Après vous avoir fait vivre de l’intérieur la March Madness, Basket USA vous emmène ce week-end à Charlotte. Objectif, découvrir les Bobcats, la plus mauvaise équipe de la NBA.
Une visite du purgatoire en quelque sorte avec notre photographe Thomas Savoja pour guide.
Ce samedi soir, on le retrouve pour un Charlotte – Toronto. C’était à la mi-mars, juste avant que Boris Diaw ne fasse ses valises pour San Antonio.
C’est un de ces après-midis de printemps où tout vous incite au relâchement des sens. Le ciel est d’un bleu immaculé, l’air léger et doux. Une foule colorée afflue en masse vers le centre ville de Charlotte. Nommée en l’honneur de la femme du roi d’Angleterre George III, la Queen City est la plus importante de l’état de Caroline du Nord avec ses 700 000 âmes. C’est également le siège de nombreuses entreprises dont l’omniprésente Bank of America qui a donné son nom au stade des Carolina Panthers l’équipe de Foot US que l’on ne peut pas manquer en arrivant en ville.
Nous sommes le 17 Mars, jour de la Saint Patrick et je débarque tout juste de Greensboro où j’ai eu le privilège d’assister au second tour du tournoi NCAA. Je n’avais pas bien réalisé que la Saint Patrick revêtait une telle importance aux Etats Unis mais en observant les centaines de personnes vêtues de vert qui convergent au cœur d’Uptown, force est de constater que l’héritage Irlandais du pays n’est pas un vain mot.
Peut-être vous demandez vous ce que je fais à Charlotte ? Mais ou avez-vous la tête ! La ville héberge les Bobcats, l’une des 30 franchises de la NBA et je ne pouvais pas passer à côté de l’occasion !
« 101 choses à voir ou à faire à Charlotte »
Ok, les esprits chagrins me rappelleront certainement que l’équipe traverse une saison cauchemardesque et qu’il faut être maso pour faire autant de kilomètres dans le simple but d’aller applaudir ce collectif à la dérive. Sir Charles Barkley n’a-t-il pas récemment affirmé que les Kentucky Wildcats,champion NCAA, taperaient aisément les Bobcats ? Qu’importe ces affirmations sensationnalistes, c’est souvent dans les situations les plus désespérées que naissent les plus belles histoires.
Il est 11h00 du matin et je me mêle à la foule sur Church Street où une parade est organisée. Les chars défilent dans une ambiance bonne enfant typiquement américaine. Dans le public, de nombreuses personnes sont déguisées en Elfe ou en Leprechaun, ces petits gnomes de la mythologie celtiques. Autant vous dire que la Guinness coule déjà à flot mais il est encore un peu tôt pour en sentir les conséquences. Je m’engouffre au Visitor centre afin d’optimiser mon temps. La jeune fille préposée à l’accueil me recommande la brochure « 101 choses à voir ou à faire à Charlotte » ! Il semble que l’attraction N°1 soit le NASCAR Hall of Fame. Je vous laisse juge mais bien qu’étant fan de belles mécaniques, je ne suis pas sûr de franchir le pas.
Me voici désormais attablé au comptoir d’un restaurant à la mode sur University Avenue. Il est bondé, St Patrick oblige et je patiente trente bonnes minutes avant que l’on me serve mon hamburger fumant et ses frites croustillantes !
La Time Warner Cable Arena est un complexe moderne situé en plein cœur d’Uptown. Datant de 2005, la salle peut accueillir 19.000 spectateurs soit la norme en NBA. Les parkings abondent aux alentours et je gare tranquillement ma Lincoln dans l’un des plus cossus pour la modique somme de 15 bucks la soirée ! Nous sommes 1h30 avant le début du match et je vais pouvoir rentrer progressivement dans l’ambiance. Ce soir les Bobcats reçoivent les Raptors de Toronto. L’affiche n’est pas la plus Flashy qui soit mais je suis tout de même excité par la perspective de fouler le parquet de la Time Warner Cable Arena. Je sors du parking les bras chargés de mon matos photo, il fait une chaleur de fou ! Une foule compacte est amassée devant la salle et je remarque un camion de pompier et des hommes en uniforme. Renseignements pris, l’Arena vient d’être évacuée à cause d’une alerte incendie : voici une soirée qui commence pour le mieux.
La suite est de la même veine. Le personnel ayant regagné ses pénates après la levée de l’alerte liée à un disfonctionnement de l’alarme, je décide de partir à la recherche de l’entrée Media. Comme souvent, elle est à l’exact opposée de l’endroit où je me trouve et l’Arena est particulièrement longue à contourner puisque je découvre que le Charlotte Presbyterian Hospital occupe une aile du complexe !
Voici enfin la porte dérobée qui sert d’entrée à la presse, juste derrière le terrain d’entrainement. A ma grande surprise, mon nom n’est pas sur la liste des accrédités pour ce soir et je suis obligé de sortir le précieux sésame estampillé NBA Europe pour que le responsable Média m’accorde le dernier spot disponible sous les panneaux, le N°4 juste à côté du banc des Bobcats. Je serais finalement aux premières loges.
Une salle mal éclairée
J’ai le temps de prendre une collation dans la salle de presse. Le cuistot a mis sa toque blanche des grands jours pour servir les mets délicats qu’il a concoctés spécialement pour la Saint-Patrick. Il me vante les mérites de la Shepherd Pie mais rien qu’à regarder cette bouillie informe, je n’ai plus d’appétit. Je me contenterais donc de quelques légumes pas assez cuits et de beaucoup de soda.
Je décide de regagner le parquet mais je m’égare dans les souterrains de l’Arena. Il y a des vigiles tous les 30 mètres qui me donnent des indications contradictoires sur la façon la plus rapide d’accéder à la lumière. Par inadvertance, je pousse une porte et me retrouve nez à nez avec une employée repassant consciencieusement un maillot floqué au nom de Boris Diaw !
Je débarque enfin dans l’arène et les joueurs terminent tout juste leur échauffement. « Ok ils s’entrainent dans le noir, mais ce serait bien qu’ils allument la lumière au début du match non ? » me dis-je naïvement dans la perspective de ma séance photo. Seul souci, la pénombre perdurera toute la soirée : mais que fait son altesse MJ, General Manager de la Franchise. Je n’ai jamais vu une salle NBA dotée d’une si faible lumière !
Boris Diaw se morfond
Côté terrain les Raptors débarquent diminués par la blessure à la cheville de Jose Calderon qui sera remplacé à la mène par Jerryd Bayless. Pour couronner le tout, leur avion a eu un problème technique et s’est arrêté en catastrophe à Memphis où ils ont passé une nuit agitée avant de gagner la Caroline du Nord. En ce qui concerne les Bobcats, Boris Diaw en instance de départ est en costume dans les tribunes. Il a le regard figé de ceux qui en ont gros sur la patate. Le divorce est déjà bien consommé avec le coach Paul Silas et dans quelques jours il partira vers d’autres cieux après avoir joué 258 matchs de rang pour Charlotte, record de la franchise. En discutant avec un journaliste du Charlotte Observer, j’apprends que les relations étaient devenues tendues entre les deux hommes, Silas lui reprochant un certain manque d’intensité à moins que ce ne soit un excès d’intelligence, ou plutôt le reproche inavoué que le basket n’est pas tout dans sa vie. Dans le cinq de départ ce soir, on observe donc la titularisation de l’intérieur congolais Bismack Biyombo qui est le joueur le plus jeune de la NBA du haut de ses 20 printemps.
Le début de rencontre est à l’avantage de Toronto avec un Andrea Bargnani aérien comme jamais. Franchement ce type m’impressionne par la fluidité de ses mouvements. D.J. Augustin semble particulièrement agressif et il attaque systématiquement le panier avec une réussite bluffante. Mais dans ce premier quart-temps, difficile de résister à la furia du duo d’arrières Bayless et DeRozan qui permet aux Raptors de mener de 15 points, bien épaulé par le Lithanien Linas Kleiza.
Côté Bobcats, le filiforme Tyrus Thomas ne semble pas paniquer pour autant. Il a le corps entièrement couvert de tatouages ce qui lui donne une allure quelque peu inquiétante d’autant qu’il sourit quand il se brûle. A l’opposée le Rookie de UConn Kemba Walker passe son temps à s’éclaffer sur le banc mastiquant un chewing gum de façon ostentatoire. Il arbore pour la St Patrick des chaussures vert pomme du meilleur effet. Le garçon a l’air sympa mais paraît quelque peu désinvolte. Cette attitude se traduit sur le terrain par quelques pertes de balles évitables et des choix de tirs assez douteux.
A quoi sert Paul Silas ?
Je reste d’ailleurs sidéré par le comportement du coach Paul Silas sur le banc. Celui-ci ne pipe pas mot de toute la rencontre. Je n’ai jamais vu cela de ma vie ! Il a l’air totalement amorphe et laisse les clés du camion à son assistant de fils Stephen Silas. Dans l’absolu pourquoi pas mais là, je le trouve vraiment trop peu impliqué pour un coach NBA. Encore une fois que fait le président !
La rencontre s’équilibre en seconde mi-temps sous l’impulsion du duo de Duke Gerald Henderson et Corey Maggette qui donnent de leur personne dans un registre certes différent. Je me fais d’ailleurs une grosse montée d’adrénaline lorsque Maggette lancé comme un avion sur une fastbreak vient terminer sa course folle sur les photographes. Mon voisin terrorisé se jette littéralement sur moi pour l’éviter au dernier moment. C’est vrai que prendre un beau bébé comme Corey sur le râble lancé à pleine vitesse, cela doit faire du dégât.
Plus de peur que de mal, je me remets de mes émotions en appréciant le spectacle des Lady Cats, les cheerleaders locales. Avec la complicité de Rufus, le Lynx orange qui sert de mascotte, elles distribuent à tout va des T-shirts aux spectateurs qui se trémoussent le plus ardemment dans les gradins.
Charlotte peut gagner…
Sur le parquet, Corey Maggette qui a décidemment mangé du lion continue de se jeter comme un mort de faim sur toutes les balles qui passent. Mais un nouveau plongeon au niveau de la table de marque lui sera fatal. Il s’éclate littéralement sur les premiers rangs et se blesse au dos. Il faut plusieurs minutes pour le relever et on ne le reverra plus du match !
Les Bobcats mènent désormais de 16 points à 4 minutes de la fin mais dans un sursaut d’orgueil, Toronto revient à 4 point à 10 seconde du terme sous l’impulsion de son meneur Bayless qui termine avec 29 points au compteur. D.J. Augustin signe finalement 23 points et 11 assists pour mener les Bobcats à la victoire 107 à 103.
« Je le sentais bien ce soir et j’ai été plus agressif que d’habitude en attaque à la demande du coach. Je crois que je vais l’être plus souvent !» lâchera Augustin en conférence d’après match.
Et si cette équipe n’était pas si médiocre qu’on pouvait l’affirmer ?
Les cieux semblent avoir moyennement gouté l’issue de la rencontre. Lorsque je sors de l’enceinte à 22h00 passées, un violent orage s’abat sur la ville, transformant les rues en torrents. Par chance j’ai dans mon sac un poncho aux couleurs de FSU que j’enfile sous le regard jaloux des spectateurs. Il me permettra de braver les éléments pour rejoindre mon véhicule en protégeant au mieux mon matériel.
La suite dimanche soir…