Tous les fans des Raptors aimeraient être dans sa tête. Ils veulent déjà tous savoir si Kawhi Leonard va prolonger son aventure à Toronto cet été. Depuis son arrivée en juillet dernier, sa situation au Canada fait grimper les spéculations. « Il va rester si… » les Raptors s’invitent à tel ou tel stade des playoffs. À chacun son pronostic devant cet avenir encore très incertain. Une chose est certaine : pas un fan local ne semble aujourd’hui regretter l’échange grâce auquel l’ex-Spur a fait ses valises pour Toronto.
L’année passée, l’ailier avait surpris tout l’univers NBA en réclamant son départ des Spurs, sous fond de bisbilles médicales dans le Texas. Sa requête avait conduit à un échange encore plus surprenant : le Spur était envoyé à Toronto avec Danny Green, contre DeMar DeRozan et Jakob Poeltl. Un transfert qui a été très diversement accueilli au Canada. Voir DeMar DeRozan, « l’enfant du pays » en place depuis neuf saisons, et la première star à avoir affiché son envie de rester au Canada, être traité de la sorte n’est pas passé pour tout le monde.
Le départ de DeMar DeRozan ? « J’en ai pleuré »
« J’en ai pleuré », se souvient Casy, 22 ans, rencontrée avant le Game 5 face aux Bucks, dans « Jurassic Park », qui affiche fièrement son n°10 sur le dos. « J’ai tellement pleuré… Il était tellement loyal. On se fichait de Kawhi, on était simplement tristes de voir DeMar nous quitter. » « J’étais dévasté, le cœur brisé. Je pensais que c’étaient des conneries ce trade », complète Fedy, 23 ans, aujourd’hui un maillot de l’ancien Spur sur lui.
« Dans un premier temps, j’étais malheureux », explique encore Derek, 27 ans. « DeRozan était quelqu’un d’important pour la ville. Il l’est toujours. Mais la façon dont il est parti… » « C’était le seul All-Star qui voulait rester à Toronto », poursuit Anthony, 15 ans, qui rappelle que la ville n’a pas l’habitude d’attirer les free agents. « C’était une idole pour la ville », juge également Curtis, 23 ans. Beaucoup en ont voulu à Masai Ujiri, l’homme derrière cet échange et à l’origine du départ de Dwane Casey, remercié malgré son titre de coach de l’année. Très ami avec DeMar DeRozan, Kyle Lowry a lui aussi été particulièrement affecté par cette décision plus ou moins inattendue.
« DeMar est vraiment un bon garçon, je le considère comme quelqu’un de ma famille », reprend Nav Bhatia, le « superfan » de l’équipe, connu pour être particulièrement proche de certains Raptors (il a par exemple été invité au mariage de Jonas Valanciunas en Lituanie : « Quel mariage c’était ! »). « Ce transfert était traumatisant pour tout le monde, mais c’est le business. Même si je sais que DeMar est toujours très agacé (d’avoir été transféré). Je vais m’assurer qu’il revienne un jour ici ! »
L’arrivée de Kawhi Leonard s’est donc faite dans la douleur. Avant même de l’imaginer tenter de faire oublier DeMar DeRozan, beaucoup s’interrogeaient sur l’envie d’un joueur envoyé ici pour, potentiellement, une seule année. Au-delà des motivations ou des qualités basket du joueur, sa personnalité a fait question. Dans cet échange, fans et médias perdaient en DeMar DeRozan l’un des joueurs les plus accessibles de la ligue, titulaire en titre du « Magic Johnson Award », en échange d’un joueur quasiment muet.
Un « fun guy » à Toronto ?
« Je ne savais pas qui il était mais je n’étais pas certaine qu’il serait un « fun guy » comme il disait ! », en sourit Casy, qui fait référence à sa conférence de presse d’arrivée, devenue mythique, à l’issue de laquelle les rires du joueur ont secoué la toile. « Il avait l’air un peu nerveux à ses débuts, pour nous montrer ce qu’il valait », remarque Marion, 27 ans, qui dit qu’elle prendra un billet à l’année la saison prochaine si Kawhi Leonard reste. « On ne lui donnait pas beaucoup de crédit et je pense qu’en tant que fans, on ne lui a pas donné assez d’amour durant la saison régulière. » « À l’entame de la saison, il n’avait pas mon soutien », ne cache pas Fedy. « Je savais qu’il était talentueux mais DeMar donnait tout pour Toronto. »
Avec lui, malgré des absences régulières pour le reposer, les Raptors ont pourtant réalisé une très solide saison régulière, terminée à la deuxième place de la conférence Est. Et toute l’année durant, la moindre déclaration du joueur, pouvant orienter sur ses intentions futures, était scrutée de près. Lors du All-Star week-end, Kawhi Leonard avait parlé en bien de Toronto, évoquant une « super ville où il y a beaucoup à faire » tout en précisant… qu’il y faisait froid. Un détail qui pourrait avoir son importance pour le natif de Los Angeles.
« Il ne va pas dans les restaurants »
Les fans de Toronto interrogés n’ont pas souvenir d’avoir croisé le Californien discret en ville. « Il ne va pas dans les restaurants », note Nav Bhatia. « Son quotidien c’est : Raptors, rentrer à la maison et c’est tout. Il ne parle à personne. Il faut lui donner de l’espace et respecter ça. » Plus que sa discrétion, sa modestie est très appréciée par les fans. « Il ne cherche pas vraiment la lumière », juge Will, 33 ans. « C’est quelqu’un qui tient à sa vie privée, je respecte ça. Être flashy et avoir une grosse personnalité est quelque chose d’actualité dans la ligue. Mais je trouve encore mieux qu’il ne soit pas comme ça. Il est réel, sans prétention. »
Sa popularité envers les fans a tout simplement explosé ces dernières semaines. L’explication ? Ses playoffs exceptionnels bien sûr. « L’amour de la ville pour lui a atteint un tout autre niveau », confirme Fedy. Dès la série face aux Sixers, il était difficile de ne pas remarquer à quel point la Scotiabank Arena vibrait pour lui. Les chants de MVP sont un classique de la ligue, mais à ce point… Que ce soit durant les lancers-francs bien sûr mais également durant les temps-morts, le public local n’a cessé de lui montrer son affection.
Vous reconnaissez ce lourd bourdonnement ? Celui des fans des #Raptors qui, malgré le temps-mort, continuent de scander MVP ! MVP ! pour leur favori #KawhiLeonard. Scène récurrente durant ces #NBAPlayoffs (filmée durant la série face aux Sixers) #HeStays pic.twitter.com/4wGmrsM7SO
— Samuel Hauraix (@shauraix) May 25, 2019
Et puis, il y a eu ce fameux tir, pour envoyer les Sixers en vacances au buzzer du Game 7. Un tir « iconique » pour Will : « Peu importe ce qu’il va faire cet été, ce moment va être gravé dans l’histoire de ce club. Ça lui donne un statut de légende ici. » « C’est malheureux de le dire par rapport à DeMar », poursuit Curtis, « mais Kawhi a prouvé qu’il pouvait rentrer ces tirs à la fin d’un match. »
Le soir même de ce tir historique, Kawhi Leonard, particulièrement expressif ce jour-là, n’avait pas manqué de saluer son public : « On avait besoin d’eux ce soir. C’était de la folie. Ils ont été géniaux tout au long de l’année. »
Repas gratuits à vie, appartement luxueux…
Dès lors, cette question centrale revient : va-t-il rester, comme la ville entière semble le réclamer ? Personne ne le sait mais beaucoup s’emploient à faire pencher la balance. On peut bien sûr évoquer les fameuses fresques murales, changées à plusieurs reprises durant les playoffs, qui ornent un magasin du centre-ville, dans Queen Street West.
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On peut également mentionner le cas de ce patron de restaurant qui propose d’offrir à Kawhi Leonard des repas gratuits à vie en cas de resignature. Ou encore celui de ce grand patron dans l’immobilier qui propose carrément de lui offrir… un appartement de plusieurs millions de dollars en ville. L’idée étant de montrer « à quel point on apprécie ses efforts et son engagement futur avec la seule franchise canadienne en NBA », justifie ce dernier. « S’il faut que je me fasse tatouer Kawhi sur la jambe pour qu’il reste, je le ferais ! », rigole de son côté Shiva, en référence à un fan qui est déjà passé à l’acte. Bref, l’élan #HeStays ou #KawhiOrDie est bien d’actualité à Toronto.
Mais toutes ces attentions seront-elles suffisantes ? Certains, comme Tom Petrini, sont persuadés que non. Basé à San Antonio, celui qui se présente comme un analyste spécialiste des Spurs a toujours en travers de la gorge l’attitude passée de Leonard dans le Texas.
« J’ai déjà vu comment le film se terminait », formule-t-il. « Et ça se termine par un chagrin d’amour. La réalité est que si Kawhi Leonard se fichait de San Antonio, pourquoi se soucierait-il de Toronto ? Les gens le déifiaient ici. Ce gars était l’élu qui devait reprendre le flambeau. Au final, il a « ghosté » la ville entière. Nous n’avons jamais eu d’explication sur son envie de départ. Il est tellement discret que chacun peut projeter ses propres idées sur lui. Oui, je suis cru. Mais les fans de Toronto le seront également dans un mois. »
Le seront-ils ? Pas tous, non. Certains estiment tout simplement que faire le pari Kawhi Leonard, même pour un an, valait le coup. « C’était courageux de faire cet échange car on n’avait aucune garantie », rappelle Will. « Mais on pouvait faire des résultats sur une seule saison. Ce qu’on vit est déjà incroyable donc c’était absolument justifié. Ce gars vient de Los Angeles, sa famille est très importante pour lui, je respecte ça. Donc je ne pourrais pas le haïr s’il part pour ça. Il a tellement fait pour nous. » « C’est une super année mais s’il part, et que nous n’obtenons aucune contrepartie, on ne va sans doute pas retourner en playoffs… », craint de son côté Casy.
L’issue de ces playoffs aura peut-être un impact sur sa décision future. « Il ne faut pas s’en faire parce qu’il va rester ici et attirer de gros noms avec lui cet été ! », prophétise Max en rigolant. Plus loin dans « Jurassic Park », Sebastien, plus sérieux, en est convaincu : « Toronto lui a montré tellement d’amour, plus que pour n’importe quel joueur. Il doit rester, il a un futur ici. »
À Toronto.