monde », se réjouit Michele Roberts, la patronne du NBPA. « D’autres athlètes dans le monde ont également refusé de jouer. Et ce n’est pas un hasard si le pape a voulu rencontrer les joueurs NBA (le 23 novembre dernier au Vatican). Il a observé ce qu’il se passait et a été assez impressionné pour vouloir échanger avec eux. Le mouvement fut mondial et pas seulement national, voilà pourquoi cette dynamique ne peut pas s’arrêter. Car on a vu que cela faisait des différences. »
Pour Gregg Popovich, la question de la justice sociale reviendra sur la table au gré de l’actualité.
« Les événements dictent les discussions parfois », estime le coach des Spurs. « Ce sont eux qui ont permis de parler de ces sujets, et c’était nécessaire. En ce moment, l’environnement a changé car, là, on parle du virus qui touche tout le pays. C’est ça qui fait l’actualité, c’est logique et c’est inévitable. Il ne s’agit pas seulement de mettre des maillots Black Lives Matter pour montrer qu’on travaille. Les joueurs vont continuer, ainsi que les GM, les coaches ou les propriétaires. Tout le monde est impliqué. »
La routine de la saison régulière pourrait donc être trop forte et éloigner les joueurs des sujets politiques, surtout avec la pandémie qui limite les déplacements et bloque toute la société.
« Le plus dur, pour les joueurs, c’est toujours de trouver du temps pendant la saison pour s’impliquer personnellement », conclut Michele Roberts. « Et là, à l’évidence, la difficulté est encore plus grande avec cette maladie, qui nous force à rester à la maison. On essaie de trouver des solutions car il y a encore des gens dans les rues, et désormais on doit protester avec Zoom (application de visioconférence). »
Pour Adam Silver, il faudra sans doute trouver un juste milieu pour permettre aux acteurs de la ligue de continuer de s’exprimer, sans transformer la NBA en succursale politique. En privé, le « commissionner » rappelle ainsi qu’il gère une entreprise de divertissement, et veut éviter d’être au cœur des « guerres culturelles ».