[reportage] Qui sont les supporters du Heat ?

Froid, souvent indifférent et plus spectateur que supporter. C’est ainsi que le public de Miami est vu en NBA. Alors, avant et après le cinquième match de la Finale face à Oklahoma City au terme duquel LeBron James et le Heat ont été sacrés champions, il était temps d’aller rencontrer ces supporters.

Lise / 32 ans / 2ème rang

Il reste deux heures avant que le cinquième match de la Finale NBA ne débute. Sur le parquet, quelques joueurs s’échauffent dans une salle quasiment vide. Au deuxième rang, Lise envoie des SMS. Cheveux blonds impeccablement coiffés, maquillage généreux, cette mère de famille est au match avec ses deux fils.

“J’ai acheté les billets pour mes enfants, qui ont 10 et 7 ans et voulaient vraiment assister au match. Mon grand a aussi voulu un ballon à la boutique. Chris Bosh lui a d’ailleurs tapé dans la main en arrivant alors il était ravi”.

Elle ne connaît pas très bien le basket, le regarde peu et aurait préféré que son mari, en voyage d’affaires, soit là. Pas question pour autant de rester ce soir dans sa maison des beaux quartiers de Miami Beach.

“C’est une belle salle et un beau sport. Mon mari connaît ça mieux que moi et il regarde souvent des matches à la maison. Mes deux garçons adorent”.

Giovanni / 27 ans / 11ème rang

Au 11ème rang, Giovanni est seul dans une tribune encore vide. Il multiplie les photos avec son iPhone. Cheveux courts et yeux clairs, ce fils d’immigré cubain travaille à Saks Fifth Avenue, une chaîne de magasins de vêtements de luxe. Il connaît du monde et avait vu les dernières Finales dans la loge d’un ami.

“Cette fois, mes billets, je les ai achetés sur Internet, il y a quatre jours. 750 dollars pour cette place. En fait, la plupart des sièges appartiennent à des gens très riches qui payent pour avoir ces places à l’année et les revendent quand ils ne vont pas au match”.

Ce qui est souvent le cas. Giovanni manque lui peu de rencontres et se débrouille toujours pour assister aux matches les plus importants. Il ne voulait d’ailleurs pas rater celui-ci, possible couronnement de LeBron James, son joueur préféré.

“Je suis fan du Heat depuis que j’ai 7 ans. Mon premier match, ici, c’était un match des Bulls avec Michael Jordan. J’étais là aussi quand ils ont retiré son maillot. J’ai également assisté à deux matches de la finale 2006, dont celui où Dwyane Wade met 43 points. C’était incroyable”.

Loretta / 48 ans / 25ème rang

De l’autre côté de la salle, Loretta discute tranquillement avec sa fille. Cette Afro-Américaine de 48 ans observe les allées et venues des joueurs et des fans qui commencent à se déverser dans l’Americain Airlines Arena.

“J’aime beaucoup le Miami Heat, mais je ne suis pas très accroc au basket. En fait, mon mari travaille pour la NBA et c’est comme ça que nous avons pu avoir des places avec ma fille”.

Elle s’arrête souvent de parler pour observer un visage célèbre qui passe à quelques mètres de là, touche sa chance, explique qu’elle se sent un peu mal à l’aise au milieu de tous ceux qui ont payé leur place si cher.

“Mon mari travaille sur Miami, il s’occupe de l’organisation de la salle mais nous n’avons pas souvent l’occasion de venir voir des matches. Excusez-moi mais je suis un peu émue de voir tous les gens que j’ai l’habitude de regarder sur SportsCenter [sur ESPN]. Dwyane Wade, Chris Bosh… C’est fantastique”.

Antonio / 53 ans / 3ème rang du troisième étage

Crâne rasé, visage dur, Antonio est un retraité de l’armée américaine. Fan de sport, il passe pas mal de temps devant sa télévision, chez lui. Mais il aime toujours autant l’ambiance des stades et des salles.

“Je suis d’abord un fan de football américain, et des Miami Dolphins. Je vais voir tous leurs matches. Mais j’aime aussi beaucoup le Heat. Depuis que Dwyane Wade est arrivé, j’essaie de venir les voir le plus souvent possible”.

La salle, il la connait bien. Tout comme son public, réputé pour être un des moins fervents d’Amérique.

“On dit souvent que le public de Miami est froid mais ici, au troisième étage, il y a des vrais fans. C’est vrai qu’en bas, les places tournent beaucoup. Il y a des touristes qui achètent les tickets au dernier moment et qui ne sont pas vraiment des supporters. Mais en haut, les gens sont à fond”.

Jonathan / 25 ans / Avant dernier rang

Au sommet, là où le terrain rétrécit et les joueurs disparaissent presque, Jonathan agite déjà frénétiquement les bras. La salle s’est remplie par le haut et les fans dégustent boissons et pop-corn en attendant que le match ne commence.

“Je travaille dans un garage en périphérie de Miami. Je suis fan du Heat grâce à mon père, qui m’avait emmené voir un match quand j’étais gamin. Je ne me souviens pas de grand-chose mais je sais que j’avais adoré. Depuis, j’essaie de venir au match quand j’ai l’argent pour acheter les places”.

Sa place pour ce Game 5, il l’a trouvée au dernier moment, et a du mettre le prix. Mais ce fan absolu de Dwyane Wade ne voulait pas rater cette rencontre qui sera sa séance de rattrapage.

“En 2006, j’avais acheté une place pour le Game 4 au marché noir. Mais quand je suis arrivé, on m’a dit que c’était un “fake”, qu’il n’était pas valable. J’avais travaillé pendant des semaines pour me payer ce ticket. J’ai écouté le match à la radio sur un parking, dans ma voiture. C’est un très mauvais souvenir”.

Plus de 20 000 personnes liées le temps d’un match

Celui-ci sera bien meilleur. Miami joue un match de rêve alors que les trois points s’enchaînent et que le Thunder explose en deuxième mi-temps.

“Mike Miller était incroyable ! Pouvoir rentrer autant de tirs en étant blessé, c’est fantastique », explique Giovanni. « LeBron James a encore une fois été incroyable avec un triple-double pour finir et porter son équipe tout en haut. La défense dans le troisième quart-temps est la meilleure dont je puisse me rappeler. Et la salle était tellement électrique”.

LeBron James, enfin champion, a fait taire toutes les critiques. Dans la salle, c’est l’explosion avec le titre et la remise des trophées qui s’organise rapidement. L’émotion est partout, navigue dans toutes les travées, entre tous les sièges.

“Tom, mon petit, a pleuré lorsque le Heat a été champion et que LeBron James a reçu la statuette », raconte Lise. « Il m’a dit que c’était le plus beau jour de sa vie. C’est vrai que c’est un super souvenir et qu’on a vécu un beau moment”.

Dans les vestiaires, les joueurs fêtent leur titre sous une pluie de bière et de champagne. Le vestiaire du Heat a été bâché et se retrouve inondé par ce flot de joie et d’alcool mêlé à quelques larmes. Dans le ventre de la salle, les supporters descendent en masse les escaliers pour regagner la rue où ils fêteront la victoire de leur équipe pendant de longues minutes.

“Le public était devenu fou », assure Jonathan. « Je ne m’entendais même plus crier. Les joueurs me tournaient le dos lors de la cérémonie mais c’était beau. Dans les couloirs, tous les supporters continuaient à chanter : Let’s Go Heat ! Let’s Go Heat ! On n’avançait pas dans les escaliers mais c’était vraiment cool”.

Peu importe le quartier où ils habitent, leur origine, leur culture ou même leur croyance. Pendant quelques heures, 20 003 personnes se sont retrouvées à l’American Airlines Arena pour partager quelque chose, ensemble. Un mot qui revient dans toutes les bouches et sur tous les visages : bonheur. Sans s’en rendre compte, sans même y penser et sans pouvoir jamais l’oublier.